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Chapitre 1- Introduction générale

1.4. Plant cible pour les milieux arides

Plusieurs travaux de recherche conduits dans la péninsule Ibérique ont été consacrés à la recherche d’attributs morpho-physiologiques pouvant prédire la survie et les performances des semis après transplantation en zones semi-arides (Chirino et al. 2009, Oliet et al. 2013, Cortina et al. 2013, Vallejo et al. 2012, Cortina et al. 2011). Toutes ces

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recherches s’accordent sur la nécessité de produire des plants avec des attributs leur permettant de résister aux stress environnementaux, et plus particulièrement le stress hydrique pour favoriser la survie après transplantation (Oliet et Jacobs 2012, Cortina et al. 2011). Aussi, la mise en place de normes de qualité pour la production des plants agro- forestiers destinés aux zones arides est nécessaire pour maîtriser et standardiser les régies de culture en pépinières forestières. Cependant, la plupart des études portent sur moins de 10 ans, un laps de temps insuffisant pour évaluer pleinement les résultats et les pratiques de gestion dans les zones semi-arides (Cortina et al. 2011).

1.4.1. Le système racinaire, un attribut crucial pour la réussite des reboisements

L’architecture du système racinaire est un aspect critique pour les plants destinés à être mis en terre dans les sols des zones arides limitées à la fois en nutriments et en eau. Margolis et Brand (1990) indiquaient que si les semis plantés peuvent survivre un temps assez important sur leurs réserves en nutriments et en sucres il n’en est pas pareil pour leur réserve en eau qui s’épuise très rapidement. La menace la plus commune pour la survie des semis nouvellement plantés est en effet la dessiccation (Burdett 1990). Aussi leur capacité à soustraire l’eau rapidement à partir de leur environnement serait l’attribut de survie le plus recherché en régions arides.

L'échec des plantations, bien qu’attribuable à plusieurs causes, peut souvent résulter de l'utilisation d’un lot de semis dont le potentiel de performance est limité (Burdett 1990). En effet la capacité des plants à survivre au choc de la transplantation réside dans la capacité de leur système racinaire à établir rapidement des connections fonctionnelles avec le sol et restaurer le continuum sol-plante-atmosphère (Margolis et Brand 1990, Grossnickle 2005, 2012). Cette capacité est liée à la taille et à la distribution des racines, à leur conductivité hydraulique et à leur contact avec le sol (Grossnickle 2005).

Le système racinaire doit donc être suffisamment développé pour coloniser toute la carotte, assurer sa cohésion et permettre son extraction complète de la cavité en résistant aux manipulations normales qui accompagnent la mise en terre du plant (DGPSP 2013). Des corrélations existent assez souvent entre le diamètre au collet et le développement du système racinaire (Carles et al. 2012) rendant l’appréciation de cet attribut dissimulé facile

17 en pépinière forestière. Dans une étude conduite par Tsakaldimi et al. (2013), la survie après transplantation de cinq espèces méditerranéennes des bioclimats semi-aride et aride (Pinus halepensis, Quercus ilex, Quercus coccifera, Ceratonia siliqua et Pistacia lentiscus) a été positivement corrélée au diamètre au collet initial avant la plantation. Ce diamètre au collet doit être supérieur à 5 mm pour les semis de P. halepensis et supérieur à 7 mm pour les autres espèces feuillues.

La capacité de croissance racinaire (CCR) est un autre attribut important de la qualité des plants et serait influencé par le volume et la qualité initiale du système racinaire, la disponibilité en eau et la température du sol et la capacité photosynthétique des parties aériennes du semis (Van den driessche 1987, Ritchie 1985, Grossnickle 2000). La CCR serait fortement corrélée à la survie et à la croissance initiale des semis après transplantation (Ritchie 1985, Lamhamedi et Fortin 1994). Son évaluation avant la plantation est un moyen de prédiction des chances des semis à survivre au choc de la transplantation.

Pour survivre au stress hydrique des zones arides, ces attributs (qualité du système racinaire et CCR) sont nécessaires mais pas suffisants. En effet, la survie des semis aux sècheresses longues de l’été en Méditerranée par exemple, dépend de la capacité de leur système racinaire à atteindre les horizons inférieurs des sols humides (Padilla and Pugnaire 2007). Ceci est le cas de nombreuses espèces sclérophylles (Chaves et al. 2002) dont

Argania spinosa L., Quercus rotundifolia L. et Ceratonia siliqua L. Certaines espèces

végétales sont capables de développer des racines profondément dans le sol pour résister aux longues sécheresses de l'été ou pour survivre dans le désert avec très peu de précipitations (Canadell et al. 1996). Le choix de génotypes avec un fort enracinement et sa manipulation en phase de culture pourraient assurer l’acquisition des différentes ressources disponibles dans le sol (Zhu et al. 2011).

Pour résister et croitre dans les milieux arides, caractérisés par le stress hydrique et nutritionnel, les arbres agro-forestiers, dont Argania spinosa L. et Ceratonia siliqua L. forment des symbioses racinaires endomycorhiziennes (Nouaim et Chaussod 1996). Ce type de mycorhizes arbusculaires constitue la règle dans les écosystèmes terrestres et se retrouve chez plus de 70 % des espèces végétales vasculaires (Fortin et al. 2008). La phase extra-radiculaire des arbres mycorhizés permet l’extension de la surface d’absorption et du

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volume du sol exploré, bien au-delà de la zone d’épuisement de la rhizosphère. Sylvia (1986) rapporte une longueur de 12 mètres d’hyphes de champignon à arbuscules par gramme de sable d’une dune subtropicale ou 592 m par cm de racines colonisées. Ces hyphes ont par ailleurs des diamètres 50 à 100 fois plus petits que les racines courtes (2-5 vs 100-500 µm) leur permettant ainsi d’explorer les micropores du sol (Garbye and Guehl 1997) et d’en extraire l’eau fortement liée à sa phase solide, autrement non disponible pour la plante. Les symbioses racinaires bactériorhizes, associant des bactéries de type rhizobium à des plantes de la famille des légumineuses (Fortin et al. 2008) contribuent efficacement à la nutrition azotée des végétaux et à la fertilité biologique des sols. La technologie microbiale (bactériorhization et mycorhization) est donc à considérer pour l’amélioration de la survie et de la croissance des plantes en milieux arides et dans la réhabilitation de leurs écosystèmes (Al-Karaki 2013).

1.4.2. Statut nutritionnel des plants destinés au reboisement des zones arides

Plusieurs recherches conduites en zones semi-arides suggèrent que lorsque des sécheresses risquent de survenir peu de temps après les plantations, les stratégies de conservation de l'eau (forte allocation de biomasse souterraine, faible surface foliaire et surface foliaire spécifique) peuvent l'emporter sur les autres attributs (Trubat et al. 2011, Cortina et al. 2013, Oliet et al. 2013). Ce résultat est cohérent avec d’autres études indiquant l’intérêt du ratio tige : racines lorsque le site de plantation expérimente des périodes de sécheresse (Bernier et al. 1995). Des semis produits sous des conditions de nutrition limitante favorisant le développement racinaire peuvent, dans cette situation, être mieux indiqués pour résister aux sécheresses des sites semi-arides à ressource hydrique limitée (Trubat et al. 2011, Cortina et al. 2013, Oliet et al. 2013). Lamhamedi et al. (2000a) quant à eux ont proposé des normes de fertilité provisoires pour certains conifères méditerranéens dont la limite inférieure serait proche des valeurs de leur statut nutritionnel qu’on retrouve dans les conditions naturelles (Mediavilla et al. 2011) Dans les régions moins arides de la Méditerranée du Nord des semis enrichis en éléments nutritifs pourraient selon Oliet et al. (2013) assurer le succès des plantations. Ces chercheurs ont mis à l’avant le rôle bénéfique de l’azote dans la résistance au stress hydrique, au gel et au développement racinaire en insistant sur l’intérêt de la fertilisation automnale. Ce type de

19 fertilisation pourrait en effet augmenter l’efficacité d’utilisation de ce nutriment chez les semis après transplantation (Margolis et Waring 1986a). Cependant, la fertilisation automnale peut-être inefficace si elle interfère avec l'induction de la dormance ou réduit par ailleurs la capacité des plants à tolérer les stress environnementaux (Margolis et Waring 1986b). Destinée à l’origine pour favoriser la croissance des semis dans des sites mésiques à forte compétition végétale (Landis et Van Steenis 2003), la fertilisation automnale enrichie pour les milieux arides, doit tenir compte des besoins spécifiques à l’établissement des associations symbiotiques et d’une période d’installation courte après la transplantation des plants sur le terrain. La concentration des nutriments dans les tissus des plants doit par ailleurs considérer les attributs fonctionnels de résistance à la sécheresse et les rythmes endogènes des espèces.

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