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L'être humain se développe selon deux axes : objectal et narcissique (P. JEAMMET).

L'axe objectal s'explique par le fait que pour construire sa personnalité, il faut se nourrir de

l'apport des autres, de la relation avec l'autre. Ainsi, proposer des ateliers en groupe va permettre aux sujets de prendre appui sur les autres, se nourrir des interactions et trouver en l'autre un modèle. Mais en même temps, pour être soi, on ne peut que se différencier de l'autre. L'axe narcissique soutient cette différenciation. Donc on se nourrit et se construit grâce aux échanges avec les objets investis et par ailleurs on n'existe qu'en se différenciant. Un certain antagonisme ou une contradiction est possible entre ces deux axes. Pour éviter que l'enfant ressente cette contradiction, il faut qu'il y ait adéquation entre ses besoins et les réponses de son environnement. Dans le cas contraire, cette contradiction se fait sentir trop brutalement, l'enfant peut se rendre compte de son « impuissance » et de sa dépendance à l'égard de son environnement qui apparaît comme incompréhensible à ses yeux, ne se révélant pas comme la réponse à ses besoins.

L'addiction semble venir proposer une solution pour résoudre ce conflit entre l'axe objectal et l'axe narcissique. Elle empêche le sujet d'être dépendant de l'autre, de son environnement. Cette dépendance pouvant être vécue comme un pouvoir que l'autre exerce

sur le sujet, se révèle donc menaçante pour son identité propre. Le sujet tente alors de protéger son identité en ayant recours à un objet externe.

Ainsi, l'institution et l'équipe professionnelle sont là pour proposer un espace ayant pour objectif la création de limites faisant défaut chez le patient. Par la création de ces limites, on va favoriser la reprise d'échanges relationnels, de prises de contact entre le sujet et les autres, sans que ceux-ci ne soient vécus comme intrusifs, menaçants pour son identité. La vie en collectivité et les ateliers de groupe vont permettre d'offrir un espace nouveau où peuvent se nouer des relations, dont le sujet a besoin. Mais ce faisant d'une manière tolérable pour lui.

La prise en charge psychomotrice en groupe va pouvoir créer ces conditions d'une relation possible, notamment en introduisant des médiations, qui rendent justement tolérables ces interactions. L'atelier « médiation cheval » par exemple, permet d'aborder cette problématique relationnelle, tant dans les échanges humains (avec les autres résidents, les professionnels), que dans les échanges avec l'animal. L'alternance de travaux individuels où chaque résident a son propre cheval et de travaux de groupe avec un seul cheval permet une entrée dans la relation progressive, qui peut s'avérer plus facile avec le contact animal. Le cheval peut aussi servir de tiers dans la relation interindividuelle. (Cf. Partie 3.1. La médiation).

Par ailleurs, un des intérêts d'une prise en charge en psychomotricité est de proposer un espace individuel, dans une enveloppe groupale. Le thérapeute invite le sujet à se recentrer sur lui, sur ses vécus, ses sensations et ses perceptions, sans être sous les effets de la drogue.

Au sein de l'atelier relaxation notamment, le sujet est amené à prêter de nouveau attention à son corps, à se mettre à l'écoute des sensations corporelles qui le traversent. En faisant référence à la définition du mot « relaxation », il est intéressant de faire le lien avec la problématique corporelle du sujet addict. En effet, initialement le terme « relaxation » signifiait « pardonner ». De plus, cette signification perdure dans l'expression juridique « relaxer », qui signifie en fait « remettre en liberté ». Souvenons-nous de l'étymologie du terme « addiction » qui fait référence à un assujettissement à la substance, une sorte d'esclavagisme qui aliène corps et esprit à l'objet.

Ainsi, la relaxation, en référence à ces étymologies, pourrait permettre la libération du corps du sujet de cet assujettissement aux produits psycho-actifs.

En outre, la relaxation n'est pas seulement centrée sur l'aspect corporel et somatique. En effet, en passant par un travail corporel, la relaxation vient mobiliser le psychisme. Par la

recherche d'une détente corporelle, le sujet peut tendre vers une détente psychique, un apaisement des tensions psychiques. Michel nous fait part de son vécu lors d'une séance de relaxation : « J'ai tout lâché, je me sens reposé, lourd. Mais aussi dans ma tête, je me suis vidé de mes pensées négatives ». P. BRENOT explique que le corps humain n'est pas seulement constitué d'organes, il est également composé d'une structure psychique, qui produit des symptômes, des signes, des émotions. Il ajoute en ce sens que « la relaxation n'est pas un simple exercice physique, elle est une mobilisation de l'esprit, une ouverture sur l'appareil psychique qui peut permettre sa compréhension et participer d'autant mieux à son équilibre qu'elle engage aussi par le corps ». En psychomotricité, on passe par un travail corporel pour venir mobiliser le psychisme.

Enfin, ce travail de relaxation proposé aux résidents est plutôt qualifié de conscience

corporelle : ils sont invités à constater, observer ce qu'il se passe dans leur corps à l'instant

présent, en fonction de leur état émotionnel du moment. On les accompagne dans leur ressenti et leur vécu, en essayant de les amener à sentir comment certaines émotions ou états se traduisent dans leur corps.

Proposer cet atelier en groupe permet de porter et soutenir les résidents dans leurs ressentis. C. BERTIN s'intéresse à deux dynamiques dont l'enfant a besoin dans son développement, comparables à deux dynamiques caractéristiques du groupe :

Une dynamique de soutien : dans un groupe les membres doivent se sentir écoutés,

reçus et soutenus.

Une dynamique d'appui : elle permet aux individus au sein d'un groupe de venir

livrer, déposer leurs vécus internes tout en s'appuyant sur cet espace de groupe, pour ensuite « aller vers ». Ceci permet d'aller vers la découverte, l'expérimentation.

Malgré ces aspects du groupe pouvant porter et soutenir le sujet dans son évolution, j'ai pu observer, durant mon stage, certaines limites que présentent parfois le groupe auprès de cette population.