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3.3 Les transitions de phase isolant-superfluide

3.3.1 Point multicritique

Le comportement critique à la pointe du lobe de Mott peut être compris en linéarisant les équations de flot. Si nous posons ZC,k(n) = 0, nous retrouvons les équations de flot du modèle XY en d + 1 dimensions (avec un régulateur anisotrope, voir annexe F.3.1) avec une direction pertinente dans l’espace des paramètres de l’action effective. Le flot du paramètre correspondant, que nous noteronsr, détermine l’exposant ν. Puisque ZC,k(n) est toujours au carré dans les équations de flot (sauf la sienne), il n’entre pas dans les équations de flot linéarisées (sauf la sienne). Donc ZC,k(n0,k) correspond à la seconde direction pertinente, qui est orthogonale (dans l’espace des paramètres de l’action) à la surface critique.

Le comportement du système près du point multicritique(tc, µc) est mieux com-pris en considérant la partie singulière du potentiel effectifVs(r, ZC) (ZC ≡ ZC(n0))

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point multicritique transition générique ˜ q q/k q/k ˜ ω  V A,k ZA,kk 1/2 ω  Z C,k ZA,kk  ω ˜ n k−d(VA,kZA,kk)1/2n k−dZC,kn ˜ Vk(˜n) k−d V A,k ZA,kk 1/2 Vk(n) k−d Z C,k ZA,kk  Vk(n) ˜ δk (ZA,kk)−1δk (ZA,kk)−1δk ˜

λk kdVA,k−1/2(ZA,kk)−3/2λk kd(ZC,kZA,kk)−1λk ˜

ZC,k(˜n) (VA,kZA,kk)−1/2ZC,k(n) ˜

VA,k ZA,kkZC,k−2VA,k

Table III.2 – Variables adimensionnées (ZC,k ≡ ZC,k(n0,k)).

[3]. À petitr et ZC, etd < 3 :

Vs(r, ZC) = s−d−zVs(s1/νr, sZC)

=|r|ν(d+z)V˜s(|r|−νZC). (3.66) Nous anticipons ici que la valeur propre associée àZC est égale à un (voir plus bas). Vsétant fini et non nul dans la limiter → 0 et ZC → 0, ˜Vs(x) doit être constant pour x→ 0 et se comporter comme xd+z pourx→ ∞. De plus, r et ZC sont supposés être des fonctions analytiques de t− tc et µ− µc, et doivent s’annuler linéairement avec t− tc quand on s’approche du point multicritique sur un chemin typique, i.e. non vertical dans le plan(t/U, µ/U ). Puisque l’exposant ν du modèle XY est inférieur à un pour toutd + 1≥ 3, l’argument de ˜Vs dans (3.66) s’annule commet− tc→ 0. Vu que ˜Vs(x)→ const pour x → 0, nous en concluons que ZC disparait de la relation d’échelle (3.66) et le point multicritique ressemble à un point critique XY ordinaire, comme nous le montrerons explicitement plus bas. Nous donnons en annexe H une analyse plus poussée des lois d’échelle au point multicritique, en particulier le long d’une trajectoire parallèle à l’axe des µ.

Pour rendre le point fixe explicite quand le système est critique, nous utilisons des variables adimensionnées, définies en table III.2. Notons qu’il faut un adimen-sionnement différent dans le cas de la transition générique, l’exposantz n’étant pas le mêmei. Les dimensions anormales sont données par

ηA,k=−∂lln ZA,k,

ηV,k =−∂lln VA,k. (3.67)

i. Dans le cas du point multicritique, on veut queω˜2+ ˜q2 reste constant (z = 1), tandis que dans le cas de la transition générique, c’est−i˜ω + ˜q2 qui ne varie pas (z = 2).

La fréquence adimensionnée ω (Table˜ III.2) nous permet de définir un exposant dy-namique critique (dépendant de l’échellek, mais aussi du type d’adimensionnement) zk= [ω] à partir de [ZA,k] =−ηA,k,[VA,k] =−ηV,k, et[˜ω] = 0, ce qui donne

zk= 1−ηA,k− ηV,k

2 . (3.68)

Ici [X] représente la dimension d’échelle de la variable X (les impulsions ayant la dimension 1). Au point multicritique, nous nous attendons à avoirηA= ηV etz = 1. Il est cependant possible que le régulateur Rk(q), qui ne respecte pas l’invariance relativiste de l’action effective au point multicritique, modifie le comportement cri-tique attendu. En posant ZC,k(n) = 0 dans les équations de flot on trouve (annexe F)

ηV,k = ηA,kη 2 A,k

d + 2. (3.69)

Étant donné la faible valeur de la dimension anormale du modèle XY en (d + 1) dimension (d = 2, 3), les résultats ηA = ηV etz = 1 sont néanmoins respectés avec une bonne précision, voir plus bas.

Point multicritique d = 2

Nous commençons par discuter le cas bidimensionnel. Nous trouvons queZC(n) s’annule pour µ = 0.382, soit une valeur légèrement différente que la position du bout du lobe, situé à µ = 0.387 (nous nous concentrons sur l’étude du lobe ¯n = 1). Cette petite erreur provient vraisemblablement du fait que l’invariance de jauge locale, (voir section3.1.2), qui donne l’identité de Ward (3.65), n’est pas strictement satisfaite dans notre approche, car violée à la fois par l’approximation BMW et par le développement en dérivées. D’un autre coté, le fait que le point multicritique se trouve très proche de la pointe du lobe montre que la violation est faible et sans grandes conséquences.

La figure 3.8 montre le flot de RG au point multicritique. Les plateaux de la densité du condensatn˜0,k et de la constante de couplage ˜λkadimensionnées, ainsi que ceux des dimensions anormalesηA,ketηV,k, sont caractéristiques d’un comportement critique. Nous voyons clairement l’émergence de l’invariance relativiste à mesure que k décroit : ˜ZC,k(˜n0,k)∼ k s’annule tandis que ηA,ketηV,kdeviennent quasiment égales (impliquant zk ' 1). Nous trouvons les exposants critiques ν = 0.699, ηA = 0.049, ηV = ηA(1− ηA/4) = 0.049 et z = 1.000, à comparer aux meilleures estimations ν = 0.671 et η = 0.038 pour le modèle XY à trois dimensions [114]. Il serait possible d’améliorer le calcul des exposants critiques en augmentant le caractère fonctionnel de notre ansatz (i.e. garderVA,k(n) et ZA,k(n) et non les approximer par leurs valeurs en n0,k), ou en poussant le développement en dérivées jusqu’à l’ordre 4. Le but de notre travail n’est néanmoins pas de calculer ces exposants critiques, mais de montrer que l’on retrouve bien le comportement critique du modèle XY.

La figure 3.9montre | ˜ZC,k(˜n0,k)| près du point multicritique. Il s’annule lors de l’approche du point multicritique avant de croitre comme | ˜ZC,k(˜n0,k)| ∼ 1/k ∼ e−l

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Figure 3.8 – (Haut) Densité du condensat ˜n0,k, constante de couplage ˜

λk et ˜ZC,k(˜n0,k) adimensionnés vs ln(Λ/k) au point multicritique ¯n = 1 en d = 2. (Bas) Dimensions anormales ηA,k etηV,k en fonction ln(Λ/k). L’encart montre que l’équation (3.69) est satisfaite pourk→ 0.

Figure 3.9 – (Gauche) ln ˜ZC,k(˜n0,k) en fonction de ln(Λ/k) près du point multicritique. (Droite) Dimensions anormales ηA,k et ηV,k. La fin des plateaux détermine la longueur de Josephson ξJ = kJ−1.d = 2 dans les deux cas.

Figure 3.10 – Densité du condensat n0, raideur superfluide ρs, com-pressibilité κ et gap de Mott ∆ en fonction de |t − tc| près du point multicritique(tc, µc) [d = 2]. Les croix montrent les comportements don-nés par les équations (3.70-3.72) avecν ' 0.699 et η ' 0.049.

lorsque le flot s’écarte de la surface critique, de sorte que l’exposant critique associé à ˜ZC,k(˜n0,k) est égale à un, comme prédit par des arguments d’échelle [3]. Les pla-teaux des dimensions anormalesηA,ketηV,k montrent l’intervalle d’impulsion durant lequel le flot est contrôlé par le point multicritique. La fin des plateaux détermine la longueur de Josephson ξJ ≡ kJ−1 = k−1 [115]j, voir figure 3.9.

Nous discutons maintenant le comportement du système pourµ = µcett→ t+ c. La densité du condensat s’annule avec l’exposant critique 2β = ν(d + z− 2 + η),

n0 ∼ (t − tc)ν(d+z−2+η). (3.70)

À partir de la dimension d’échelle [ρs] = d + z− 2 de la raideur superfluide et le fait que la vitesse du mode de Goldstone c = p

ρs/κ reste finie à cause de l’invariance relativiste de l’action effectiveΓk dans la limitek→ 0, nous avons

ρs∼ (t − tc)ν(d+z−2),

κ∼ (t − tc)ν(d+z−2). (3.71)

Les équations (3.70,3.71) sont en accord avec les résultats obtenus numériquement avec les équations de flots (figure 3.10). Dans la phase de Mott, nous avons[∆] = z et le gap s’annule comme

∆∼ (tc− t)νz (3.72)

pour t → t

c, de nouveau en accord avec les équations de flot (figure 3.10). Les courbes de la figure3.10donnent ν ∼ 0.696 et 2β = ν(1 + η) ∼ 0.7338, ce qui donne

j. La longueur de Josephson n’est définie que dans la phase basse température. Pour des im-pulsions ξG−1  |q|  ξ−1J (ξG est la longueur de Ginzburg, voir section 2.1), les fonctions de corrélation sont celles du système critiqueG(q)∝ |q|−2+η, tandis que pour|q|  ξ−1

J , les fonctions de corrélation ne sont plus critiques mais sont dominées par les modes de Goldstone (la fonction de corrélation transverse se comporte commeGt(q)∝ |q|−2et la fonction de corrélation longitudinale commeGl(q)∝ |q|d−4pour un système classique [30]).

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η = 0.053, en très bon accord avec les exposants déduit à partir des flots de RG, voir ci-dessus.

Point multicritique à d = 3

La dimension critique supérieure étant trois (d + z = 4), la transition au point multicritique est dans ce cas gouvernée par le point fixe gaussien avec des corrections logarithmiques dues à la constante de couplage marginalement non pertinente ˜λk. La résolution numérique des équations de flots montre que ˜λk ∼ 1/| ln k|, ˜ZC,k(˜n0,k) ∼ k/| ln k| et ηA,k, ηV,k ∼ 1/| ln k|2, tandis que n˜0,k va vers sa valeur de point fixe n˜0 logarithmiquement (Fig.3.11)k. La figure3.12montreρs,κ et c en fonction de t−tc.