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2 – Intérêt de la polarimétrie pour l’imagerie de tissus biologiques

V − L’imagerie optique des tissus biologiques

V. 2 – Intérêt de la polarimétrie pour l’imagerie de tissus biologiques

Nous avons vu que les collagènes possédaient des propriétés de biréfringence caractéristiques des tissus biologiques. La polarimétrie, à travers les paramètres de retard d’un milieu, étant sensible à ces propriétés, il apparaît clairement que l’imagerie polarimétrique peut être utilisée afin d’obtenir des contrastes supplémentaires lors de l’étude de pathologies.

De plus, l’altération ou la dénaturation des tissus biologiques, qu’elles soient induites (brûlures) ou pathologiques, affecte leurs propriétés de diffusion en déstructurant les diffuseurs principaux des tissus (changement de tailles des particules). La diffusion modifiant les propriétés polarimétriques de l’onde incidente, il parait donc possible d’utiliser l’information de dépolarisation portée par la rétrodiffusion de la lumière afin de discriminer des tissus anormaux.

C’est pourquoi, depuis les années 1980, de nombreuses études ont développé des dispositifs sensibles à la polarisation. La mise en œuvre de systèmes imageurs est assez récente puisque les premiers dispositifs de type « caméra polarimétrique » datent des années 1990. Ces nombreuses utilisations de la polarimétrie trouvent leurs applications dans le domaine biomédical, bien sûr, mais aussi en télédétection [1.44] ou en métrologie [1.45].

Il existe différents dispositifs imageurs utilisant les propriétés de polarisation de la lumière. Ils sont habituellement classés en cinq groupes majeurs :

Les systèmes utilisant une source de lumière polarisée et un analyseur placé devant le détecteur. En microscopie, l’utilisation de la polarisation est fréquente en anatopathologie pour visualiser, après coloration, la présence de certaines protéines dans les tissus (collagène notamment).

Les dispositifs mesurant le degré de polarisation linéaire de la lumière ou DOP (pour Degree Of Polarization). Dans le domaine médical, Jacques et al. ont montré les potentialités de ce dispositif (figure I.19), notamment en dermatologie [1.46] [1.47].

Figure I.19 : Schéma de principe d’un dispositif polarimétrique mesurant le DOP.

Lorsque le polariseur de sortie (analyseur) est placé perpendiculairement à celui d’entrée, les photons arrivant sur la caméra sont, principalement, ceux issus de la partie rétrodiffusée (diffusion de volume). En configuration parallèle, ce sont bien sûr les photons diffusés en surface qui sont mis en évidence. Il est donc possible de réaliser une image polarimétrique où le contraste est le DOP, défini par :

// // = + I I DOP I I (I.7)

I// et Idésignent respectivement les intensités lumineuses rétrodiffusés détectées lorsque la direction de l’analyseur est placée parallèlement et perpendiculairement au polariseur d’entrée. Ces différentes études ont montré que le codage polarimétrique (DOP) élimine la réflexion diffuse engendrée par la surface puisqu’elle permet d’imager « sous » la surface de la peau : ainsi, dans les travaux de Jacques et al., les tâches de rousseur sont « effacées » de l’image codée en polarisation alors que les mélanomes restent présents. Surtout, l’image de polarisation permet de discerner la cicatrice due à une brûlure thermique (dénaturation des fibres de collagène) de la zone saine, la zone cicatrisée apparaissant sombre (DOP faible). L’étude démontre également que l’évolution du cancer dans le derme remplace le collagène biréfringent par une masse cellulaire moins biréfringente. La visualisation de cette modification structurelle est améliorée en effectuant une image en DOP.

Les systèmes de cartographie de biréfringence, qui représentent la biréfringence d’un échantillon en mesurant la valeur et l’orientation (axe rapide ou lent) du retard qui lui est associé. Un système commercial existe : le LC-polscope Abrio (Cri, Woburn, MA)

circulaire/filtre interférentiel et une lame de phase à cristaux liquides. Des études préliminaires ont montré l’intérêt de ce dispositif pour l’étude de la fibrose hépatique : en effet, la valeur de la retardance est, sur un panel de six échantillons, de 30 à 70% plus forte dans les foies sains que dans les foies fibrosés. L’étude montre pourtant que la densité volumique du collagène est plus importante dans les foies anormaux. Ceci tend à vérifier que l’épaisseur du dépôt de collagène n’est pas le seul paramètre induisant la biréfringence. Au contraire, l’étude semble démontrer que le rôle de l’arrangement et de l’alignement de ces fibres est primordial.

Les imageurs de Stokes, pouvant utiliser une lumière naturelle (non polarisée). Le dispositif acquiert alors une image de chaque paramètre de Stokes (à voir au Chapitre 2). Terrier et Devlaminck [1.50] ont développé un tel polarimètre en utilisant un analyseur de polarisation constitué de lames à cristaux liquides.

Les imageurs de Mueller, dispositif le plus complet pour l’étude des propriétés polarimétriques d’un échantillon. Les premiers dispositifs imageurs basés sur le formalisme de Mueller sont apparus au milieu des années 90 [1.51][1.52]. Plus tard, Lu et Chipman publient un article sur la décomposition de la matrice de Mueller d’un échantillon partiellement dépolarisant. Cette méthode bien connue procure un outil pour imager les grandeurs physiques pertinentes (dépolarisation, retard, dichroïsme…) de l’échantillon considéré. Depuis, ce dispositif a été maintes fois utilisé [1.53] [1.54] ou amélioré [1.55] [1.56]. Notre étude utilisant un de ces dispositifs, nous en reparlerons plus tard (Chapitre 4). Dans le domaine biomédical, l’objectif de ces recherches est de mettre en évidence des modifications structurelles pathologiques. Le diagnostic de différents cancers et tumeurs tient notamment une importance particulière dans la littérature [1.57] [1.58] [1.59]. Dans ces études, les critères mesurant la dépolarisation et le retard sont, comme attendu, des paramètres capables de faire apparaître les modifications biologiques induites par la maladie.

VI − Conclusion

Dans ce premier chapitre, nous avons tout d’abord introduits les différents tissus biologiques, et plus particulièrement les tissus conjonctifs qui représentent environ les 2/3 du volume du corps humain. Nous avons ensuite présenté la protéine de base de ces tissus, le collagène, ou plutôt les collagènes, au regard des nombreux types de collagènes différents.

Par la suite, nous avons détaillé les deux principales propriétés des tissus biologiques, à savoir l’absorption et la diffusion, et, introduit les grandeurs caractéristiques de ces phénomènes. Grâce à quelques exemples, nous avons pu conclure que, dans les tissus biologiques, en se plaçant dans la fenêtre thérapeutique, l’absorption est négligeable devant la diffusion.

A ce stade, nous avons mis en évidence le parallèle entre les propriétés de diffusion des tissus biologiques et les propriétés de biréfringence et d’anisotropie du collagène.

Puis, après avoir présenté les différentes techniques d’imagerie existantes, nous avons tenté de démontrer les intérêts de l’imagerie optique pour des applications biomédicales.

Technique à la fois peu coûteuse, inoffensive et aisément mise en œuvre, l’imagerie optique représente une alternative intéressante en proposant de nouveaux types de contraste, et dans certaines situations, une résolution bien meilleure que les techniques conventionnelles.

Pour finir, nous avons montré que les informations portées par la polarimétrie (biréfringence, dépolarisation, anisotropie…) étaient, compte tenu des propriétés optiques du collagène, parfaitement adaptées à l’étude des tissus biologiques. Nous avons toutefois pointé les difficultés de l’imagerie de polarisation : il reste difficile de discerner les paramètres polarimétriques pertinents car ceux-ci, fortement sensibles aux structures biologiques de taille comparable à la longueur d’onde d’étude, présentent des effets polarimétriques a priori mélangés.

Chapitre 2

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