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Le groupe de renormalisation non-perturbatif : concepts

Le groupe de renormalisation fonctionnel a connu un renouveau à partir du dé-but des années 90, sous l’impulsion des travaux de Wetterich [75,76,77,78], publiés dans la même période que ceux de Ellwanger [79] et Morris [80,81,82]. Nous appel-lerons cette version du groupe de renormalisation Groupe de Renormalisation Non Perturbatif (NPRG). Il faut aussi noter les travaux, très proches au niveau des idées, de Parola et Reatto [83,84,85,86,87], publiés quelques années plus tôt, qui visent surtout à des applications en physique des liquides. Une très bonne introduction au NPRG (ainsi qu’à ses relations avec le groupe de renormalisation perturbatif) est donné en [88]. Cette formulation, que nous détaillerons juste après, a été appliquée à un très grand nombre de sujets [89], allant de la gravité quantique [90] à la phy-sique hors d’équilibre [91, 92], en passant par les systèmes désordonnés [93,94] ou les atomes froids [95,96,97,98,99,40,41,100,101].

L’idée est toujours celle de Wilson mais c’est son implémentation qui change. Là où Wilson et Polchinski renormalisaient l’action (ou l’hamiltonien) apparaissant dans l’intégrale fonctionnelle, le but est maintenant d’écrire une équation différentielle pour l’action effective moyenne Γk (énergie libre de Gibbs, donnant accès à toutes les fonctions de corrélation) définie comme une transformée de Legendre (légèrement modifiée, voir plus bas) du logarithme de la fonction de partition

Zk[J] = Z

Dϕ e−S[ϕ]+J·ϕ−∆Sk[ϕ], (2.7)

où J est une source externe et S est l’action du problème (voir par exemple l’hamil-tonien de l’équation (2.2))g.

Pour réaliser l’intégration des modes rapides tout en bloquant celle des modes lents, nous avons ajouté un terme de régulateur à l’action

∆Sk[ϕ] = 1

2ϕ· Rk· ϕ, (2.8)

dépendant explicitement d’un paramètre d’échellek, ayant la dimension d’une impul-sion. Cette impulsion caractéristique sépare les champs rapides (ϕ(q) tel que|q| & k) des champs lents (ϕ(q) tel que|q| . k).

Pour jouer son rôle, le régulateur infrarougeRk(q) doit remplir plusieurs condi-tions. Premièrement, il doit tendre vers zéro pour des impulsions très grandes devant

k |q|

k

2

R

k

(q)

Figure 2.1 – Forme typique du régulateur infrarouge à k fini.

k et avoir une valeur finie pour |q|  k. ∆Sk[ϕ] étant quadratique en champ, le choix

Rk(q)' k2, (2.9)

pourq k, permet d’interpréter Rk(q) comme un régulateur infrarouge, c’est-à-dire qu’il empêche les fluctuations à grande distance (via l’introduction d’une longueur de corrélation artificielle de l’ordre de k−1). Avec une terminologie de théorie des champs, en modifiant l’action avec ∆Sk, nous ajoutons donc artificiellement une “masse” d’ordre k2 aux modes lents, réduisant leurs contributions à l’intégrale fonc-tionnelle, tandis les champs rapides ne sont pas affectés et sont ainsi intégrés norma-lement, comme dans le schéma wilsonien. Notons que nous avons le choix de la forme du régulateur, qui peut être une fonction douce (voir figure2.1) ou dure (comme dans le schéma Wilsonien orginal).

Pour k→ 0, nous voulons retrouver la fonction de partition du modèle original (tous les modes ont été intégrés), ce qui implique Rk(q)→ 0 dans cette limite. La forme typique du régulateur en fonction deq et k est donnée en figure2.1. En faisant varier l’échelle k, nous allons pouvoir écrire une équation différentielle pour Zk (et ainsi pour Γk).

Reste le problème de la condition initiale àk = Λ, c’est-à-dire qu’il faut que nous soyons capables de calculer exactement la fonction de partition, en source quelconque, à l’échellek = Λ. Le choix de cette condition initiale est ce qui fait la grande différence entre le NPRG usuel, que nous allons discuter tout de suite, et le NPRG sur réseau, dont les spécificités seront abordées à la section2.4.

En choisissantRk→Λ(q)→ ∞, tous les modes prennent une masse infinie et sont gelés. Le calcul de la fonction de partition est immédiat grâce à une approximation de point selle et nous trouvons

ZΛ[J] = e−S[ϕ]+J·ϕ−∆SΛ[ϕ]. (2.10)

Il est plus intéressant de travailler avec la transformée de Legendre de Zk. Nous définissons l’action effective moyenne par

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où φ(x) = hϕ(x)i = δ ln Zk[J]/δJ(x) est le paramètre d’ordre. La transformée de Legendre est légèrement modifiée, principalement pour que ΓΛ[φ] = S[φ], de sorte que le terme infini∆SΛ[φ] disparaisse et que la condition initiale soit le (vrai) champ moyen. Dans la limitek→ 0, nous avons bien Γk=0= Γ, où Γ[φ] est l’action effective du problème d’origine. Il est facile d’écrire une équation exacte pour l’action effective moyenne, que nous appellerons équation de Wetterich [76]

kΓk[φ] = 1 2

Z

q

kRk(q)Gk[q, φ], (2.12)

où nous avons noté

Gk[q; φ] =h

Γ(2)k [q,−q; φ] + Rk(q)i−1

(2.13)

et Γ(2)k [q,−q; φ] = δ2Γk[φ]/δφ−qδφq est le vertex à deux pointsh. Il faut noter que c’est le vrai propagateur (i.e. celui associé à la vraie transformée de Legendre de ln Zk) qui apparait dans l’équation de flot. L’équation de Wetterich peut aussi se réécrire sous la forme

kΓk[φ] = 1 2˜k Z q lnh Γ(2)k [q,−q; φ] + Rk(q)i , (2.14)

où nous avons utilisé l’opérateur ˜∂k≡ ∂kRk(q)∂Rk.

En prenant des dérivées fonctionnelles de l’équation de flot deΓ par rapport à n champs et en notant les fonctions de vertex à n points

Γ(n)k [q1, ..., qn; φ] = δ nΓk[φ]

δφ−q1...δφ−qn, (2.15)

il est possible d’obtenir pour celles-ci une hiérarchie d’équations

kΓ(1)k [p; φ] = 1 2˜k Z q Gk[q; φ]Γ(3)k [q, p,−q; φ], ∂kΓ(2)k [p1, p2; φ] = 1 2˜k Z q Gk[q; φ]Γ(4)k [p1, p2, q,−q; φ] − 1 2˜k Z q Gk[q; φ]Γ(3)k [p1, q,−q; φ]Gk[q; φ]Γ(3)k [p2, q,−q; φ], .. . (2.16)

Nous voyons que cette hiérarchie n’est pas fermée, l’équation de flot du vertex à n points faisant intervenir les vertex à n + 1 et n + 2 points.

h. Γ(2)k [q, q0; φ] est aussi une fonctionnelle du champ φ, comme les crochets [ ] le montre. En champφ constant, nous utiliserons des parenthèses ( ) pour dénoter la dépendance en impulsion et en champ, par exemple Γ(2)k (q, q0; φ) ≡ Γ(2)k [q, q0; φ]

φ=const. Dans ce cas, les impulsions sont conservées dans les fonctions de vertex :Γ(2)k (q, q0; φ)≡ δq,−q0Γ(2)k (q,−q; φ), etc.

L’intérêt des équations (2.12) et (2.16) n’est pas tant qu’elles soient exactes (il est facile d’écrire un grand nombre d’équations exactes inutiles ou insolubles), mais qu’il est possible de faire des approximations non-perturbatives par rapport aux constantes de couplage, comme nous allons le discuter dans la section suivante. Il est toutefois intéressant de noter que le simple remplacement Γ(2)k [q,−q; φ] → S(2)[q,−q; φ] = δ2S[φ]/δφ−qδφqdans le membre de droite de (2.14) redonne un calcul à une boucle. L’équation étant exacte, il est bien entendu possible (au moins en principe) de s’en servir pour faire des calculs perturbatifs à des ordres plus élevés.