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Plasma bidimensionnel (2D) sous grille : cas du HEMT

2.5 Instabilité de plasma

2.5.2 Plasma bidimensionnel (2D) sous grille : cas du HEMT

L’application des transistors à effet de champ (FET) dans le domaine THz a commencé dans les années 1990 par le travail théorique pionnier de Dyakonov et Shur en 1993 ayant montré qu’un courant circulant dans le canal d’un HEMT peut être instable et générer des ondes de plasma. Les fréquences de ces ondes ne sont pas plafonnées par le temps de transit des électrons entre le drain et la source mais dépendent de la concentration des porteurs

Chapitre 2 : Géneralités sur les ondes THz 2.5 Instabilité de plasma

de charge et la longueur du canal du FET. Avant de présenter la théorie de Dyakonov et Shur, nous devons mettre en lumière les hypothèses qu’elle implique, qui nous permettront de connaitre les limites du modèle et de nous orienter pour la conception d’un modèle plus réaliste.

Les hypothèses suivantes sont faites par Dyakonov et Shur (DS) dans le cadre de leur théorie [34], constituant l’approximation du canal graduel (Gradual Channel Approxima-tion, GCA) :

— les paramètres physiques tels que la concentration des porteurs, la masse effective, l’énergie des porteurs et la vitesse sont uniformes tout au long du canal du HEMT ; — la tension drain-source est faible devant la tension de grille, de sorte que le HEMT

est utilisé dans la zone ohmique ;

— la densité des porteurs dans le canal est parfaitement contrôlée par la grille

Les hypothèses proposées par DS ont rendu le système unidimensionnel et soluble ana-lytiquement. Le comportement du mouvement balistique des électrons dans le canal a été comparé au mouvement des particules de l’eau peu profonde. Par analogie, le flux des élec-trons, relativement lent par rapport à la vitesse de l’onde, doit devenir instable à cause de l’amplification de l’onde de plasma.

Ce mouvement des électrons est décrit par des équations hydrodynamiques. La densité électronique est donnée par la relation :

ns(x) = CU (x)

e (2.7)

où C est la capacité grille-canal par unité de surface (avec C = ε/d, d étant l’épaisseur du canal) et avec

U (x) = VG− V (x) − Vth (2.8) VG étant la tension de la grille, Vth la tension de seuil, V (x,t) le potentiel défini en un point x du canal et e la charge élémentaire. De plus, l’équation d’Euler régissant la vitesse moyenne des électrons se ramène à :

∂v ∂t + v ∂v ∂x = −e m ∂U ∂x − νvv (2.9)

où v est la vitesse locale des électrons, m leur masse effective et νv le taux de relaxation de la vitesse quantifiant les collisions électroniques. Dans le modèle de DS, cette dernière gran-deur est supposée faible devant la pulsation des ondes de plasma. L’équation de continuité

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en électrons s’écrit alors comme [34,35] : ∂U

∂t +

∂(U v)

∂x = 0 (2.10)

Il est à noter que les équations (2.9) et (2.10) coïncident avec les équations hydrodyna-miques des fluides : v correspond alors à la vitesse d’écoulement du fluide et eU/m au produit gh (où h est profondeur du fluide considéré et g l’accélération de la pesanteur). Les relations de dispersion des ondes de plasma et des ondes en eau peu profondes sont en effet assimilables, puisque leurs relations de dispersion respectives sont

  

ω = kpeU/m = ks pour les ondes de plasma ω = k√

hg pour les ondes en eau peu profonde

(2.11)

où k est le vecteur d’onde de l’oscillation plasma et s = peU/m est la vitesse cette onde. Pour fixer les idées, un exemple des ondes de surface auxquelles sont assimilées les ondes de plasma est proposé sur la photo de la figure 2.6 : il s’agit du phénomène de mascaret.

Figure 2.6 – Propagation d’une onde de surface en eau peu profonde : phénomène de mascaret.

Les quantités physiques à déterminer pour décrire la dynamique de l’onde de plasma et montrer l’existence d’une instabilité plasma sont la vitesse de dérive des électrons v et le potentiel U dans le canal du transistor. Les équations considérées (2.9) et (2.10), non-linéaires, sont alors linéarisées en partant d’un état d’équilibre v = v0, U = U0. Cet

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équilibre peut être uniforme, v0 étant U0 étant alors pris constants sur tout l’espace, ou non-uniforme en choisissant v0 = v0(x), U0= U0(x). Quand l’état d’équilibre est légèrement perturbé, on peut écrire la vitesse et la tension sous la forme

   v(x,t) = v0+ v1exp[−i(ωt − kx)] U (x,t) = U0 + U1exp[−i(ωt − kx)] (2.12)

avec v1 < v0 et U1 < U0. Les termes du second ordre (v1U1, U1U1, v1v1) sont alors négli-geables.

Le calcul se développe alors pour le cas simple d’un fluide uniforme. Le contact de source (en x = 0) est supposé connecté à la masse, et le contact de drain (en x = L) est supposé ouvert et connecté à une source de courant. Dans ces conditions,

   (ω − kv0)v1e mkU1 = 0 −kU0v1+ (ω − kv0)U1 = 0 (2.13)

Pour obtenir des solutions v1 et U1 non nulles, le déterminant du système (2.13) doit être nul. On établit ainsi la relation de dispersion :

     k1 = ω v0+ s k2 = ω v0− s (2.14)

Ou ; v0 est la vitesse des électrons et s la vitesse de l’onde de plasma. Le milieu est non-dispersif, mais l’onde est portée ou freinée par le courant et se propage à la vitesse relative s par rapport à celui-ci. On retrouve ici encore une relation de dispersion analogue à celle des ondes de gravitation en eau peu profonde [36], prenant cette fois-ci en compte la vitesse de dérive électronique.

Les termes v1 et U1 se réécrivent par la suite sous la forme suivante :    v1 = A exp(ik1x) + B exp(ik2x) U1 = C exp(ik1x) + D exp(ik2x) (2.15)

Les quatre inconnues (A, B, C et D) sont déterminées en considérant les équations du mouvement, de continuité, et les conditions de bord, c’est à dire U1(0) = 0 et v1(0) = 0.

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On obtient dans ces conditions     A = s U0 C B = − s U0D (2.16)

Nous allons déterminer les deux termes de ω par la condition de bord en x = L. Nous supposons que le courant drain-source est constant IDS = CU v et, par suite, que △IDS = 0. La condition de bord s’écrit alors U0v1(L) + v0U1(L) = 0. Cette deuxième condition donne alors : s + v0 s − v0 = e 2Ls s2−v20 (2.17)

Cette dernière relation nous mène à considérer une pulsation complexe ω = ω

+ iω. On détermine la pseudo-pulsation ω

et l’incrément d’onde ω en séparant partie réelle et imaginaire, ce qui permet d’établir que

       ω = 2πn s 4L 1 − M2 ω′′ = s 2L(1 − M2) ln 1 + M 1 − M (2.18)

où n est un entier, pair si | v0 |< s et impair si | v0 |> s, et où M est le nombre de Mach donné par M = v0/s. La partie réelle de ω correspond physiquement à un ralentissement de la vitesse de phase. La partie imaginaire représente l’atténuation de l’onde de plasma. Une valeur positive de la partie imaginaire correspond donc à un système instable et à une amplification des ondes de plasma : c’est l’instabilité de Dyakonov-Shur.

Le coefficient d’amplification ω′′ est positif pour s > v0 > 0, des oscillations spontanées de plasma peuvent alors naître dans le canal. On relève un maximum pour ω′′ à M = 0,65 (voir Figure 2.7). La génération d’ondes THz dans le canal est donc supposée optimale à la vitesse v0 = 0,65s.

À faible nombre de Mach, nous avons des oscillations aux fréquences 2D sous grille [34]

f2D = n 1 4L

r eU

m (2.19)

Par exemple, pour un HEMT GaN/AlGaN avec une longueur de grille L = LG= 0,15 nm, m

= 0,19 · m0 et U = 2 V, la fréquence de plasma 2D est f2D = 1 THz. Pour un HEMT InAlAs/InGaAs avec L = LG = 0,1 nm, m

= 0.042 · m0 et U = 0,3 V la fréquence 2D est f2D = 4,6 THz, ce qui démontre le potentiel prometteur du HEMT pour des applications en tant que détecteur de fréquences térahertz.

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−0.8

−0.4

0

0.4

0.8

−0.8 −0.4 0 0.4 0.8

(

ω

′′ .2L

/s

)

Nombre de Mach

Figure2.7 – Parie imaginaire de la pulsation plasma normalisée ω′′

2Lπ/s en fonction du nombre de Mach M.

2.5.2.1 Expériences de détection THz

Le canal d’un transistor HEMT peut agir comme une cavité résonante : la fréquence de résonance de l’onde de plasma est alors directement liée aux dimensions géométriques du transistor HEMT. La fréquence de l’onde de plasma peut atteindre le spectre sub-térahertz ou même le térahertz pour des longueurs de grilles nanométriques (Dyakonov-Shur [34,37]). Le travail théorique mené sur les HEMT a été complété des expérimentations sur des HEMT nanométriques à base d’InGaAs et de GaN. Celles-ci ont permis de vérifier que les propriétés non-linéaires de l’onde de plasma 2D sous grille dans le canal du transistor HEMT peut être utilisée pour la détection des radiations térahertz [38–40].

La détection des radiations THz est assurée par la rectification du courant alternatif induit par le rayonnement incident : la photo-réponse du transistor apparaît sous la forme d’une tension drain-source continue proportionnelle à la fréquence du signal incident [40]. À titre d’exemple, nous présentons sur la figure2.8les résultats expérimentaux obtenus par Knap et al. dans des HEMT à base d’InGaAs [40]. On y observe la photo-réponse de la tension drain-source en fonction de la tension grille VG. Les résultats sont obtenus pour des tensions de grille proches de la tension de swing Vth, où les artefacts liés au système de mesure (résistivité, capacité de couplage et des problèmes de fuite sous la grille) peuvent être négligés. La résonance apparaît à basse température car la mobilité des porteurs augmente et, par suite, le terme ωτ devient supérieur de 1 : la condition

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d’instabilité de Dyakonov et Shur est alors atteinte. Le volet (a) de la figure2.8 montre un

Figure 2.8 – (a) Tension drain-source (photo-réponse) du HEMT pour des résonances à 1,8 THz, 2,5 THz et 3,1 THz. (b) Fréquence de résonance en fonction de la tension de la grille à 10 K (la ligne est calculée selon la théorie DS [34]).

exemple de détection pour différentes valeurs de la tension de grille aux fréquences 1,8 THz, 2,5 THz et 3,1 THz. La correspondance entre la fréquence de résonance et la tension de grille optimale est donnée dans le volet (b) de la figure : une croissance de f2D de 1,8 THz à 3,1 THz est possible dans un même transistor en modifiant la tension de grille. De plus, un bon accord est observé entre les résultats expérimentaux et la théorie de DS permettant de tracer la courbe représentée dans ce volet [40].

À ce jour, l’élargissement important des pics de résonance de plasma observés sur la figure 2.8(a) semble être l’un des principaux problèmes non résolus de la détection THz. Dans ce contexte, trois principales hypothèses sont actuellement à l’étude : (i) l’existence de modes obliques plasmatiques [41] ; (ii) un amortissement supplémentaire en raison de la fuite des oscillations de plasma sous grille et aux parties à accès libre sans grille [42] et (iii) la détection des radiations THz en introduisant une déphasage entre les électrodes de grille et de drain [43]. Cette dernière piste est explorée dans le chapitre 5.

Chapitre 2 : Géneralités sur les ondes THz 2.5 Instabilité de plasma -5 -4 -3 -2 -1 0 0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0 v/s ~ 0.1 E mi ssion in tensity, u.a

Gate Voltage, Volt v/s~1 -6 -5 -4 -3 -2 -1 0 0.0 0.5 1.0 1.5 2.0

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