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I. Introduction générale

I.2.3 Mobilisation des interactions au sein de la diversification des cultures annuelles

I.2.3.1 Les associations incluant une Fabacée

Comme défini par Willey (1979), l’association de cultures consiste à la croissance simultanée de deux ou plusieurs espèces dans le même champ au cours d’une période significative. Les associations incluant une Fabacée (ou légumineuse) sont souvent considérées comme une voie efficace pour combiner la productivité des cultures et les performances économiques avec un faible impact environnemental (Pelzer et al., 2012). L’utilisation de plusieurs espèces, et notamment en associations (céréale-légumineuse, colza-légumineuse), permet de rendre des services écosystémiques tels qu’une meilleure utilisation des ressources disponibles, le contrôle des maladies, ravageurs ou adventices pour favoriser la productivité dans les agroécosystèmes à faibles niveaux d’intrants. L’objectif est de promouvoir les complémentarités entre traits fonctionnels pour favoriser l’acquisition des ressources (Bedoussac et al., 2015).

I.2.3.1.1 Efficacité d’utilisation de l’azote

Les avantages de l’association à base de légumineuse sur l’efficacité de l’utilisation de l’azote s‘expliquent en grande partie par les phénomènes de différenciation de niches, ce qui va diminuer la compétition interspécifique (Jensen, 1996a; Thorsted et al., 2006a; Thorsted et al., 2006b; Hiltbrunner et al., 2007; Eisenhauer and Scheu, 2008). Dans une association incluant une légumineuse, les complémentarités pour l’acquisition de l’azote permettent la coexistence des espèces et favorisent l’augmentation du contenu en azote de la plante non-fixatrice. La complémentarité peut s’exprimer dans un premier temps par une séparation de niche au niveau des systèmes racinaires d’architectures différentes permettant une complémentarité plus ou moins forte pour l’acquisition de l’azote du sol. Cette complémentarité s’avère être très importante au sein de l’association colza-féverole et ce très tôt au cours du cycle. Dans une expérimentation en rhizotrons, Jamont et al. (2013) ont montré qu’après 32 jours de croissance, 70% de la longueur totale des racines du colza se trouvait dans la partie basse du rhizotron alors que 64% de la longueur totale des racines de la féverole se trouvait dans la partie

32 haute du sol disponible dans le rhizotron. Les traits fonctionnels liés à l’architecture des systèmes racinaires de ces deux espèces permettent donc de diminuer la compétition dès le premier mois de culture. Dans le cas des associations céréale-légumineuse, les céréales ont un système racinaire fasciculé caractérisé par une importante production de racines fines. Leur croissance est aussi souvent plus rapide que celle des légumineuses (Corre-Hellou and Crozat, 2005). Par conséquent, elles sont plus compétitives que les légumineuses pour prélever l’azote du sol (Corre-Hellou et al., 2006; Coulis et al., 2014; Bedoussac et al., 2015; Dayoub et al., 2017). Puis, l’entremêlement des racines des deux espèces va provoquer la diminution de l’azote aux environs des racines de la légumineuse, due à la forte compétition des céréales, ce qui va ainsi forcer la légumineuse à compter sur la fixation symbiotique pour assurer ses besoins en azote (Xiao et al., 2004; Corre-Hellou et al., 2006). Les deux espèces utilisent ainsi des sources différentes d’azote.

I.2.3.1.2 Efficacité de l’utilisation du rayonnement lumineux

La complémentarité des traits fonctionnels des espèces liée soit à l’architecture aérienne (Thorsted et al., 2006a; Carof et al., 2007; Bedoussac and Justes, 2010), soit à la phénologie (Zhang et al., 2008; Bergkvist et al., 2011; Amossé et al., 2013) améliore l’efficacité d’utilisation du rayonnement lumineux. Par exemple, au sein d’une association blé-pois, la lumière peut être utilisée jusqu’à 17% en plus qu’en culture pure pour la production de biomasse en condition de faible niveau d’azote (Bedoussac and Justes, 2010). La croissance rapide du blé augmente sa capacité à la capture de la lumière au détriment de la légumineuse qui présente une croissance des parties aériennes plus lente (Queen et al., 2009). Grâce à l’utilisation d’un couvert plurispécifique, l’amélioration de l’utilisation du rayonnement lumineux contribue à expliquer les augmentations de production de biomasse totale du couvert végétal observées (Díaz et al., 2007b; Bedoussac and Justes, 2010).

I.2.3.1.3 Maladie et réduction des ravageurs

Bannon et Cooke (1998) ont montré que la présence de trèfle en association avec du blé réduit la propagation de maladies telles que Septoria triticii dans les cultures. Cependant, l’association blé-féverole, du fait d’une plus grande variabilité de conditions climatiques au sein de la canopée, peut

33 induire un développement d’oïdium surtout avec l’ajout d’une fertilisation azotée (Chen et al., 2007). Bien que controversée, l’utilisation de plusieurs espèces fournit une stratégie prometteuse pour contrôler maladies et nuisibles et ainsi améliorer la productivité des plantes. Il apparaît cependant que le contrôle des maladies et des nuisibles par l’augmentation de la diversité cultivée est davantage efficace à l’échelle de la rotation (Kirkegaard et al., 1999; Ransom et al., 2007).

I.2.3.1.4 Réduction des adventices

L’association orge-pois a montré des aptitudes suppressives des adventices plus forte qu’en cultures pures en termes de biomasse, richesse spécifique et abondance relative des espèces adventices majeures (Poggio, 2005; Corre-Hellou et al., 2011). L’importante capacité de compétition pour l’azote du sol par l’orge et l’augmentation de la surface foliaire par les deux espèces diminuent l’accès aux ressources du sol et à la lumière pour les adventices. La diminution de la pression de compétition pour les ressources du sol et la lumière liée à la réduction des adventices grâce à la diversité des espèces cultivées, permet d’améliorer la productivité globale du couvert végétal. Les associations incluant une Fabacée (ou légumineuse) apparaissent donc comme une pratique intéressante pour le contrôle des adventices (Hartwig and Ammon, 2002; Hiltbrunner et al., 2007; Lithourgidis et al., 2011).

I.2.3.2 Les mélanges de variétés

La diversification des cultures annuelles vise à augmenter la fourniture de services écosystémiques en exploitant les avantages de l’hétérogénéité des cultures. Dans la partie précédente, nous avons vu que cette hétérogénéité peut être apportée par l’utilisation de plusieurs espèces. Cette hétérogénéité des cultures peut également être apportée par l’utilisation de mélanges de variétés d’une même espèce (Finckh et al., 2000). L’utilisation de mélanges de variétés permet, grâce à des mécanismes sous-jacents, de rendre des services écosystémiques clés tels que la régulation des maladies et ravageurs on encore l’amélioration de l’utilisation des ressources du sol.

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I.2.3.2.1 Contrôle des bioagresseurs

Les études sur l’augmentation de la productivité liée à l’utilisation de la diversité génétique se sont d’abord concentrées sur le contrôle des maladies et ravageurs. Les mélanges de variétés de blé ou d’orge peuvent permettre d’augmenter la qualité des récoltes par une meilleure résistance à la pression des organismes phytopathogènes (Akanda and Mundt, 1997; Jackson and Wennig, 1997; Kiær et al., 2009). La reproduction des organismes phytopathogènes étant dépendante de la fréquence et de la densité des hôtes, des niveaux plus importants de diversité des hôtes tendent à diluer la population d’organismes phytopathogènes par une limitation de leur reproduction (Mitchell et al., 2002; Garrett et al., 2006; Garrett et al., 2009). La variabilité intraspécifique peut influencer différents processus au niveau du compartiment aérien notamment l’amélioration de la résistance et la résilience à des perturbations environnementales ou la résistance à des organismes phytopathogènes (Hughes and Stachowicz, 2004; Reusch et al., 2005).

I.2.3.2.2 Efficacité d’utilisation de l’azote – cas du blé

Une étude a exploré les traits morpho-physiologiques liés à une amélioration de l’efficacité d’utilisation de l’azote notamment chez des variétés de blé. Foulkes et al. (2009) montrant que Les traits fonctionnels liés à l’architecture aérienne et racinaire peuvent différer aussi largement qu’entre différentes espèces. Cette variabilité phénotypique pourrait contribuer à améliorer les performances des cultures. Ces traits sont relatifs à quatre stratégies visant à optimiser l’azote total du blé.

i) Optimiser la capture de l’azote : l’activité des racines peut montrer des comportements variables entre génotypes quant à l’absorption d’azote. Ces comportements différents peuvent être dus à des besoins différents ou à des variations de l’efficacité de l’absorption d’azote. En effet, bien que le blé absorbe préférentiellement l’azote sous forme nitrique, des génotypes différents peuvent absorber l’azote sous forme ammoniacale lorsque les conditions sont défavorables à l’activité des bactéries nitrifiantes. De plus, l’absorption d’azote n’est pas linéaire (fig. I-8). Chez le blé, cette dernière augmente à partir de la montaison pour atteindre un pic au stade d’épiaison (Baresel et al., 2008). Des génotypes

35 de blé ayant des attributs contrastés liés à la précocité à épiaison pourraient être complémentaires pour l’utilisation de la ressource en azote grâce à l’échelonnage dans le temps des pics d’absorption.

Figure I-8. Représentation schématique de l’absorption de l’azote en fonction des différents stades de développement du blé. AA : absorption de l’azote ; AG : azote dans les grains ; AR : azote dans les résidus ; AT : azote transféré ;

AArg : azote absorbé durant le remplissage des grains (d’après Baresel et al. 2008).

ii) Optimiser l’assimilation de l’azote au travers d’une distribution plus profonde des racines et une optimisation de l’activité clé des enzymes. Chez le blé tendre, les différences entre génotypes liées à l’architecture racinaire sont relatives à l’émission des racines. En effet, le nombre de racines émises peut être plus ou moins important selon la variété, et directement lié au potentiel de tallage. Ces différences de comportement entre variétés peuvent provenir à la fois de variations du nombre de racines séminales et de la vitesse d’apparition des racines adventives (Feil et al., 1990; Wiesler and Horst, 1994). La rapidité avec laquelle les racines se développe peut être importante à prendre en compte pour améliorer les performances du couvert car la formation de nouvelles racines est nécessaire pour rendre accessible des compartiments de sol inexploité et leur durée d’activité est limitée (Edwards et al., 1990; Feil et al., 1990; Wiesler and Horst, 1994). Eilrich and Hageman (1973) ont mis en évidence des différences dans l’activité de la nitrate réductase (réduisant le nitrate en ammonium dans la plante) chez des génotypes de blé. L’efficacité d’assimilation d’azote peut donc également différer entre génotypes de blé.

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iii) Maximiser la capacité photosynthétique. Plusieurs études ont utilisé les mélanges de variétés comme moyen d’exploiter les différences de développement morphologiques parmi des variétés d’arachides (Rattunde et al., 1988) et d’orge (Stützel and Aufhammer, 1990) pour augmenter la productivité. La complémentarité spatiale des traits liés à l’architecture aérienne a permis d’augmenter l’interception de la lumière et ainsi de limiter la pression de compétition des adventices (Siddique et al., 1989; Didon, 2002).

iv) Améliorer la remobilisation de l’azote dans la canopée et optimiser le contenu protéique des grains.

Les plantes et l’utilisation de l’agrobiodiversité cultivée ne constituent pas le seul levier pour augmenter la productivité dans les agroécosystèmes. Le sol, chimiquement, physiquement et spatialement très hétérogène fournit une grande diversité d’habitats et de ressources et renferme, de ce fait, une immense diversité d’organismes. Ces organismes sont impliqués dans de nombreux processus tels que l’aération, l’agrégation du sol, la fragmentation, la dégradation de la matière organique ou encore le recyclage des nutriments. Ces processus vont positivement ou négativement impacter la productivité des plantes au travers de différentes fonctions inhérentes à certains groupes d’organismes. On peut donc se demander comment la notion de trait fonctionnel est applicable aux organismes du sol et comment associer ces traits à une ou plusieurs fonctions. Des complémentarités et interactions positives peuvent-elles également intervenir entre groupes fonctionnels d’organismes du sol ?

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I.3 Une approche fonctionnelle des organismes du sol pour