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L’ ÉMERGENCE DES MÉTHODES DE

3.2.2 Politiques de communication

Dans une méthode de SLAM multi-robots, la politique de communication définit pour chaque robot : quelles données communiquer, sous quelle forme, à quel(s) robot(s) et à quels instants. Elle recouvre donc plusieurs aspects que sont la topologie des échanges, la

nature des informations communiquées, et enfin la planification des échanges (i.e. décider quand communiquer, avec qui, et sur quelle portion des informations).

La topologie des échanges

La topologie des échanges définit pour chaque agent l’ensemble des robots avec lesquels il a d’une part l’autorisation de communiquer, et d’autre part la possibilité physique de le faire. C’est une conséquence directe du schéma d’allocation retenu pour les tâches et les données. Néanmoins, même dans le cas de méthodes centralisées, une marge de liberté demeure. En effet, si les échanges se font uniquement entre les agents et le serveur, deux politiques sont possibles. Lorsque le serveur aggrège les informations des robots sans leur faire de retours, comme dans les cas de CoSLAM (Zou et al. 2012) ou CSfM (Forster et al. 2013), les échanges sont unidirectionnels. À l’inverse, d’autres méthodes autorisent les échanges bidirectionnels. C’est le cas de CCM-SLAM (Schmuck et al. 2017), CVI-SLAM (Karrer et al. 2018) et coVins (Qin et al. 2018a). La topologie des échanges perd toute structuration dans le cas décentralisé. Ceci impose de prévenir le problème de consan-guinité des données, qui survient notamment dans le cas de communications cycliques entre les robots. Par conséquent, des méthodes telles que (Nettleton et al. 2003) les interdisent. Une difficulté supplémentaire est posée lorsque les portées de communications des robots sont limitées. La topologie des échanges évoluent alors dynamiquement selon que les robots restent à portée les uns des autres.

La nature des informations échangées

Les algorithmes de SLAM manipulent au moins trois types de données. Ce sont d’abord les mesures brutes acquises en sortie des capteurs. Celles-ci subissent éventuellement un pré-traitement, comme les images dans les méthodes indirectes dont on extrait préalable-ment les primitives. Ce sont ensuite les contraintes probabilistes dérivées des observations via leur modèle de mesure ainsi que des fermetures de boucles : elles constituent le modèle probabiliste sous-jacent à l’inférence, et en particulier l’inférence globale. Enfin, ce sont les estimées de carte et de trajectoires déduites de l’inférence. Chaque type de données joue un rôle indispensable en SLAM multi-robots : dans le cas visuel, les images pré-traitées permettent de détecter des fermetures de boucles inter-robot, et le modèle probabiliste permet au récepteur de ré-estimer les cartes et les trajectoires dans leur globalité après des opérations de fusion. Pour ce faire, il nécessite également les valeurs des estimées

pour initialiser l’intégration des nouvelles portions de cartes et de trajectoires. Deux stra-tégies majeures coexistent : la première consiste à communiquer des données brutes dans leur exhaustivité, tandis que la seconde communique des représentations condensées ou élaguées.

Une première stratégie consiste à communiquer des données brutes, c’est-à-dire des données originales non altérées, qu’il s’agisse de mesures capteurs, de portions du modèle probabiliste ou d’un sous-ensemble des estimées. C’est l’approche communément adoptée dans les méthodes centralisées. Dans la plupart d’entre elles, les agents communiquent au serveur central les informations associées à leurs images-clés. Dans CVI-SLAM (Karrer et al. 2018), ceci englobe en particulier les mesures inertielles acquises entre les images-clés successives, la pose relative estimée avec l’image-clé précédente, les positions des amers triangulés ainsi que la liste de leurs observations. En effet, le serveur doit aggréger l’exhaustivité des informations collectées et traitées par les agens de façon à mener les opérations d’inférence et de fermeture de boucles en croisant leurs données. Cette stratégie n’est néanmoins pas l’apanage des méthodes centralisées. Dans l’architecture décentrali-sée propodécentrali-sée par (Zhang et al. 2018a), les robots échangent leurs nouvelles images-clés deux-à-deux. La communication des descripteurs associés est également requise pour l’al-gorithme développé par (Tardioli et al. 2015) qui détecte en temps réel les observations communes entre deux robots lorsqu’ils se rencontrent. De façon générale, la détection des fermetures de boucles inter-robot sur critères visuels nécessitera toujours l’échange des coordonnées des pritimives extraites dans les images ainsi que leur descripteur associé, qu’il s’agisse du descripteur entier ou bien de son mot visuel correspondant comme dans (Tardioli et al. 2015). Au lieu d’échanger les informations image-clé par image-clé, il est possile de les échanger sous-carte par sous-carte. Une sous-carte délimite une portion de la carte caractérisée par une continuité temporelle et spatiale. On lui associe généralement son propre référentiel. Dans la méthode décentralisée de SLAM stéréo-visuel proposée par (Schuster et al. 2015), les sous-cartes constituent l’unité élémentaire d’échange entre les robots : elles comprennent les facteurs séquentiels de poses relatives qui restituent les informations de trajectoire, ainsi que les nuages de points stéréo-visuels denses. Les observations visuelles, qui représentent une information de taille conséquente, ne sont en revanche pas communiquées. (Nettleton et al. 2003) communiquent également des sous-cartes qu’ils utilisent comme un moyen de borner la taille des messages envoyés. Dans un cadre visio-inertiel, (Sartipi et al. 2019) échangent également des sous-cartes correspondant aux observations courantes qui incluent notamment les descripteurs

asso-ciés aux amers triangulés, assoasso-ciés aux matrices de covariances qui les caractérisent. Il n’en reste que communiquer de telles données peut rapidement saturer la bande-passante disponible. C’est d’autant plus le cas dans les méthodes décentralisées où tous les robots communiquent potentiellement deux-à-deux.

La seconde stratégie consiste à communiquer des représentations condensées de por-tions locales des cartes. Elle est majoritairement adoptée par des méthodes décentralisées qui sont davantage sujettes aux contraintes de bande-passante que les méthodes centrali-sées. Non seulement cette approche vise à réduire la quantité de données échangées, mais elle permet aussi de mieux cibler l’information envoyée. Par exemple, dans DDF-SAM (Cunningham et al. 2010), les robots échangent des distributions a posteriori margina-lisées sur des séparateurs, c’est-à-dire des variables communément observées telles que amers globaux identifiables de façon unique. Pour préserver la consistance des cartes, les informations reçues ne sont cependant pas intégrées dans la carte locale du robot. Celui-ci maintient une carte de voisinage dans laquelle il met à jour les contraintes reçues entre les amers. Dans la seconde version de DDF-SAM (Cunningham et al. 2013), les auteurs fusionnent la carte locale et la carte de voisinage, mais veillent à retrancher préalablement l’information apportée par les autres robots à l’aide d’anti-facteurs lorsqu’ils calculent la distribution marginale à envoyer. Ceci permet d’éviter le comptage multiple des infor-mations. (Lazaro et al. 2013) proposent une méthode similaire basée sur l’échange de mesures condensées (Grisetti et al. 2012). Lorsque les robots sont à portée de commu-nications, ils échangent leur carte locale constituée des poses les plus récentes. Chacun recherche alors les nœuds avec lesquels il parvient à calculer les correspondances puis en informe l’autre. Les mesures condensées sont alors calculées entre les nœuds mis en cor-respondance. (Paull et al. 2015) appliquent cette idée en contexte sous-marin acoustique où les contraintes de bande-passante sont extrêmement fortes. Les robots échangent alors périodiquement des paquets résumant leurs cartes locales successives. Ils marginalisent la distribution locale sur les poses séparant les sous-cartes et les amers identifiés, puis l’approximent par un modèle simplifié par éparsification (Mazuran et al. 2014) tout en veillant explicitement à sa consistance. Face aux représentations exhaustives, les pa-quets condensés présentent l’avantage d’être moins coûteux à intégrer pour le récepteur. Une autre technique, complémentaire ou auto-suffisante, consiste à sélectionner un sous-ensemble d’informations à transmettre. C’est par exemple le cas de l’algorithme CTC proposé par (Nettleton et al. 2003) : il sélectionne les amers les plus informatifs dans les sous-cartes échangées.

La planification des échanges

Enfin, la planification des échange consiste à déterminer quelles informations envoyer à quels robots à un instant donné. Deux stratégies s’opposent. La première ne tient compte que des connaissances actuelles du robot émetteur pour décider quelles données envoyer. Selon cette approche, le robot communique de façon uniforme avec les autres robots de la flotte ou le serveur central. C’est la méthode adoptée par l’ensemble des méthodes cen-tralisées dans lesquels le serveur doit aggréger les informations collectées par les agents sans que ceux-ci n’aient à se soucier de l’état des connaissances du serveur. La plupart des méthodes décentralisées relèvent également de cette stratégie par laquelle les robots communiquent périodiquement leurs nouvelles informations, que ce soit image-clé par image-clé (Lajoie et al. 2020; Zhang et al. 2018a), sous-carte par sous-carte ( Schus-ter et al. 2015; Paull et al. 2015), ou bien mise-à-jour globale par mise-à-jour globale (Cunningham et al. 2010; Cunningham et al. 2013; Sartipi et al. 2019). Dans les derniers cas, les échanges sont la plupart du temps déclenchés selon des critères temporels pour assurer une certaine périodicité. (Sartipi et al. 2019) communiquent la sous-carte courante dès lors que le temps d’inférence qu’elle requiert excède un certain seuil. Notons que (Paull et al. 2015) maintiennent un historique de communication dont il se servent pour circonscrire les portions de la carte que doivent restituer les paquets envoyés.

La seconde stratégie est plus complexe : elle consiste à adapter les paquets transmis aux connaissances supposées des destinataires, voire à planifier les échanges de la flotte entière à un instant donné selon les connaissances de ses agents. C’est notamment l’ap-proche adoptée dans les travaux de (Giamou et al. 2018) pour la fermeture de boucle distribuée, puis étendus par (Tian et al. 2018). Les robots s’échangent préalablement des métadonnées qui leur permettent de repérer les fermetures de boucles inter-robot poten-tielles sans pour autant les caractériser géométriquement. Ce sont des données légères telles que par exemple des vecteurs BoW associés aux images-clés. Vérifier ces fermetures de boucle candidates impose d’échanger dans un second temps des informations géomé-triques plus conséquentes telles que les primitives et les descripteurs. Ces échanges sont alors planifiés selon un problème d’optimisation graphique de couverture par sommets. La politique optimale minimise ainsi conjointement la charge réseau induite tout en ré-partissant le plus équitablement possible la charge de travail engendrée pour vérifier les fermetures de boucles.

Résumé

La politique de communication est l’ingrédient central d’une méthode de SLAM col-laborative. Elle comporte trois volets que sont le choix de la topologie des échanges, la nature des données échangées et la planification des échanges. Si la topologie des échanges reflète essentiellement l’allocation retenue pour les tâches et les données, elle dispose mal-gré tout de plusieurs demal-grés de liberté qu’illustrent la diversité des méthodes centralisées. La nature des données échangées conditionne fortement leur intégration ultérieure par les robots récepteurs : les paradigmes adoptés oscillent entre la communication de données brutes et de données condensées afin de restituer aussi bien des informations de localisa-tion pour ré-estimer les trajectoires que des informalocalisa-tions visio-structurelles nécessaires à la détection des correspondances inter-robot. Enfin, la planification des échanges rythme les communications entre les robots et détermine les zones portions d’intérêts à commu-niquer, à travers une approche qui tient éventuellement compte des connaissances des autres robots de la flotte.