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V − L’imagerie optique des tissus biologiques

V. 1 – Les techniques existantes

V.1.1 – Sélection des photons

Les différentes techniques d’imagerie optique sont généralement classées selon la nature des photons qu’elles détectent, conditionnant ainsi les épaisseurs caractéristiques qu’elles permettent d’atteindre. Lors de la traversée d’un milieu diffusant, nous distinguons traditionnellement trois catégories de photons (figure I.15) [1.27] :

Les photons, dits balistiques, qui sont de loin les moins nombreux, se propagent sans être diffusés, en ligne droite dans un milieu homogène, et sont donc les premiers à en sortir. Ils contiennent une information très utile mais sont malheureusement très peu nombreux : leur nombre diminue en SL

eµ , où L est l’épaisseur du tissu et µS le coefficient de diffusion.

Les photons, dits serpentiles, sont peu diffusés et sortent donc peu décalés temporellement et avec une différence de marche faible par rapport au chemin parcouru par les photons balistiques.

Les photons, dits multidiffusés, qui sont de loin les plus nombreux, ont suivi des chemins totalement aléatoires dans le milieu diffusant. Ils sortent du milieu à des endroits et instants variables et aléatoires. La distinction entre ces derniers et les photons serpentiles ne repose pas sur un critère bien défini.

Sélectionner uniquement les photons balistiques reste la solution idéale pour faire de l’imagerie « classique », mais leur nombre décroissant de façon exponentielle, les techniques très sélectives qui se servent de ces photons ne permettent pas de traverser plus de quelques millimètres de tissu. C’est pour cette raison qu’elles ne sont utilisées qu’en rétrodiffusion pour l’imagerie de tissus comme la peau, l’œil ou les dents. D’autres méthodes choisissent de travailler de façon moins sélective (photons serpentiles) mais la résolution spatiale est alors sacrifiée pour un meilleur signal. Nous allons présenter dans cette section diverses techniques d’imagerie optique qui se distinguent par la nature des photons détectés et le mode de sélection des photons (spatiale, temporelle, par cohérence, par polarisation).

V.1.2 – La microscopie confocale : sélection spatiale

Cette technique, utilisée en rétrodiffusion ou en fluorescence, permet de séparer les photons balistiques des autres photons mais aussi de sélectionner une profondeur d’observation précise dans le tissu en éliminant la lumière qui provient de plans situés plus ou moins en profondeur. Grâce à un objectif de microscope qui focalise fortement la lumière dans le tissu, il est possible d’obtenir des images in vivo de forte résolution (1 ȝm) et ainsi de visualiser les détails des structures cellulaires (figure I.16). Son principal inconvénient, du à la sélection des photons balistiques, est sa faible profondeur de pénétration (typiquement quelques centaines de ȝm).

Des microscopes confocaux sont aujourd’hui commercialisés et très utilisés pour l’imagerie de fluorescence. La microscopie confocale est particulièrement adaptée et donc utilisée en dermatologie, notamment pour imager les lésions de la peau [1.28].

V.1.3 – La tomographie par cohérence optique : sélection par cohérence temporelle

Comme la microscopie confocale, la Tomographie par Cohérence Optique ou OCT [1.29] permet de faire de l’imagerie en profondeur d’une tranche de tissu en éliminant les photons diffusés et ceux provenant d’autres couches que celle étudiée. Elle utilise un système interférométrique éclairé par une source de faible cohérence temporelle (diode électro-luminescente, laser femtoseconde ou lampe blanche). On place l’échantillon sur un bras de l’interféromètre et un miroir de référence sur l’autre (figure I.17). Les ondes « signal » et « référence » ne vont interférer que si les chemins optiques des bras sont égaux, à la longueur de cohérence de la source près (de 1 à 20 ȝm selon les sources employées). Cette caractéristique permet de ne sélectionner que les photons balistiques puisque ce sont les seuls qui conservent leur propriété de cohérence à la sortie du milieu diffusant.

Figure I.17 : Schéma de principe d’un dispositif OCT.

L’OCT est le plus fréquemment utilisée en ophtalmologie [1.30] [1.31] mais commence à être vraiment appliquée en dermatologie [1.32] [1.33]. En effet, elle permet de distinguer les différentes couches de la peau et des inhomogénéités éventuelles, comme des tumeurs, principalement par l’utilisation de la polarisation.

Plusieurs techniques existent pour acquérir une image en 3 dimensions d’un milieu. La plus ancienne est dénommée « Time domain OCT » et fut, tout d’abord, appliquée à l’étude du fond de l’œil. Plus récemment apparurent les techniques appelées « Frequency domain

OCT » pour lesquelles le miroir de référence est fixe et qui utilise une analyse spectrale. Dernièrement sont apparues les techniques dénommées « Swept source OCT » pour lesquelles la source opère un balayage en longueur d’onde associé à une détection ponctuelle qui offre un meilleur rapport signal à bruit.

V.1.4 – L’imagerie de speckle : sélection spatiale

L’analyse de la dynamique des grains de speckle, générés par un milieu lorsque celui-ci est éclairé par une lumière cohérente, est l’objet d’un grand intérêt de la part de plusieurs équipes de recherche à travers le monde [1.34] [1.35] [1.36]. En effet, les caractéristiques du speckle, comme la taille, le contraste, la polarisation ou la dynamique des grains, sont autant de grandeurs qui sont dépendantes des propriétés de diffusion et de la dynamique du milieu. L’un de ces dispositifs (figure I.18), de plus en plus couramment utilisé, permet de coupler l’information de polarisation de l’onde avec la propriété de cohérence d’un laser [1.37] [1.38]. A partir de figures de speckle, Y. Piederrière a montré, qu’en étudiant polarimétriquement la taille verticale des grains, il était possible de remonter aux propriétés de diffusion d’un milieu. En effet, elle dépend fortement du coefficient de diffusion µs du milieu ainsi que du facteur d’anisotropie g. Les mesures de speckle en rétrodiffusion réalisées sur des mélanges de petites et grandes microsphères montrent que le comportement polarimétrique de la lumière dans un milieu contenant des diffuseurs de différentes tailles n’est pas gouverné par les grands diffuseurs bien que ce soit eux qui contribuent majoritairement à g et µs. En réalité, la polarisation est très sensible au rapport « nombre de petits diffuseurs / nombre de grands diffuseurs ».

Figure I.18 : Schéma de principe d’un dispositif de mesure du champ de speckle.

V.1.5 – La tomographie optique diffuse : reconstruction d’images

Nous avons vu que, dans la majorité des cas, l’imagerie directe (microscopie confocale, OCT, imagerie de speckle…) est fortement limitée en terme de profondeur de pénétration. Ainsi pour pouvoir explorer des tissus très épais, une autre approche consiste à détecter tout le signal optique multi-diffusé et non plus certains photons. Un modèle de propagation lumineuse permet de simuler l’expérience réalisée (problème direct). La reconstruction de

Résoudre le problème inverse consiste à optimiser un critère représentant l’écart entre l’expérience et la modélisation [1.40].

La profondeur d’exploration est ici uniquement limitée par les performances du système de détection. La résolution spatiale est plus difficile à définir que dans le cas de l’imagerie directe. Elle dépend bien évidemment des performances du système expérimental (nombre et qualité des détecteurs), mais elle est également étroitement liée à la modélisation et au processus d’inversion.

Il est possible de définir trois types de DOT suivant les informations qu’ils recueillent : DOT continue, qui utilise une source continue et mesure l’intensité totale à la surface du

tissu. De faible coût, performant en termes de stabilité et de rapport signal à bruit, ces appareils se sont démocratisés. En revanche, ils recueillent peu d’informations et imposent en conséquence un grand nombre de mesures [1.41].

DOT fréquentielle, qui utilise des sources modulées à des fréquences radios et mesure, en plus de l’intensité totale, le déphasage entre les signaux incident et détecté ainsi que la variation de l’indice de modulation du signal. Ces systèmes, de performances équivalentes et de coût voisin aux systèmes continus, permettent de recueillir plus d’informations que ces derniers.

DOT résolue en temps, qui utilise des sources impulsionnelles ultracourtes (lasers femto ou picosecondes) et mesure le profil temporel de l’intensité lumineuse. Ces systèmes sont plus chers et moins stables que les systèmes continus ou modulés. De nombreux instruments optoélectroniques sont utilisés pour la détection, notamment les caméras à balayage de fente ou les systèmes de comptage de photons [1.42].

Cette méthode trouve essentiellement ses applications pour la détection et l’étude de tumeurs du sein, ainsi que l’imagerie fonctionnelle du cerveau [1.43].

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