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Le contrôle, principale pierre d’achoppement du stationnement sur voirie

1.3 L’intérêt de l’éco-conception pour organiser le stationnement urbain

1.3.2 Les politiques de stationnement : genèse et approches de conception

L’organisation et la gestion du stationnement fait référence aux divers programmes et politiques qui les sous-tendent (Litman, 2006). Le terme de « politique » réfère, au sens large, à un ensemble d’actions spécifiques et à une manière d’agir. Sous l’angle des politiques publiques, il renvoie aussi à l’autorité organisatrice chargée de prendre des décisions pour répondre à des objectifs préalablement définis et ce en déployant un ensemble de moyens d’action. Selon cette acceptation, la politique de stationnement constitue le cadre de référence des actions publiques en matière de stationnement. Ce concept est largement utilisé tant au milieu académique qu’au milieu professionnel. Mais, il est peu défini et peu caractérisé. Dans ce qui suit, nous tentons de répondre aux questions suivantes : en quoi consiste une politique de stationnement ? À quelles finalités répond-t-elle ? Quels sont les moyens de sa mise en œuvre ? Et selon quelles approches et démarche elle est établie ? Nous nous attachons à répondre à ces interrogations à travers une analyse de la littérature scientifique tout en mettant en lumière des enjeux d’une politique de stationnement éco-conçue.

1.3.2.1Qu’est-ce qu’une politique de stationnement ?

Le terme de « politique de stationnement » est largement employé dans les discours politiques, dans les documents de planification urbaine et des transports et dans les rapports et les études académiques. La littérature liée aux politiques de stationnement est très dominée par les études professionnelles et la littérature grise (Mingardo et al., 2015). Pourtant, il s’agit d’un terme ambigu et dont les tentatives de sa définition demeurent très limitées, d’où l’intérêt d’un éclairage conceptuel.

Choay et Merlin (1988, p.515) définissent les politiques de stationnement comme un « ensemble des moyens réglementaires et tarifaires visant à tirer le meilleur parti de l’espace dévolu au stationnement ». Axée sur l’objectif d’intervention publique et les instruments utilisés, cette définition renvoie implicitement à l’idée de gestion de la consommation d’une ressource qui est l’espace. Selon une étude de l’OCDE (1980, p.44) les politiques de stationnement revoient à « un ensemble de mesures et d’actions

touchant le stationnement ou des domaines connexes, dans le cadre général du plan de transport, afin d’atteindre certains objectifs au cours d’une période de temps donnée ». Young et Miles (2015,

p.23) affirment « parking policy relates to the management of the price, supply, duration and

location of parking to enhance the urban environment ». Ces définitions appréhendent les

politiques de stationnement à travers ce qui les compose (les objectifs et les instruments) et selon une perspective technico-économique. D’autres auteurs se sont penchés sur la dimension politique, ils se contentent de considérer les politiques de stationnement comme des outils de gestion des déplacements visant à limiter la congestion, à réduire la pollution et à améliorer la sécurité routière et les conditions de

49 trafic sur le réseau (Litman, 2006 ; MacCahillet Garrick, 2010). Rac Foundation (2012, cité dans Marsden(2014)) met l’accent sur le caractère décisionnel, il considère que les politiques de stationnement font référence à des décisions liées la quantité d’espace allouée au stationnement et aux règles et aux conditions d’utilisation de cet espace. Admettant le même principe de la finalité et des moyens, Belli-Riz et al. (2000, p.15) ont introduit l’idée d’équilibre pour montrer la fragilité de la gestion du stationnement. Ils considèrent que « l’objectif premier d’une politique de stationnement est de gérer un équilibre

entre ces besoins concurrents (en parlant des résidents, des pendulaires, des visiteurs et des livreurs), et de traduire les arbitrages nécessaires dans l’aménagement, la réglementation et la tarification du stationnement. Ces arbitrages sont cependant fluctuants, ils traduisent l’état des rapports de force entre les intérêts des différents groupes à un moment donné ». Cette définition renvoie aussi à l’idée

d’un conflit d’usage et à la nécessité d’arbitrer et de hiérarchiser les besoins pour atteindre l’équilibre. Ce propos est partagé par Rye et al. (2008, p.387) qui soulignent que le stationnement « is clearly an area of policy conflict sicnce using it to manage demand may

reduce revenue geretaion, or (be perceived to) damage the local economy. In terms of on-street and off- street parking there are a wide range of users who often have conflicting opinions, which have to be taken into account in its management». Dans ce même ordre d’idées, Marsden (2006,

p.447)) considère que « Parking policy is at best an opaque balance between a revenue raising

activity for local authorities, a desire to avoid deterring visitors and therefore damaging urban vitality and a need to manage transport demand ». Il ressort ainsi que le conflit s’étend aux objectifs

remplis par les politiques de stationnement.

Dans un essai de classification des politiques de stationnement, Barter (2015) utilise le terme de « politique » dans un sens large pour faire référence à la pensée qui sous-tend les actions des pouvoirs publiques en matière d’organisation du stationnement et qui englobent la planification, la gestion et la régulation de l’offre privée et publique des places. Cette conception met l’accent sur l’approche qui structure les actions publiques, elle montre en quoi consiste une politique de stationnement. Cette appréhension est partagée par le commissariat général de la stratégie et de la prospective (2013, p.30) qui affirme que « la politique du stationnement englobe la conception,

l’aménagement et la gestion du stationnement ».

L’analyse de la littérature montre aussi le caractère pluriel des politiques de stationnement. Ce concept est parfois utilisé pour faire référence à un segment d’offre (public (sur voirie ou hors voirie) ou privé), ou à une catégorie d’usagers. Pour illustrer, nous citons les travaux de Marsden (2006 et 2014). Cet auteur a essayé d’établir quelques fondements qui peuvent assoir l’élaboration des politiques de stationnement liées aux commerces, aux loisirs, au travail et au domicile. Selon lui les politiques de stationnement résidentiel référent à la fois à la planification concernant la fourniture des places liées aux nouvelles constructions et aux outils utilisés pour gérer le stock de places disponibles dans les zones résidentielles. Marsden (2014) insiste sur la nécessité de considérer l’ensemble des politiques de manière globale et intégrée afin d’assurer la cohérence des actions et de garantir l’efficacité des politiques appliquées. Ce panorama de définitions montre deux manières de définir les politiques de stationnement ; soit selon les objectifs et les instruments, soit selon l’approche et la pensée qui les fondent. En ce qui nous concerne, nous retenons l’éco-conception comme approche d’élaboration des politiques de stationnement.

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1.3.2.2Pluralité et ambivalence des objectifs poursuivis

Bien qu’il puisse être assimilé à un mécanisme essentiellement local, le stationnement a de forts impacts régionaux. En effet, les implications des politiques de stationnement dépassent largement l’échelle du quartier où de la commune de son application. Ceci explique le fait que ces politiques soient porteuses de multiples objectifs que nous classons selon trois types distincts50. Le premier type regroupe l’ensemble des objectifs intrinsèques au domaine du stationnement. La finalité principale d’une politique de stationnement est, comme nous l’avons déjà souligné, d’assurer une adéquation entre les besoins des usagers et les capacités physiques de l’offre dans l’espace et dans le temps. Au-delà d’un équilibre quantitatif, cet objectif se décline dans la pratique en de nombreux sous-objectifs ciblés pour chaque catégorie d’usagers (tel que favoriser le stationnement des résidents, dissuader le stationnement des pendulaires, favoriser la demande de rabattement, etc.), et pour chaque segment d’offre (tel que limiter le stationnement sur voirie, améliorer la rotation des places, limiter le stationnement en double file, etc.). Cet ensemble d’objectifs concernent l’aspect fonctionnel du stationnement. Il influence les paramètres internes de ce système et détermine l’évolution et l’usage des places. Certaines études évoquent un autre objectif propre aux politiques de stationnement, celui de générer des recettes pour les collectivités Marsden (2006). Mais il s’agit d’un objectif de second ordre qui ne peut pas constituer la raison d’être d’une politique de stationnement.

À l’échelle locale, notamment au sein d’un quartier, les politiques de stationnement répondent à divers objectifs de développement territorial. Il s’agit du deuxième type d’objectifs que nous qualifions de spécifiques. Les autorités locales se saisissent du levier stationnement pour répondre à des enjeux urbains généraux. Ainsi, le stationnement peut concourir à maintenir la fonction résidentielle aux centres, renforcer l’accessibilité locale, soutenir le dynamisme et l’attractivité économique, valoriser l’espace publique, améliorer la qualité de l’air et la qualité de vie, en fonction des caractéristiques et du contexte local (Certu, 1999, 2000a). L’intérêt d’agir sur le stationnement s’explique par la facilité de mettre en place des actions régulatrices et par la rapidité de la manifestation des effets de cette régulation. Nous avons déjà montré dans la première section de ce chapitre que le stationnement sert souvent de moyen d’ajustement des politiques publiques.

À l’échelle globale, notamment au sein de l’agglomération, la question du stationnement se place au cœur du fonctionnement de la ville. Elle apparaît comme l’un des instruments clés pour un développement urbain durable. Les politiques de stationnement sont souvent affichées dans les documents de planification urbaine comme des outils de gestion des déplacements, de développement de l’urbanisme et de préservation de l’environnement. Il s’agit du troisième type d’objectifs et que nous qualifions de généraux. L’objectif de réduction de l’usage de la voiture particulière et de la dépendance automobile est souvent placé en premier rang des priorités, mais il ne constitue que l’une des nombreuses finalités auxquelles concourt l’organisation du stationnement urbain. Nous citons aussi à titre d’exemple la limitation de la congestion

50 Le terme d’objectif désigne ce que l’on veut faire, il renvoie à la finalité de l’action à entreprendre. Il

exprime de manière concrète les effets attendus de la politique menée et détermine les orientations à poursuivre pour les atteindre.

51 routière, le renforcement de l’accessibilité urbaine, l’amélioration de l’attractivité économique et de la qualité environnementale51et la préservation du cadre de vie.

La pluralité et la diversité des objectifs assignés au stationnement le place sous le signe de la gestion des contradictions (Certu, 2003b). Elle pose de facto un fort enjeu de cohérence d’ensemble. Dans les faits, la conciliation de ces ensembles d’objectifs ambivalents, voire parfois antagonistes, est difficilement atteignable (Belli-Riz et al., 2000). Les objectifs du premier type doivent être cohérents entre eux, mais aussi avec les objectifs d’ordre supérieur. Or, certains objectifs se révèlent conflictuels. Voici quelques illustrations. L’augmentation de la rotation des places sur voirie incite les usagers à se déplacer davantage en voiture particulière, elle induit plus de trafic de circulation et en conséquence un accroissement des émissions de CO2. De même,

soutenir les activités économiques implique de favoriser le stationnement de courte durée des clients au détriment du stationnement de longues durées des pendulaires. Ceci peut générer plus de voitures, de la congestion routière et une dégradation du cadre de vie. Enfin, favoriser le stationnement des résidents sur voirie va à l’encontre d’une forte rotation de places. Il peut aussi accentuer la multi-motorisation des ménages. Ces exemples montrent que les politiques locales de stationnement relève d’un savant dosage entre différentes objectifs et d’une équation compliquée de hiérarchisation des nombreuses dimensions. Elles ne permettent qu’une intégration partielle des objectifs spécifiques et généraux, qui ne sont pas exclusifs les uns des autres.

A l’enjeu de cohérence s’ajoute un enjeu de rationalisation. La pluralité des objectifs des politiques de stationnement pousse aussi à s’interroger sur leur capacité effective à les atteindre. Dans ce contexte, une étude du Certu (2003b, p.19) affirme qu’« il n’est

pas alors étonnant, compte tenu de ses implications diverses et multiples, à ce qu’elle (la politique de stationnement) ne puisse pas satisfaire tous les espoirs placés en elle ». Les responsables et les

techniciens en charge d’organiser le stationnement des véhicules disposent de très peu de moyens d’évaluation pour apprécier avec fiabilité l’efficacité des leurs interventions et des mesures déployées, d’autant plus que les impacts de ces actions sur différentes domaines ne sont pas directement mesurables et indissociables des effets d’autres politiques publiques. À ce titre, Marsden (2014) souligne qu’il convient de mettre l’accent davantage sur l’étude des effets du stationnement pour savoir dans quelle mesure les politiques de restriction de l’offre permettent-elles de favoriser l’économie, l’équité sociale et l’environnement.

1.3.2.3Diversité et multiplicité des instruments d’action

La conception et l’organisation du stationnement fait appel à de nombreux d’outils et leviers d’action. Dans un souci de clarification, nous nous attachons à les classer. Notre présentation sera volontairement générique en raison de l’abondance de la littérature traitant ce volet.

51 Notre présentation porte sur les objectifs actuels des politiques de stationnement. Mais, il est

important de signaler qu’au fil du temps, les trois types d’objectifs assignés aux politiques de stationnement ont changé de nature suite à la transformation de la pensée urbaine et à la montée des préoccupations environnementales.

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