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Le contrôle, principale pierre d’achoppement du stationnement sur voirie

1.3 L’intérêt de l’éco-conception pour organiser le stationnement urbain

1.3.1 L’éco-conception comme cadre pragmatique d’action

Depuis le début des années 1970, la préoccupation environnementale n’a cessé de prendre de l’importance, particulièrement dans les pays industrialisés. L’acuité des problèmes de pollution et l’épuisement des ressources naturelles ont conduit à faire de l’environnement une dimension incontournable du développement durable. Qu’est-ce que alors l’éco-conception et comment peut-elle-être appliquée en matière d’organisation du stationnement des véhicules ?

1.3.1.1Qu’est-ce que l’éco-conception ?

L’éco-conception a émergé dans le mouvement plus large de « l’environnementalisme

industriel » (Hoffman, 1997). Elle désigne l’intégration de la dimension

environnementale dès le stade préliminaire de la conception des produits (biens et services), au même titre que les critères de performances technico-économiques qui ont longtemps prévalue lors des études de développement des produits (ISO-14062, 2003). Brezet et Van Hamel (1997) définissent l’éco-conception comme une solution durable permettant de trouver un équilibre parfait entre les exigences écologiques et économiques dans le développements des produits. L’objet de cette démarche est la réduction des effets d’un produit sur l’environnement en termes de consommation des ressources et d’émission d’impacts. En plein essor dans le milieu industriel, l’éco- conception est structurée autour du concept de « cycle de vie » qui renvoie à l’ensemble des étapes de vie d’un produit depuis l’extraction de ses matériaux constitutifs jusqu’à son élimination en fin de vie ; en passant par les activités de fabrication de ses composants, de transport et d’utilisation. En d’autres termes, l’éco- conception peut se définir comme la prise en considération des aspects environnementaux sur toutes les phases du processus de développement du produit, permettant d’engendrer le minimum d’impact durant tout le cycle de vie du produit (idem). Dans une conception plus large, Charter et Tischner (2001) définissent l’éco- conception comme les solutions durables englobant des produits, services, hybrides ou systèmes qui permettent de minimiser les impacts négatifs et de maximiser les impacts positifs au niveau de l’économie, de l’environnement, de la société et de l’éthique partout et au-delà du cycle de vie des produits ou solutions existants.

45 L’éco-conception repose sur deux principes fondamentaux. D’une part, c’est une approche globale dans la mesure où elle prend en considération l’ensemble des phases du cycle de vie d’un produit. D’autre part, c’est une approche multicritère car elle considère toutes les catégories d’impacts environnementaux rattachés au produit en question. Cette double caractéristique constitue en quelques sortes sa marque de fabrique. La force de l’éco-conception réside dans sa structuration autour de l’amélioration continue de la qualité du produit. Autrement dit, elle permet de concilier l’aspect fonctionnel avec l’aspect environnemental. Cette approche constitue donc une démarche d’arbitrage des questions de conception centrée sur la fonction remplie par le produit. De ce fait, elle commence par une réflexion pour répondre à l’interrogation « à quoi sert ce produit ? » et qui passe indispensablement par une analyse exhaustive de l’ensemble de son cycle de vie. En amont, elle implique une connaissance affinée de ses caractéristiques et une compréhension approfondie de son fonctionnement. En agissant à la source, l’éco-conception constitue une approche préventive, elle vise à éviter le déplacement des impacts du produit entre les phases du cycle de vie. En résumé, l’éco-conception favorise l’esprit de « décider en connaissance de cause », et de l’évaluation ex-ante des projets, d’où son intérêt pour l’aide à la décision.

Couvrant un champ d’application très large, l’éco-conception peut concerner un nouveau produit ou un produit existant. Par ailleurs, un même produit peut faire l’objet de plusieurs approches d’éco-conception. La littérature propose de nombreuses démarches de prise en compte de l’environnement en conception. Brezet et al., (1997) distingue quatre classes : (1) l’amélioration du produit (généralement sans changement des techniques de fabrication de produit), (2) la re-conception de produit, (3) l’introduction d’un nouveau concept de produit et (4) la conception d’un nouveau système de production. La quatrième classe implique une transformation radicale des modes de conceptions et une rupture avec le passé. Une deuxième catégorisation est proposée par Millet et al., (2003) qui distingue trois grandes catégories de démarches d’éco-conception traduisant des degrés d’intervention différentes sur le produit. La première catégorie porte sur les démarches d’éco-conception partielle où l’environnement est perçu comme une contrainte supplémentaire, c’est le cas du « Design For Recycling ». La deuxième classe concerne les démarches d’éco-conception classique où l’environnement est appréhendé comme un nouveau critère de conception systémique du produit, c’est le cas du « green design ». Enfin la troisième classe considère les démarches d’éco-conception innovante où l’environnement est perçu comme une nouvelle valeur de développement. Ce dernier types de démarches se focalise sur le service fournit à l’utilisateur final. Il correspond à une approche globale de l’environnement en conception. C’est le cas du « Sustainable Product Design ». Il en résulte qu’au meilleur degré de son intégration, l’éco-conception peut servir de moteur à l’innovation (Clark et al., 2009). Plus qu’une démarche standard, l’éco- conception propose un cadre pragmatique d’action qui concilie performance et durabilité.

Les démarches d’éco-conception s’appuient sur des méthodes et font appel à de nombreux outils environnementaux qui procurent des évaluations à dominante qualitative ou à dominante quantitative. L’analyse de la littérature montre une grande diversité des outils (Baumann et al., 2002). Certains auteurs se sont attachés à les classer afin de clarifier leurs apports et de faciliter le choix pour les concepteurs. Fiksel

46 (1996) distingue les instruments de mesures environnementales qui permettent de définir les objectifs à atteindre, les outils de préconisations environnementales qui facilitent la définition des concepts d’action et les méthodes d’analyse qui servent à évaluer la qualité environnementale. Janin (2000) organise les outils selon cinq axes : les outils d’évaluation, les outils d’amélioration, les outils stratégiques, les outils de sensibilisation et les outils de communication. Brun et al., (2005), dans un état de l’art réalisé pour le compte de l’AFNOR, identifient sept types d’outils selon leurs fonctionnalités : sensibilisation, acquisition des connaissances, aide à la décision pour l’évaluation des impacts environnementaux, format de données, bases de données, système d’intégration et de calcul, valorisation et communication de la démarche d’éco-conception. Enfin, Dewulf (2003) appréhende les méthodes et les outils d’éco- conception selon leur approche du cycle de vie (approche générale ou approche partielle) et selon les types de données auxquels ils font appel (monocritère à multicritère). Actuellement, les outils d’Analyse de Cycle de Vie49 (ACV), qui

fournissent une évaluation environnementale et une aide à la décision, constituent la forme la plus aboutie et la plus complexe de ces dispositifs.

D’une manière générale, un outil d’éco-conception devrait être à même d’évaluer l’ensemble des impacts d’un produit sur l’environnement, tel que le fait l’ACV, mais aussi pouvoir aider le concepteur à améliorer la qualité du produit, et ce presque simultanément à l’évaluation. Or, aujourd’hui aucun outil n’est en mesure de rassembler tous les paramètres de décision, aucune méthode n’est capable de proposer à la fois une aide à la conception et à l’amélioration environnementale. Dans une analyse de 650 articles de littérature, Baumann et al. (2002) ont confirmé ce constat, ils ont conclu que les outils d’éco-conception déjà disponibles sont très partiels et manquent d’une vision globale du cycle de vie. Ces auteurs ont aussi souligné leur faible adéquation aux besoins des concepteurs, d’où les difficultés qu’éprouvent les concepteurs à les approprier.

Plusieurs études ont été réalisées pour évaluer la mise en place de l’éco-conception dans la pratique, notamment en milieu industriel (Tukker et al., 2001 ; Mathieux et al., 2001 ; Behrisch et al., 2011). Elles ont montré que le recours à l’éco-conception dépend du degré de développement des pays, mais aussi du cadre réglementaire régissant les produits, des besoins des clients, et du degré de motivation interne de l’entreprise. Les pratiques actuelles de l’éco-conception sont très critiquées car elles se focalisent davantage sur la phase d’ingénierie du produit (Behrisch et al., 2011). Du point de vue de la conception, cette intégration est tardive ne permettant pas de procéder à des changements importants dans le produit. En ce sens, selon Roozenburg and Eekels (1995), le processus de développement de produit s’articule autour de deux phases principales : (i) une phase de planification du produit qui détermine ce qui sera développé et pour quelle raison et (ii) une phase de

49 Selon la norme ISO-14 040, l’ACV se définit comme « une compilation et évaluation des entrants et

des sortants, ainsi que des impacts potentiels environnementaux d’un système de produits au cours de son cycle de vie » (ISO-14 040, 1997). Millet et al (2005) décrivent l’ACV selon trois principes : C’est une méthode qui permet d’identifier des forces et des faiblesses du système étudié avec un point de vue environnemental, elle permet de rationaliser une réalité complexe et elle constitue une méthode « informatisée » fondée sur des logiciels spécifiques et regroupant des bases de données et des méthodes particulières de calculs.

47 développement stricte qui établit un plan pour le faire. Ces deux phases sont cruciales en matière d’éco-conception. Dans ce même ordre d’idées, Millet et al. (2003) considèrent que la prise en compte de la dimension environnementale dans les produits doit être intégrée nécessairement selon deux niveaux ; un niveau de réflexion globale et générale et un niveau de l’action locale et spécialisée.

En résumé, à l’état actuel de l’éco-conception, seuls des principes et des termes généraux peuvent être utilisés en phase d’avant-projet lors de la conception pour l’amélioration d’un produit, comme la notion de durabilité (Wiggum, 2004). Par ailleurs, la qualité environnementale est une notion floue, d’où la complexité de son intégration dans le processus de conception des produits. A cela s’ajoute le manque de connaissance de l’analyste vis-à-vis du produit traité et la contrainte d’accéder aux bases de données servant à décrire le produit et de le caractériser. Cela dit, l’éco- conception n’est qu’à ses débuts, les années à venir témoigneront certes de nouveaux développements des méthodes et des outils plus appropriés. L’éco-conception est une approche émergente qui nécessite une compréhension profonde des mécanismes de fonctionnement des produits pour pouvoir évaluer leurs performances et leurs impacts sur l’environnement. Elle ne se résume pas uniquement à des outils, c’est une démarche de conception de projets plus soutenables permettant de guider l’action et la prise de décision. Son domaine d’application s’étend désormais aux politiques publiques.

1.3.1.2Qu’est-ce que l’éco-conception du stationnement ?

L’intérêt d’appréhender l’organisation du stationnement à travers le prisme de l’éco- conception se justifie par sa capacité à répondre parfaitement aux besoins d’une approche globale largement partagée par les acteurs publics et privés et aux exigences de rationalisation et de la préservation de l’environnement auxquelles sont confrontées les collectivités territoriales. Le champ d’action de l’éco-conception en matière de stationnement des véhicules est très large. Il englobe principalement :

- la construction des aires de stationnement privées et des parkings publics (phase de construction) ;

- les modalités de fonctionnement et d’occupation des parkings (phase d’usage) ; - les possibilités de mutation ou de fin de vie des parkings (phase de fin de vie) ; - l’élaboration des politiques locales de stationnement (phase transversale de

conception).

Le concepteur peut ainsi se focaliser sur l’ensemble de ces aspects ou sur l’un d’entre eux. Dans ce chapitre, nous avons choisi de se pencher sur la conception des politiques de stationnement. Autrement dit, nous appréhendons l’éco-conception sous l’angle des manières de construire et des lignes de conduites des politiques publiques de stationnement dont les impacts se répercutent sur l’ensemble des phases de son cycle de vie. Largement évoquées comme un instrument clé de gestion des déplacements et comme un levier structurant d’un développement urbain durable, les politiques de stationnement reposent sur de multiples choix décisionnels particulièrement complexes. La question qui se pose alors est celle de savoir comment tendre vers des politiques de stationnement plus soutenables ? Pour répondre à cette

48 interrogation, nous proposons une réflexion théorique et conceptuelle pour saisir ce que couvre le concept de politique de stationnement et comprendre les objectifs qu’elle poursuit, les moyens d’actions sur lesquels elle repose, les approches de leur élaboration.

1.3.2 Les politiques de stationnement : genèse et approches de