• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 1. INTRODUCTION GÉNÉRALE

1.4 Plasticité intermodale chez l’humain

Pour répondre aux pressions environnementales les aveugles doivent se fier à leurs autres sens. Ils dépendent de leurs sens tactile, proprioceptif et auditif pour se déplacer et faire différentes tâches de la vie courante. Il survient des changements au niveau des structures visuelles et non visuelles induites par l’absence de projections visuelles.

Que se passe-t-il quand l’afférence visuelle vers le cortex est inexistante comme c’est le cas dans la cécité congénitale? Cette section décrira ces changements physiologiques dans le cerveau aveugle congénital.

1.4.1 Les structures visuelles corticales des aveugle

Les différences volumétriques (Nopenney et al., 2005; 2007; Shimony et al., 2006; Ptito et al; 2008), métaboliques (Wanet-Desfalque, 1988; De Volder, 1997), et de connectivité (Shimony et al., 2006; Noppeney, 2007; Ptito et al., 2008) entre le cerveau d’une personne AN et celui d’une personne voyante ont été étudiées. Cette section est consacrée à la description des différences au niveau du système visuel. Quant aux différences trouvées au niveau des aires corticales non visuelles, elles seront discutées dans la section portant sur les aires corticales responsable de la navigation chez l’humain.

1.4.2 Connectivité

La connectivité entre les différentes zones du cerveau est assurée par des faisceaux de fibres dans la matière blanche. Les premières études sur le système visuel des aveugles utilisaient des techniques d’imagerie par résonance magnétique (IRM) et trouvaient une atrophie des voies visuelles. Plus spécifiquement, ces études montraient des modifications au niveau du chiasme optique, du nerf optique et des radiations optiques (Breitenseher et al., 1998), d’une part et, un agrandissement de la fissure calcarine et des connexions de la matière blanche associés au cortex somatosensoriel primaire et du cortex moteur (Noppeney et al., 2005) d’autre part.

Récemment des techniques plus précises ont été validées chez les aveugles (Shimony et al., 2006) pour évaluer l’intégrité de la matière blanche au niveau micro structural et au niveau de la connectivité neuronale. La diffusion par

imagerie tensorielle (DTI) et la tractographie (DTT) mesurent le coefficient de diffusion des molécules d’eau dans le cerveau et permettent la quantification in vivo des faisceaux de la substance blanche.

Figure 1.5 : Schématisation des voies visuelles atrophiées chez les AC.

On note l’atrophie du nerf et du chiasme optiques, du CGL, du pulvinar, des radiations optiques et du cortex visuel primaire. Source : Ptito et al., (2008)

Chez les AN, on note l’absence ou l’atténuation de fibres geniculo-striées, mais les connexions cortico-corticales du cortex frontal vers le cortex temporal sont intactes. En utilisant des techniques de morphométrie voxel par voxels appliqués au IRM (IRM morphométrique), Ptito et al., (2008) ont mis en évidence une réduction du volume total de la matière blanche. Cette étude confirme la réduction du chiasme, du tractus et du nerf optique, des radiations optiques; elle démontre que le faisceau gauche longitudinal inférieur et le splénium du corps

calleux sont aussi atrophiés. En plus des réductions de la matière grise dans le système visuel des AN, cette étude note de plus, des augmentations du fascicule occipito-frontal, du fascicule supérieur longitudinal et du genou du corps calleux.

1.4.3 Différences volumétriques et morphométriques

Les différences volumétriques et morphométriques qui ont été trouvées au niveau de la matière grise des aires visuelles feront l’objet de cette section. Breitenseher et al., (1998) trouvaient un cortex visuel normal chez les sujets aveugles. Par contre, Noppeney (2005) trouvait quant à elle, une diminution des aires visuelles primaires (V1 ou 17-18 B.A.) en utilisant des techniques MRI. Avec des techniques de DTI et DTT, aucune différence n’a été trouvée dans le volume de la matière grise des AN (Shimony et al., 2006). Cette technique, excellente pour révéler les faisceaux de fibres axonales, est très imprécise pour la neuroanatomie. En effet, en utilisant la technique d’IRM morphométrique des réductions massives du cortex visuel primaire ont été trouvées (Ptito et al., 2008). Des réductions de 25% ont été observées dans V1 bilatéralement, et de 20% dans l’aire V2. Le CGL dorsal bilatéralement, le pulvinar et hMT+ sont aussi dramatiquement réduits. Ces réductions sont comparables à celles observées dans le modèle de l’énucléation chez le rongeur par Desgent (2009).

Figure 1.6 : Réduction volumétrique des aires visuelles chez les AN

Réductions des zones visuelles chez les AN (blanc) comparé aux voyants (noir). On note une atrophie du cortex visuel primaire (aire BA 17-18) et de hMT+. Les astérisks indiquent une différence volumétrique significative entre les AN et les voyants (p<0.001). Source : Ptito et al., (2008)

1.4.4 Différences métaboliques

Il existe des différences métaboliques entre le cerveau d’une personne normale et celui d’une personne aveugle. Ces différences métaboliques peuvent être mesurées grâce aux méthodes de tomographie par émission de positron (TEP). Ces méthodes mesurent les changements métaboliques de l’activité régionale de glucose des cellules. Plusieurs études en imagerie révèlent que le cortex d’aveugles possède un métabolisme supranormal (Wanet-Defalque, et al., 1988; De Volder et al., 1997; Kupers et al, 2009). Le cortex visuel de sujets aveugles de naissance montre une augmentation de l’activité tandis que les

aveugles de cécité tardive avaient une diminution d’activité dans les zones visuelles (Veraart et al., 1990).

Ce métabolisme élevé dans les zones visuelles suggère que, malgré les diminutions volumétriques du cortex visuel, ce qui est noté dans la section précédente, ce cortex est très actif. Ceci soulève la question : à quoi ce cortex peut-il servir ? Nous verrons dans la section sur les habiletés des personnes AN que ce cortex peut être recruté par des mécanismes de plasticité induite par l’entraînement avec un appareil de substitution sensorielle. La prochaine section décrira des exemples de plasticité intermodale chez l`humain par le biais de la substitution sensorielle.

1.5 Plasticité intermodale par le biais de la substitution sensorielle chez