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Chapitre 1 : Recension des écrits et problématique

1.8 Les populations vulnérables

Selon les résultats d’une méta-analyse (Durand, 2014), les interventions en prise de décision partagée seraient plus bénéfiques auprès des populations ayant un niveau socioéconomique et de littératie plus faible qu’auprès de groupes ayant un niveau socioéconomique et de littératie plus élevé. Les groupes vulnérables soumis à l’intervention, en comparaison aux groupes contrôles, auraient démontré en général un plus faible niveau de conflit décisionnel, une plus grande amélioration des connaissances et un sentiment plus clair par rapport à leurs valeurs et leurs préférences. Les outils d'aide à la décision ont donc un potentiel intéressant pour faciliter le processus décisionnel des personnes les plus vulnérables. D'un point de vue de santé publique, ces outils sont susceptibles de répondre à l'objectif global de participer à la réduction des inégalités sociales de santé. Par exemple, ces outils ont le potentiel d’améliorer l’accessibilité aux soins pour les personnes plus vulnérables et peuvent ainsi participer à la réduction des inégalités sociales de santé.

Notre définition du concept de populations vulnérables va comme suit : les populations vulnérables sont des personnes qui sont plus à risques d’avoir des problèmes de santé étant donné leur faible statut socio-économique (niveau d’éducation, revenu, emploi), leur origine ethnique, leur genre et leur statut social (Waisel, 2013, Nelson, 2002, Kilbourne et al., 2006, Aday, 1994, Braveman, 2006, Frohlich et al., 2006, McCallum, 2010). Les populations vulnérables sont considérées comme étant mal desservies sur le plan médical, c'est-à-dire qu'ils font souvent face à un manque d'accessibilité aux soins de santé (Hooker, 2013). La vulnérabilité peut être également vue comme une situation de précarité ou une instabilité touchant à un ou plusieurs déterminants de la santé sur une période donnée. Plus spécifiquement, la vulnérabilité peut être reliée à une combinaison de facteurs tels que les caractéristiques individuelles, les facteurs extérieurs provenant du milieu de vie de l’individu et les facteurs provenant plus largement des systèmes économiques, politiques et sociaux. L’état de vulnérabilité est aussi

relié au facteur temps, c’est-à-dire qu’il est influencé par le parcours de vie des individus. Mechanic et Tanner (2007) font une distinction entre la vulnérabilité temporaire et la vulnérabilité persistante, la dernière comportant de plus lourds effets sur le système de santé. Ces auteurs mentionnent également que la faiblesse du réseau social, le manque de soutien social et la localisation géographique sont des facteurs souvent oubliés qui sont susceptibles de mener à la vulnérabilité (Mechanic et Tanner, 2007). Dans le même ordre d’idée, Kilbourne et collègues (2006) ont proposé un schéma conceptuel qui démontre que les éléments qui déterminent les inégalités de santé ne se situent pas seulement au niveau du patient, mais aussi au niveau des professionnels de santé (connaissances et attitudes, compétence culturelle) et du système de santé en général (organisation des soins, culture organisationnelle). Le modèle conceptuel de Flaskerud et Winslow (1998) va dans le même sens et place une certaine responsabilité collective à la vulnérabilité des individus. Au-delà donc d'une affaire simplement individuelle, la vulnérabilité est aussi une responsabilité collective. Lewis et collègues (2012), quant à eux, font la distinction entre deux types de populations vulnérables : les individus socialement défavorisés (relié à l'ethnicité, faible niveau socioéconomique, de litératie, les personnes sans abri, etc.) et les individus vulnérables d'un point de vue clinique (les cas complexes de maladies chroniques, de comorbidités, les personnes souffrant d'un trouble mental, les enfants, les personnes âgées fragiles, etc.). Pour ces auteurs, la combinaison de caractéristiques faisant partie de ces deux groupes décuple la gravité de la vulnérabilité.

Baumnhover et May (2013) affirment que tous les individus peuvent potentiellement devenir vulnérables au cours de leur vie si les conditions sont réunies. Apparait alors la notion du risque relatif. Fait intéressant à noter, c'est dans le domaine des sciences environnementales et de la gestion des risques naturels que le concept de vulnérabilité est apparu en premier : « L’idée principale était de tenir compte de l’inégalité de l’impact des accidents naturels selon les groupes humains, en fonction de leurs capacités de faire face (coping capacities).

[...] Le lien crucial entre un risque ou une menace extérieure et une catastrophe a été trouvée dans la notion de population vulnérable. » (Martin, 2013, p.2) Aday (1994) établit sa définition des populations vulnérables autour de la question du risque relatif. Selon l'auteur, les individus ont leur propre risque relatif d'être malade et ce risque est multiplié pour ceux qui « ont peu de ressources matérielles (économiques) et non matérielles (psychologiques ou sociales) pour les aider à faire face à la maladie. » (Traduction libre, Aday, 1994, p.489). Pour Aday, ce qui fait en sorte qu'on est vulnérable ou pas dépend des « ressources » qu'on possède. Les ressources d'un individu sont divisées en trois éléments : le statut social, le capital social et le capital humain. Le statut social selon Aday réfère aux attributs biologiques comme l'âge, le sexe et la race qui correspondent aux rôles qu'on joue dans la société. L'accumulation de statuts vulnérables augmenterait ainsi le risque d'avoir une mauvaise condition de santé (Aday, 1994, p.491). Le capital social fait référence aux connections sociales et aux réseaux sociaux qu'un individu possède. Un faible capital social augmenterait alors ce risque relatif d'être malade. Finalement, le capital humain chez Aday correspond aux capacités et aux compétences des individus. Ceux ayant un plus faible capital humain ont donc un plus haut risque d'avoir une mauvaise santé. Ce qui est surtout intéressant avec la théorie d'Aday, c'est que dans sa vision, les pouvoirs politiques et les pouvoirs de santé publique doivent agir sur ces trois plans (statut social, le capital social et le capital humain) afin d'améliorer la santé et diminuer les vulnérabilités, puisqu’ils sont entrelacés. Par exemple, il faudrait agir à la fois au niveau de la création d'emplois afin de diminuer le chômage, de l’accessibilité à de bonnes écoles pour favoriser les compétences des individus et la planification urbaine pour créer des bons quartiers pour favoriser le capital social. Bref, la société doit se prémunir de programmes socioéconomiques et de santé publique réfléchis dans une optique holistique afin d’agir avec succès sur la vulnérabilité et de favoriser des meilleures conditions de santé.

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