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4 − La polarimétrie appliquée au diagnostic du SCIA

Nous avons vu au premier chapitre que la polarimétrie pouvait être utilisée avec succès en dermatologie [1.32] [1.47]. Les différentes études menées sur la brûlure thermique ont montré que les tissus pathologiques engendraient une baisse de la dépolarisation (soit un indice de dépolarisation plus élevé) sûrement due aux structures sous-épidermiques qui empêchent la lumière incidente de rentrer plus en profondeur dans la peau. D’autres études [1.22] [1.23] ont également montré une variation du retard induit due à des modifications de structure de réseaux biréfringents, notamment les fibres de collagène.

Pour le diagnostic de brûlures thermiques, la polarimétrie est le plus souvent couplée avec un dispositif d’OCT (Chapitre 1, paragraphe V.1.3) dans le but de déterminer la profondeur des brûlures par rapport à la biréfringence des tissus aux différentes profondeurs, en rapport à la quantité et l’ordonnancement des fibres collagènes [6.14]. Comme le montre la figure VI.4 [6.15], qui montre une coupe en profondeur d’une peau brûlée, la dégénération thermique des tissus y apparaît bien plus contrastée sur les mesures polarimétriques que sur les mesures d’amplitude.

Figure VI.4 : Images (a) de l’intensité m00 en échelle logarithmique, (b) de retard, (c) de diatténuation et (d) polarisée histologique d’une pièce ex-vivo de peau de rat avec lésion thermique. La hauteur de chaque image est de 750 ȝm. Les échelles en noir et blanc sont pour le retard et la diatténuation.

La différence la plus significative entre tissus sain et brûlé s’observe sur le retard : la modification du retard entre une région saine et une région brûlée thermiquement apparait, en fonction de la profondeur de la peau, sur la figure VI.5 [6.15]. La différence est significative dès les premiers micromètres de l’épiderme. Au-delà de 0,5 mm, il n’y a plus de différence observable.

Figure VI.5 : Moyenne de dix profils de retard respectivement près du centre de la région brûlée et sur la zone saine.

La première étude polarimétrique du syndrome d’irradiation aiguë est à mettre à l’actif de F. Boulvert au sein de l’équipe du Laboratoire de Spectroscopie et Optique Laser de l’Université de Bretagne Occidentale. Cette étude, spectrale et angulaire, a été menée sur des biopsies de peau irradiée au cobalt60 provenant de porcs de plusieurs races, à des doses d’irradiation et des dates après exposition différentes.

La peau étant un milieu qui présente une forte dépolarisation à caractère faiblement anisotrope, l’étude de F. Boulvert a mis en évidence deux agents de contraste polarimétrique qui, comme le montre la figure VI.6 [3.4], permettent de classer les échantillons selon leur taux d’irradiation.

Figure VI.6 : Taux de mémoire de polarisation en fonction de l’indice de dépolarisation pour les échantillons sain et irradiés à 10, 15 et 20 Gy.

La courbe montre qu’il n’y a pas de différence notable entre l’échantillon sain et celui irradié à 10 Gy. Par contre, les échantillons irradiés à 15 et 20 Gy sont bien discernables : plus

Une étude histologique menée par l’IRSN sur des biopsies similaires [6.16] est venue confirmer les résultats obtenus par F. Boulvert : elle a montré qu’il y a une modification des épaisseurs de l’épiderme et du derme ainsi qu’un remodelage de la matrice extracellulaire à partir d’une dose de 15Gy.

En revanche, l’étude n’a pas mis en évidence des variations de biréfringence entre les échantillons. Pourtant, il est logique de penser que les modifications signalées par l’étude histologique doivent engendrer des retards différents, du moins pour une irradiation supérieure à 15 Gy.

Une étude plus récente [4.12] a montré l’intérêt de l’imagerie polarimétrique pour le diagnostic du syndrome cutané d’irradiation aiguë. Cette étude, réalisée à plusieurs longueurs d’onde (500, 600 et 700 nm), a été menée sur des biopsies de peau irradiée au cobalt60 provenant de porcs mini-pig (souche Göttingen), à des doses d’irradiation et des dates après exposition différentes.

L’étude révèle que les biopsies de peau ne présentent pas une dépolarisation uniforme mais une dépendance à l’état de surface de l’échantillon, due à la réflexion spéculaire. Grâce à une technique de seuillage appliquée sur certaines valeurs de la matrice de Mueller expérimentales, M. Anastasiadou calcule l’évolution de l’indice de dépolarisation (1– PD en fait), à la fois, lors du passage du volume à la totalité de l’échantillon et de sa totalité à la surface. Avec cette méthode en unité arbitraire, un « tri » des photons en fonction du nombre de diffusions subies est rendu possible.

L’étude a montré qu’un jour après irradiation, aucune tendance significative n’est observée, ce qui confirme assurément l’existence d’une période de latence avant l’apparition des premiers signes cliniques. En revanche, après un mois, la diminution de la dépolarisation avec l’augmentation de la dose d’irradiation est bien constatée (figure VI.7). Pour l’échantillon à 15 Gy, la discrimination est possible pour tous seuils, du volume, à la surface et à la totalité de l’échantillon.

Figure VI.7 : Evolution de l’indice de dépolarisation par rapport au pourcentage de pixels utilisés pour son calcul quand on passe (a) : du volume (V) à la totalité (T) de l’échantillon et (b) : de la totalité (T) de l’échantillon à sa surface (S), respectivement pour une biopsie témoin et deux biopsies de peau irradiée à 5 et 15 Gy, prélevées un mois après irradiation et imagées à 700 nm. L’échelle en couleur correspond au seuil appliqué.

Les résultats un an après irradiation montrent qu’une réorganisation dans le volume est effective bien qu’une cicatrisation en surface soit apparue. En effet, à 500 nm, aucune

discrimination n’est possible entre échantillons irradiés (à 15 et 60 Gy) alors qu’elle est possible à 700 nm (figure VI.8).

Figure VI.8 : Evolution de l’indice de dépolarisation par rapport au pourcentage de pixels utilisés pour son calcul quand on passe du volume (V) à la totalité (T) de l’échantillon, respectivement pour une biopsie témoin et deux biopsies de peau irradiée à 15 et 60 Gy, prélevées un an après irradiation et imagées à (a) : 500 nm et (b) : 700 nm. L’échelle en couleur correspond au seuil appliqué.

L’étude montre également que les résultats à 700 nm sont les plus discriminants, la profondeur de pénétration de la lumière dans les tissus étant supérieure à cette longueur d’onde.

Toutes ces études ont clairement démontré que la polarimétrie pouvait être un outil précieux pour la compréhension médicale du SCIA. Elles ont révélé que l’empreinte polarimétrique du tissu dépendait de la dose d’irradiation mais également de la durée « post-irradiation » ainsi que de la longueur d’onde d’étude. Néanmoins, de nombreuses interrogations restent en suspens.

C’est dans ce sens que nous avons décidé de reprendre certains résultats obtenus [3.4] afin de les soumettre aux nouvelles décompositions ainsi qu’à la procédure de choix de l’algorithme.

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