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I. Introduction générale

I.4 Les microorganismes au cœur des interactions rhizosphère-drilosphère

I.4.1 Les plantes source de matières organiques pour les microorganismes

I.4.1.1 Accélération de la décomposition de la matière organique du sol : le

priming effect

Comme nous venons de le voir, au sein de la rhizosphère, les plantes fournissent du carbone aux microorganismes au travers de la rhizodéposition et en retour, les microorganismes augmentent la capacité des plantes à acquérir leurs nutriments en dominant les processus de dégradation et de recyclage des nutriments. Ces flux de carbone modifient l’activité microbienne et les dynamiques d’immobilisation-minéralisation qui contrôlent la disponibilité de l’azote pour les plantes (Paterson et al., 2005; Harrison et al., 2007). Ainsi les dynamiques du carbone et de l’azote sont en étroite interactions et les plantes vont influencer activement ces processus via ce qu’on appelle le priming

effect (PE), ou effet d’amorçage. Le PE correspond à une modification dans le taux de décomposition

de la matière organique du sol (MOS) provoquée par l’addition de matières organiques fraîches (MOF) (Blagodatskaya and Kuzyakov, 2008). Cette décomposition de la matière organique du sol par des composés racinaires concerne les matières organiques situées en profondeur dans les sols, dont la dégradation est limitée par la faible densité de microorganismes (Balesdent et al., 2011). Ce PE conduit donc à un recyclage des nutriments piégés dans la MOS et bénéficie à la production primaire

56 (Kuzyakov et al., 2000). Deux mécanismes ont été proposés pour expliquer le PE : i) il peut s’agir du résultat indirect d’une augmentation des enzymes extracellulaires produites par les microorganismes dégradant la MOF, augmentant ainsi la dégradation de la MOS (Kuzyakov et al., 2000) ou ii) il peut s’agir d’un processus de co-métabolisme où les communautés dégradant la MOS, en utilisant l’énergie de la MOF, augmentent le taux de décomposition de la MOS (Fontaine et al., 2003). Deux types de PE détectables gouvernés par l’activité microbienne peuvent être distingués (Blagodatskaya and Kuzyakov, 2008): i) le PE réel où la décomposition de la MOS a été mesuré, ii) le PE apparent où des changements dans le turnover de la biomasse microbienne ont été observés sans décomposition de la MOS.

I.4.1.2 Facteurs influençant le priming effect

I.4.1.2.1 La teneur en azote des plantes

L’étude de Zhu et al. (2012) met en évidence des différences d’intensité de PE entre stades de développement et formation de nodosités pour des sojas. Au stade végétatif, la comparaison de deux sojas, l’un ayant la capacité de former des nodosités alors que l’autre non, ne montre pas de différence dans l’intensité du PE sur la décomposition de la matière organique du sol s’expliquant par une biomasse totale et une concentration en azote des tissus similaires entre les sojas. En revanche, à maturité l’augmentation de 58 % de l’azote dans les tissus du soja ayant formé des nodosités de façon abondante se traduit aussi par une augmentation par deux du PE. La fourniture d’une plus grande quantité d’azote aux microorganismes, via une rhizodéposition azoté plus importante, a pu stimuler leur activité et conduire à un PE plus important.

I.4.1.2.2 La biomasse des plantes

Le développement aérien et racinaire est le facteur le plus important qui contrôle la rhizodéposition des plantes. Selon l’étude de Dijkstra et al. (2006), les variations de l’intensité du PE entre deux espèces de plantes sont expliquées à 74% par la différence de biomasse foliaire. Les plantes exsudent une fraction à peu près constante de carbone labile provenant de la photosynthèse (entre 3 et 5%). Les plantes qui ont une plus grande biomasse foliaire ou capacité photosynthétique pourraient

57 donc exsuder de plus grandes quantités de carbone labile et donc favoriser un PE plus intense sur la MOS.

I.4.1.2.3 Le poids moléculaire des composés rhizodéposés

L’influence du poids moléculaire des composés rhizodéposés sur le PE est controversée dans la bibliographie. D’un côté Balesdent et al. (2011) suggèrent que les exsudats de faibles poids moléculaires comme les carbohydrates ou acides aminés n’induisent pas de PE contrairement aux molécules complexes comme la cellulose. D’un autre côté, des études s’intéressant à l’activité des communautés microbiennes en fonction de la composition des exsudats montrent une modification de cette dernière avec l’ajout de substrats carbonés simples (carbohydrates, acides carboxyliques, acides aminés) (Zhou et al., 2012; Mwafulirwa et al., 2016; Wahbi et al., 2016).

I.4.1.3 Influence du priming effect sur les cycles du carbone et de l’azote

Il existe une relation linéaire entre la respiration microbienne et la minéralisation brute de l’azote. Cependant, la présence de plantes peut altérer cette linéarité via des processus rhizosphériques induisant un découplage des cycles du N et du C. En effet, on observe que le PE sur la décomposition du carbone et sur la minéralisation de l’azote ne sont pas proportionnelles (Zhu and Cheng, 2012). Cela peut être dû à l’interaction entre le PE et l’immobilisation d’azote par les microorganismes (Kuzyakov and Xu, 2013). Cette stimulation de la décomposition de la MOS engendre une plus forte minéralisation de l’azote du sol, mais peut résulter en une diminution des réserves en azote inorganique car l’apport de carbone labile via la rhizodéposition favorise aussi la croissance microbienne et par conséquent l’immobilisation de l’azote par ces dernières. Il a cependant été mesuré que l’azote de la biomasse microbienne était fortement réduit en présence des systèmes racinaires des plantes : les microorganismes sont plus compétitifs pour l’azote que les plantes, mais ils ont une plus grande affinité pour les acides aminés que pour l’azote minéral, contrairement aux plantes (Zhu and Cheng, 2012).

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