5.1 Présentation des concepts retenus
5.1.2 Polymédication
La polymédication est un problème de santé publique touchant un nombre croissant d’individus, notamment les personnes âgées. Cela s’explique par
divers facteurs qui sont en cause, tels que l’accroissement de la prévalence des maladies chroniques avec l’allongement de l’espérance de vie, la reconnaissance de l’efficacité de la prévention secondaire, ainsi que l’accroissement de la palette thérapeutique. De plus, physiologiquement, les personnes âgées éliminent plus difficilement les médicaments et leur organisme est plus fragile. La polymédication est donc considérée comme un indicateur de fragilité (Mazzocato, David, Benaroyo & Monod, 2013).
La prise de médicament augmente différentes pathologies chroniques et les symptômes spécifiques qui affectent majoritairement cette population âgée. Il ne s’agit pas nécessairement d’un phénomène négatif. Un traitement optimal prend en compte parfois la prise de plusieurs médicaments se justifiant par la présence de plusieurs pathologies. Cela pour traiter des comorbidités souvent plus lourdes (Mazzocato et al., 2013).
Cependant, les risques sont bien présents. Il s’agit d’un risque d’événements iatrogènes en raison du risque d’interaction médicamenteuse et d’interférence avec les pathologies présentes.
L’OMS (1969) définit les évènements iatrogènes comme suit : « Toute réponse néfaste et non recherchée à un médicament survenant à des doses utilisées chez l’homme à des fins de prophylaxie, de diagnostic et de traitement » (Lannoy, 2012).
L’augmentation des effets secondaires et le risque de non compliance de la personne face au traitement sont également des risques importants.
5.1.2.1 Définition
Mais qu’entendons-nous par le terme de « polymédication » ? Est-ce qu’il y a une définition univoque ?
Le terme de polymédication n’est pas univoquement défini, mais il est cerné par le biais de plusieurs concepts (quantitatifs et qualitatifs) :
D’un point de vue quantitatif, la première définition donnée dans la littérature correspond à un nombre minimum de médicaments différents consommés par jour ou par semaine. Certains auteurs définissent la polymédication à partir de 3 médicaments tel que le fait ISAR (Instrument de screening des aînés à risques) (McCusker, Bellavance, Cardin et al., 1999 ; dans Pire, Fournier, Schoevaerdts, Spinewine & Swine, 2009). Quant à eux, Jorgensen, Johansson, Kennerfalk, Wallander et Svardsudd (2001) définissent la polymédication à partir de 5 médicaments.
Par contre, Mazzocato et al. (2013) définissent la polymédication comme une prise quotidienne de 5 médicaments ou plus et la polypharmacie excessive comme 10 médicaments ou plus.
Pour ce travail, nous allons nous référer à cette dernière définition car elle est souvent utilisée dans les études épidémiologiques. Cela s’explique car c’est le nombre pivot au-delà duquel les risques d’effets indésirables sont fortement accrus.
D’un point de vue qualitatif, la polymédication est définie par l’association de différents types de médicaments. De plus, elle est définie par l’association
inappropriée de médicaments et leurs conséquences néfastes (Pire et al., 2009).
5.1.2.2 Epidémiologie
Dans ce travail, nous souhaitions cibler une population majoritaire à ce phénomène. Les personnes âgées sont cette population. Cependant, la population âgée peut se retrouver à domicile, hospitalisée, suivant des prestations ambulatoires ou encore en établissement médico-social (EMS). En Suisse, selon l’Office fédéral de la statistique (2015), plus de 84'000 personnes âgées de 65 ans et plus vivent dans un EMS. Cette proportion étant considérable, la population cible de ce travail sera les personnes âgées de plus de 65 ans vivant en EMS.
Selon une étude de Kaufmann, Kelly, Rosenberg, Anderson et Mitchell (2002), le nombre de médicaments consommé selon les types d’institutions varie. En voici un bref résumé, permettant d’accentuer les risques de notre population cible : Ambulatoire, 2-7 médicaments ; Domicile, 6-7 médicaments ; Maison de retraite, 8 médicaments.
Egalement selon cette même étude, les médicaments les plus prescrits en maison de retraite sont : les Psychotropes (67%) et antidépresseur (46%), les Laxatifs (50%), les Médicaments pour le système cardio-vasculaire (50%) dont les Bétabloquants (23%), les Analgésiques (42%), les Diurétiques (41%), l’Aspirine (38%), les Antiulcéreux (30%) et les Inhibiteurs de l’enzyme de conversion (25%).
Nous pouvons constater que cette population est à haut risque de polymédication. Par conséquent, il est nécessaire de pouvoir améliorer nos interventions auprès de ces personnes.
5.1.2.3 Conséquences
Plusieurs conséquences peuvent être induites par la polymédication. Tout d’abord, une diminution de la compliance au traitement. En effet, plusieurs études démontrent que la compliance diminue en fonction que le nombre de médicaments augmentent. Par exemple, Barat, Andreasen et Damsgaard (2001) démontrent qu’à partir de 5 médicaments, le taux de compliance descend en dessous de 50%.
La survenue d’effets secondaires est une autre conséquence importante. Elle s’accroit considérablement avec le nombre de médicaments, ainsi qu’avec les interactions médicamenteuses et les interférences avec les pathologies. L’étude de Fulton et Allen (2005) démontre dans leur recherche, que 20 à 25% des hospitalisations sont causées par l’apparition d’événements iatrogènes médicamenteux.
De plus, des troubles non prévus peuvent survenir suite à la prise simultanée de plusieurs médicaments à cause des interactions. Hajjar, Cafiero et Hanlon (2007) parlent de syndromes gériatriques. Il s’agit de symptômes tels qu’une augmentation des risques de chute, des troubles cognitifs, une dénutrition, de la confusion, etc.
L’exposition aux effets secondaires est plus importante chez les personnes âgées car elles ont un métabolisme plus lent et cela a pour conséquence une élimination des médicaments plus longue.
L’ensemble de ces troubles a des conséquences considérables sur le bien-être et la santé des personnes âgées. Cela engendre un coût important d’hospitalisation, de durée de séjour et de médicaments.
En conclusion, il est important de tenir compte qu’une grande partie de la population de plus de 65 ans est « polymédiquée » et que cela peut avoir de grandes conséquences. L’enjeu est donc d’avoir un meilleur contrôle sur cette polymédication et d’améliorer la qualité de vie du patient en diminuant les risques.