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PARTIE I. LE TROUBLE DE STRESS POST-TRAUMATIQUE

4. L A PLEINE CONSCIENCE , UN FACTEUR DE PRÉVENTION DU TSPT

4.2. La pleine conscience

La pleine conscience (ou mindfulness) est un concept psychocognitif caractérisant la prise de conscience qui émerge en prêtant une attention délibérée, dans le moment présent et sans juge-ment de l'expérience qui se déroule à chaque instant (Shaurya Prakash et al. 2013; Kabat-Zinn 1994). Elle est originellement introduite en tant que pratique méditative laïque par Kabat-Zinn, à partir de son expérience du Bouddhisme ; elle sera par la suite utilisée pour développer des techniques thérapeutiques de réduction du stress (Mindfulness-Based Stress Reduction, MBSR) et de traitement de la rechute dépressive (Mindfulness-Based Cognitive Therapy for Depres-sion, MBCT) (« Qu’est-ce que la Pleine Conscience ? » s. d.; « Pleine conscience » 2020). De-puis, les premiers programmes de méditations (MBSR, MBCT) de nombreuses autres tions se sont développés à visée préventive comme thérapeutique, faisant sortir ces interven-tions de la médicalisation.

En parallèle de l’émergence des pratiques méditatives et thérapeutiques basées sur la mindfulness, celle-ci fait l’objet d’un développement dans le champ de la psychologie et de la psychométrie, en tant que concept à double dimension : l’état (mindfulness-state) et le trait (mindfulness-trait) (Brown et Ryan 2003).

4.2.1. Mindfulness : de la méditation aux interventions (MBI)

En tant que pratique méditative, la mindfulness repose sur l'entrainement de l'esprit à maintenir son attention sur l'expérience corporelle, principalement la respiration, et à y renvoyer délibé-rément l'attention chaque fois qu'il est distrait (H. Smith et Novak 2004; Lutz et al. 2015). De ce fait, la mindfulness meditation, et par extension les programmes d’interventions basés sur la méditation (MBI), telle que la MT, semblent être des outils d’intérêt pour renforcer la qualité de la régulation émotionnelle.

(Aldao, Nolen-Hoeksema, et Schweizer 2010) ont montrés dans leur méta-analyse qu’un certain nombre de stratégies psycho-cognitives telles que l’évitement (avoidance), la rumination et la suppression de pensées, étaient associées à des psychopathologies émotionnelles (anxiété, dé-pression).

Tenant compte de ces informations et du fait que la méditation mindfulness se posait comme un outil de régulation émotionnelle (Guendelman, Medeiros, et Rampes 2017) ont passé en revue les études de psychologie et de neurobiologie sur les bénéfices émotionnels de la médi-tation mindfulness. Ainsi, les auteurs valident l’efficacité des interventions basées sur la mindfulness (mindfulness-based interventions ; MBI) pour un grand nombre de

psychopathologies caractérisées par une dysrégulation émotionnelle (troubles bipolaires et de la personnalité borderline, traumatisme émotionnel, anorexie et boulimie, etc.).

D’un point de vue mécanistique, la régulation émotionnelle met en jeu des processus ascendant-descendant (top-down) impliquant notamment le CPF-dl, de façon bilatérale, et des régions directement liées à la réactivité émotionnelle (Insula antérieure-AI, cortex cingulaire antérieur-ACC), à l’intéroception (AI) et la conscience sensorimotrice (cortex sensorimoteur secondaire-SSC, lobe pariétal inférieur-IPL) (Frank et al., 2014 ; Kohn et al., 2014 ; Etkin et al., 2015, d’après (Guendelman, Medeiros, et Rampes 2017)). Chez les sujets ayant bénéficié d’un pro-gramme de MBI et soumis à un paradigme induisant de la tristesse, l’AI droite, le CPF-dl droit et le sg ACC (sous-génuale) ont une augmentation d’activité (Farb et al., 2010, d’après (Guen-delman, Medeiros, et Rampes 2017)).

4.2.2. Disposition mindful

Selon (Brown et Ryan 2003), la mindfulness doit aussi être entendue comme une capacité innée, à être conscients et à maintenir de façon soutenue son attention à ce qui se produit dans le présent ; elle est présente chez tous les individus à des « niveaux » divers. Cette capacité qui peut être apparentée à un trait psychologique est désignée sous le terme de disposition mindful.

La notion de trait psychologique est complétée par celle d’état qui désigne les variations autour du niveau moyen (de mindfulness dans le cas présent) d’un individu.

« La mindfulness-trait se réfère à des différences interindividuelles stables dans la propension à faire attention et porter sa conscience au moment présent. La mindfulness-état concerne des fluctuations systématiques autour du niveau moyen de mindfulness d’une personne » (Csillik et Tafticht 2012).

Alors que de nombreuses études se concentrent sur les différents aspects de l'état de pleine conscience (méditation en IRM ou sous EEG, novices vs expérimenté, programme MBI vs contrôle, etc.), les rares études sur la disposition mindful (DM) se concentrent principalement sur les corrélations avec d'autres traits psychologiques, notamment dans le champ des res-sources (psychologie positive) ainsi qu’avec l’amélioration de la qualité de vie...) Il a été dé-montré que la DM est liée à divers aspects positifs de la santé physique et psychologique (Brown et Ryan 2003) et du bien-être (Giluk 2009; M. Trousselard et al. 2016).

4.2.3. Caractérisation psychologique de la DM

Sur le plan de la santé mentale et plus particulièrement de la psychologie de la santé, la DM est positivement corrélée à la fois à une régulation émotionnelle protectrice et à un bas niveau de stress perçu (Prakash, Hussain, et Schirda 2015; Leigh, Bowen, et Marlatt 2005).

Ce lien entre la DM et la qualité de la réponse psychologique à un stress chronique a été récem-ment étudié au sein d’une population d’oncologue (catégorie socioprofessionnelle évoluant dans un environnement stressant et émotionnellement consumant, induisant un risque plus élevé de développer des troubles liés aux stress) (Di Giuseppe et al. 2019). À l’aide d’outils psycho-métriques, les auteurs ont évalué l’anxiété (état et trait), la dépression, la DM et les mécanismes

de défense psycho-émotionnelle, au nombre de 20 et regroupés en 3 catégories (défense imma-ture, névrotique et mature) ; ces mécanismes de défense sont définis à partir des actions réali-sées par une personne lorsqu’elle est en situation de difficulté. Les auteurs observent une très forte corrélation entre la DM et un style de défense psychologique mature ainsi qu’une forte anti-corrélation entre la DM, les scores d’anxiété et de dépression (Di Giuseppe et al. 2019).

4.2.4. Caractérisation neurofonctionnelle de la DM

Au niveau du système nerveux central, il a été rapporté que des sujets avec une haute DM avaient une plus faible connectivité fonctionnelle au sein du RMD par rapport aux sujets avec une faible DM (Way et al. 2010). Le RMD joue un rôle fonctionnel central dans les processus autoréférentiels et a été associé au vagabondage mental (Ramírez-Barrantes et al. 2019).

Une étude en IRM-f de repos, menée sur 290 personnes a mis en évidence qu’une haute DM était corrélé avec la qualité de la synchronisation locale (Local Correlation (LCOR)) de l’insula droite, du cortex orbitofrontal gauche (COF-g) et du gyrus parahippocampique gauche, régions impliquées dans la réactivité émotionnelle et dans la régulation implicite des émotions. Cette haute DM était également anti-corrélée avec la synchronisation locale du gyrus frontal inférieur (GFI). De plus, les niveaux de synchronisation locale du COF-g et du GFI prédisaient respec-tivement le niveau des émotions positives, et un sens et un but dans la vie, deux effets médiés par la DM (Kong et al. 2016). Cette étude suggère que la synchronisation locale dans les régions clés de la régulation des émotions pourrait s'engager différemment chez les sujets avec une haute DM, et rendre compte des effets bénéfiques des émotions positives.

4.2.5. Caractérisation physiologique de la DM

Bien que l’étude de l’activité du système nerveux périphérique par le biais de l’analyse de la VRC et son altération par certaines pathologies remonte aux années 80, ce n’est que plus ré-cemment qu’une modification de celui-ci ait été mise en évidence dans les psychopathologies telles que la dépression et le trouble anxieux généralisé.

Plus récemment (Appelhans et Luecken 2006) ont mis en avant le rôle de la VRC dans la ré-ponse de régulation émotionnelle. Les émotions sont accompagnées de divers degrés d'excita-tion physiologique, générés principalement par le système nerveux autonome. Une VRC élevée reflète un SNA capable de générer, de manière flexible, les états nécessaires d'excitation phy-siologique associés aux émotions (par exemple, activer des ressources en association avec la colère tout en étant attaqué où détendre le corps et économiser des ressources en période de calme). Un tel SNA flexible est adaptatif, car il permet la génération d'émotions appropriées et facilite un ajustement rapide aux demandes situationnelles momentanées (Burg et Wolf 2012).

(Sun et al. 2019) ont étudiés le lien entre la DM et la VRC dans 4 situations expérimentales différentes, une situation de calcul mental, deux de repos (avant et après le calcul mental) et un exercice de respiration. Leurs résultats ne montrent aucune corrélation entre le niveau de DM et les variables de VRC dans chacune des situations étudiées. Cependant ils observent une cor-rélation entre la DM et l’autosimilarité (dérivé des mesures fractales) des paramètres de VRC

au cours des différentes situations. Les auteurs concluent que les individus avec une DM élevée auraient tendance à être extrêmement conscients de leurs états sur le moment, et ajusteraient de manière flexible leur réactivité psychophysiologique en fonction de signaux internes et ex-ternes.