• Aucun résultat trouvé

PARTIE I. LE TROUBLE DE STRESS POST-TRAUMATIQUE

2. L A PRISE EN CHARGE DU TSPT

2.2. Les pratiques psychothérapeutiques centrées sur le trauma

Actuellement, les thérapies comportementales et cognitives centrées sur le traumatisme (TCC) et le Eye Movement Desensitization and Reprocessing (EMDR) apportent les résultats les plus évidents dans le TSPT (Yehuda et LeDoux 2007). Une grande partie de ces approches utilise l’exposition comme intervention princeps, mais avec des modalités différentes.

2.2.1. Thérapies cognitivo-comportementales (TCC)

Les TCC sont un ensemble de techniques ciblant trois axes d’intervention : comportement, co-gnition et émotion. Elles tendent à modifier les comportements, les émotions et les pensées découlant des symptômes intrusifs de la reviviscence traumatique (cauchemars, flashback) (Schnyder 2005). Les principales techniques utilisées sont : la thérapie d’exposition, le stress inoculation training, la restructuration cognitive et enfin l’immersion et l’implosion.

2.2.1.1. Stress inoculation training (SIT)

Le SIT est un programme d’entrainement de gestion du stress, en quatre phases. La phase 1 consiste à identifier ses réactions au stress et leurs effets sur le fonctionnement et le bien-être psychologique ; la phase 2 comprend l'apprentissage des techniques de relaxation et d'autoré-gulation ; la phase 3 consiste à apprendre à s'adapter aux autodéclarassions ; enfin la phase 4 implique une progression assistée à travers une série de situations de plus en plus stressantes utilisant des images, des vidéos, des jeux de rôle et des situations de la vie réelle jusqu'à ce que l'individu soit finalement capable de faire face à la situation ou à l'évènement d'origine provo-quant le stress. Le SIT est basé sur la théorie selon laquelle l'exposition à des évènements mo-dérément stressants sert à construire les ressources d'adaptation d'un individu et qu'une adapta-tion réussie à ces évènements d’intensité croissante en habituant le sujet peut favoriser la rési-lience au stress futur (« APA Dictionary of Psychology » s. d.).

2.2.1.2. La reconstruction cognitive

Elle a pour but d’aider le patient à identifier ses croyances autodestructrices ou ses erreurs co-gnitives, à les réfuter, puis à les modifier pour qu'elles soient adaptatives et raisonnables. (« APA Dictionary of Psychology » s. d.)

2.2.1.3. Immersion/Implosion

L’Immersion (Flooding) et l’Implosion confrontent le patient avec sa situation la plus redoutée, à la fois dans la vie réelle et dans son imagination. Cette attaque sensorielle est supposée atté-nuer les réactions émotionnelles et psychologiques intenses à certaines sensations ou déclen-cheurs clés à travers le mécanisme d’habituation. Elles se distinguent de la désensibilisation systématique (systematic desensitization), qui implique une approche graduelle, étape par étape, pour faire face à la situation ou au stimulus redouté tout en essayant de maintenir un état non anxieux.

2.2.1.4. Thérapie de l’Exposition Prolongée (EP)

L'EP est basée sur la théorie du traitement émotionnel (Foa et Kozak 1985; 1986), qui suggère que les évènements traumatisants ne sont pas traités sur le plan émotionnel au moment de l'évè-nement. Selon ce modèle, la peur est représentée dans la mémoire comme une structure cogni-tive qui comprend des représentations des stimuli redoutés, des réponses de peur ainsi que de la signification associée aux stimuli et à leurs réponses. Ainsi, à la suite du traumatisme, un conditionnement de peur se met en place avec un renforcement de celui-ci par le biais de ten-dances d’évitement (Watkins, Sprang, et Rothbaum 2018). Le but de l’EP est de briser le ren-forcement négatif de l’évitement en prévenant la réponse de celui-ci. Elle permet également d’interrompre la connexion entre le stimulus conditionné et la réaction de peur, l’exposition au stimulus conditionné étant suivie de conséquences non effrayantes durant la période d’exposi-tion. La thérapie par EP se déroule en 3 étapes : (i) l’éducation psychologique sur les réactions communes au traumatisme ; (ii) l’exposition imaginaire, impliquant un récit répété du souvenir traumatique (reviviscence émotionnelle) et (iii) l’exposition dans le monde réel aux souvenirs traumatiques (situations, objets, etc.), sans danger, mais effrayants et à éviter (Kramer 2013).

2.2.2. EMDR

L’EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing) est une forme de psychothéra-pie transdiagnostique et intégrative développée par F. Shapiro (Shapiro 1995). Cette pratique est extrêmement plébiscitée dans le traitement du TSPT et des phobies. Elle repose sur la théorie selon laquelle la principale source de psychopathologie serait un mauvais traitement par le cer-veau des expériences de vie négatives et des souvenirs associés (Felitti et al., 1998 dans (Wilson et al. 2018)). Le principe de l’EMDR est d’utiliser une stimulation bilatérale (visuelle, tactile ou auditive) alternative au cours d’une immersion mentale dans l’expérience traumatique, ou exposition traumatique. Selon les standards en vigueur, la stimulation bilatérale est délivrée à une fréquence de 1 à 2 Hz, pour des blocs de 24 à 36 secondes, suivi d'une thérapie par la parole où le thérapeute demande si le patient a remarqué de nouvelles informations liées à la mémoire.

Ensuite, la stimulation est alors à nouveau administrée, mais cette fois-ci le patient doit se con-centrer sur ces nouvelles informations et les émotions associées. Un traitement par EMDR cor-respond en règle générale à 6-8 sessions d’une durée comprise entre 30 et 60 minutes. Si la thérapie fonctionne, à la fin, les patients souffrants de TSPT ont fortement réduit la reviviscence traumatique, l’altération cognitive et syndrome d'évitement (Calancie et al. 2018).

2.2.3. Thérapies émergentes 2.2.3.1. TMS

La stimulation magnétique transcrânienne en application répétée (rTMS) est utilisée depuis de nombreuses années pour traiter différents troubles neurologiques et psychiatriques caractérisés par des symptômes invalidants et pour lesquels les traitements conventionnels (p.ex. chimio-thérapies) ont atteint leurs limites. La rTMS fonctionne sur la base de la loi de Lenz-Faraday (loi de l’induction électromagnétique) selon laquelle la variation d’un courant électrique au sein d’une bobine induit l’apparition d’un champ magnétique local. Placé au-dessus du scalp, le champ magnétique induit va traverser l’os et les tissus du crâne, sans douleur ou avec très peu de douleur, et modifier l’activité neuronale située dans le champ. En modulant l’impulsion élec-trique dans la bobine et en alternant entre brèves stimulations (quelques secondes) et repos, le champ magnétique ainsi généré va induire un rapide changement de courant électrique dans le cortex et ainsi induire une dépolarisation des populations de neurones, en réponse de quoi, des potentiels d’action sont générés. En répétant les séances de rTMS, l’excitabilité corticale pourra être modulée au-delà de la période de stimulation, rendant ainsi possible sa potentielle utilisa-tion dans le traitement clinique de diverses pathologies, comme les troubles anxieux et la schi-zophrénie, mais également les maladies de Parkinson et d’Alzheimer (Machado et al. 2013).

Le TSPT fait partie des pathologies psychiatriques pour lesquelles la rTMS est utilisée. Son utilisation est issue de la limite que peut avoir la psychothérapie par technique d’exposition. En effet, les émotions déclenchées par l’exposition traumatique peuvent être difficiles à supporter pour le patient. Cette trop forte intensité émotionnelle induite a pour conséquence de conduire certains patients à abandonner le traitement. De plus, l’efficacité des agents inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (ISRS) reste limitée et associée à de nombreux effets secondaires chez certains patients, ce qui limite leur compliance à la chimiothérapie.

Bien que les bénéfices de la rTMS commencent à être largement documentés, les mécanismes d’action sont encore insuffisamment identifiés et pourraient dépendre des modalités d’applica-tion de la rTMS. L’un des mécanismes d’acd’applica-tion potentielle de la rTMS applicable au TSPT repose sur la régulation du tonus GABAminergique et glutaminergique. En effet, lors d’un pro-tocole à double impulsion (alternance d’une stimulation de conditionnement, brève et faible, et d’une stimulation test, longue avec une intensité supérieure au seuil d’excitabilité cortical), l’intervalle entre les deux impulsions se traduira par une stimulation du cortex qui dépend du tonus GABA et du tonus du glutamate, ce qui reflète respectivement une inhibition intracorti-cale à courte et à longue latence. Ainsi, par le biais de la TMS, on peut chez les patients TSPT diminuer dans les deux hémisphères le tonus GABAminergique et augmenter le tonus glutami-nergique de l’hémisphère droit. Une autre approche existante de la rTMS est la régulation de l’activité du CPF-dl. L’association de la stimulation du CPF-dl par une rTMS à haute fréquence et d’une thérapie d’exposition brève a permis une amélioration significative des symptômes du TSPT, notamment la composante « pensées intrusives », ce qui pourrait indiquer que le CPF-dl

facilite l’extinction des réponses à la peur durant une reviviscence traumatique (Clark et al.

2015).

2.2.3.2. Méthode de reconsolidation

La thérapie de reconsolidation est un protocole thérapeutique développé depuis 2008 au Canada par A. Brunet. Elle consiste en un ensemble de six séances hebdomadaires consécutives, d’une durée de 10 à 25 min, durant lesquelles une remémorisation active de l’évènement traumatique est effectuée, en association avec la prise d’un médicament bêtabloquant, le propranolol, 15 min avant la séance.

Ce protocole thérapeutique repose sur le constat que le passage d’un souvenir de la mémoire à court terme à la mémoire à long terme (processus de reconsolidation) passerait par un état la-bile (Przybyslawski et Sara 1997); et qu'une mémoire déconsolidée peut être altérée, après sa réactivation, à l'aide d'un agent pharmacologique, notamment le propranolol.

Cette thérapie a fait actuellement l’objet d’une étude multicentrique en France, avec 400 vic-times des attentats perpétrés en France en 2015 (Paris) et 2016 (Nice), suivies durant un an, afin d’en évaluer la faisabilité, l’efficacité et le bénéfice en termes de coût (Brunet et al. 2019).