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Chapitre trois Analyser les données recueillies sur le terrain

B) La politique de la ville et le sport professionnel de haut niveau

1) Séparer le sport de haut niveau et les évènements sportifs : un choix révélateur

Après une analyse générale de la politique sportive de la commune, nous souhaitons maintenant aborder plus précisément comment cette dernière structure son approche du sport professionnel local.

Avant tout, nous pouvons souligner que le projet sportif territorial crée une distinction entre le sport de haut niveau et les évènements sportifs dans la catégorisation de ses axes de développement. Le sport professionnel en tant que tel est un concept qui n’apparaît qu’à la marge dans la présentation de la politique sportive de la ville et dans le discours de l’élu au sport comme le montre le graphique suivant :

Choisir de séparer ces deux dimensions du sport nous interpelle dans le sens où il nous semble justement que les pratiques sportives professionnelles sont porteuses de l’une et de l’autre. Elles sont à considérer à la fois comme des pratiques de haut niveau, ou tout au moins de bon niveau, et des disciplines capables de créer des évènements sportifs d’une certaine ampleur.

Dès lors, nous postulons que cette séparation révèle que les acteurs institutionnels locaux ont des difficultés à saisir cette double dimension. Comme si les clubs de Volley Ball et de Basket Ball ne pouvaient à la fois prétendre à l’une et à l’autre. Dans ce sens, l’entretien avec l’élu chargé des sports apporte un éclairage significatif quant à la définition de ce qu’est un évènement sportif propre à Quimper :

-« CG : Et heu, est-ce que vous avez, des projets à moyen terme ou à long terme sur le sport de haut niveau à Quimper ? Ya… l’Open de Tennis ? »

-« DB : ça c’est l’évènementiel sportif donc heu là on est heu…un p’tit peu en stand-by dans la mesure où on ne sait pas à quelle sauce on va être mangés financièrement dans les prochaines années (…) L’essentiel étant de monter en puissance l’Open, parc’que là on était à 50 000 dollars, on devrait passer l’année prochaine à 75 000 avec heu H c'est-à-dire hébergement.1»

A la lumière de cet échange, nous pouvons souligner que les spectacles permanents créés par les clubs professionnels ne sont pas considérés comme des évènements en tant que tels. Pour l’élu aux sports, un évènement sportif est basé sur l’idée qu’il est organisé ponctuellement, à un moment précis du calendrier des manifestations sportives de la ville. Les rencontres de Volley Ball et de Basket Ball ne sont pas spontanément intégrées à la définition d’un évènement sportif par notre interlocuteur, quand bien même une des forces de ces pratiques est justement de rassembler un public nombreux dans une ambiance chaleureuse, comme nous le montre la suite de notre entretien :

-« CG (…) Vous votre approche par rapport à ces spectacles sportifs, le fait que… que il y ait ces propositions sur Quimper assez régulières avec heu, avec bah mine de rien quand même du monde, (…) peut-être même plus qu’ailleurs, ça aussi ça semble être une spécificité quimpéroise ? (…) »

-« DB : bah au moins sur le Volley, sur le Volley. Sur le Basket ailleurs c’est…y a autant de spectateurs mais sur le Volley c’est clair que c’est spécifique… 2»

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Cf. entretien avec l’élu chargé des sports en annexe 1.1

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Ce constat contribue selon nous à l’activation de l’ « occultation » supposée par notre hypothèse. En effet, comment dans ce cas saisir toutes les caractéristiques du sport professionnel quimpérois si celui-ci retrouve ses spécificités scindées dans l’analyse politique de son partenaire principal qu’est la mairie ? Il y a ici un défaut de compréhension, dans le sens premier du terme, de ce qui fonde ces pratiques dans le champ sportif du territoire. Nous verrons justement dans la partie qui traite des clubs de sport professionnel que ces derniers sont construits sur des logiques hybrides qui doivent être bien appréhendées par leurs partenaires.

Dès lors, si opérer une séparation entre le sport de haut niveau et les évènements sportifs peut se justifier pour un certain nombre d’activités quimpéroises, elle ne permet pas aux acteurs politiques de comprendre toutes les logiques d’actions des deux clubs de sports collectifs professionnels, ce qui a pour conséquence de biaiser l’approche de ces pratiques par les acteurs politiques locaux.

2) Une conception politique du sport professionnel qui exclue sa diversité

a) Une approche dominée par les logiques économiques

La deuxième observation que nous voulons relever s’appuie sur le fait que la présentation de l’action de la ville envers les sports professionnels s’articule fortement autour des logiques de financement.

Dans un sens, le montant élevé des subventions respectives explique sans contestation la légitimité de cette démarche (voir les tableaux de subventions dans la partie 1). L’origine de ces financements étant public, il est d’autant plus important pour les responsables élus d’une collectivité de justifier leurs choix dans la transparence. Cependant, il apparaît selon nous que la dimension économique de la politique de Quimper envers les sports professionnels tient une place plus importante que les orientations fondamentales qui la définissent. Nous en avons déjà un premier aperçu en parcourant le bilan d’activité du service des sports : sur les 10 pages consacrées au sport de haut niveau, 7 font le bilan des différentes subventions versées et des besoins financiers à prévoir1.

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Dans le même sens, l’analyse quantitative du discours de l’élu au sport est porteuse d’enseignements qui confortent notre point de vue :

Nous avançons alors que la domination de la dimension économique sur la dimension politique dans l’approche du sport professionnel montre que la ville centre la définition de son action sur une approche surtout financière, et révèle qu’elle ne prend pas vraiment en compte les autres caractéristiques propres à ces pratiques.

b) l’accompagnement financier comme logique de décision

Nous pouvons d’ailleurs rappeler ici que la ville se définie comme un « accompagnateur » des clubs qui aspirent au haut niveau, se protégeant en cela des risques de créations sportives factices ou encore des accusations de favoritisme envers une des disciplines présentes sur le territoire :

-« CG : donc ça en fait c’est toujours selon c’que j’avais vu dans le Projet Sportif Territorial : la politique d’accompagnement en fait, heu qui permet de ne pas créer de… entre guillemets, de fausse dynamique… »

-« DB : ouais, aide-toi et la ville t’aidera. »

-« CG : ouais c’est ça…les clubs créent leurs heu… vraiment leurs parcours et puis leurs projets et la ville en fonction de ça… »

-« DB : ouais voilà… »

-« CG : et ça, ça a toujours été comme ça ? Vous avez toujours fonctionné comme ça ?»

-« DB : ouais, ouais je crois que c’est ça ouais…Où alors heu, où alors ça voudrait dire que les élus ont une danseuse comme on dit1. »

Si cette démarche est en elle-même légitime, et il ne nous appartient pas de juger de cela, nous pointons cependant que son contenu politique reste assez limité dans le sens où il ne permet pas de traiter toute la complexité du champ sportif professionnel. Il faudrait notamment rappeler que les moyens financiers, surtout quand ils sont publics, restent des outils au service d’un projet et qu’ils ne peuvent être considérés comme une finalité politique. L’accompagnement est certainement un garde-fou nécessaire, mais axer son approche politique sur cet unique concept ne permet pas de comprendre ce qui est réellement porté par les clubs professionnels : les dynamiques associatives, les interactions entre les logiques bénévoles et professionnelles, les spectacles populaires…

De plus, nous faisons le postulat que dans le contexte d’interdépendance qui est celui du sport quimpérois, un positionnement uniquement économique ne peut à lui seul répondre à toutes les interactions proposées par l’existence de clubs professionnels. Il apparaît dans les faits que l’approche politique de la ville reste construite sur la même logique que celle qui vaut pour les clubs amateurs : des locaux dédiés aux activités, des moyens financiers, la mise à disposition d’agents territoriaux. Tout cela est certainement nécessaire à la vie des clubs professionnels mais les enjeux en présence sont selon nous plus complexes et devraient être alors mieux cernés par la politique sportive municipale.

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Dès lors, au-delà des problématiques financières et même si les montants alloués sont élevés, il nous semble que la pertinence du projet sportif territorial envers les pratiques professionnelles serait renforcée s’il pouvait prendre en compte à la fois les caractéristiques et les dimensions portées par ces disciplines.