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La place de la nutrition dans les organisations médicales internationales établies en

Chapitre I. Le développement et la popularisation des connaissances nutritionnelles au début

1.4 La place de la nutrition dans les organisations médicales internationales établies en

Bien que l’impact des découvertes en matière de nutrition se fait sentir en Chine dans les premières décennies du XXe siècle, les bases médicales et scientifiques sur lesquelles elles

reposent ont fait leur apparition sur le territoire chinois plusieurs décennies plus tôt. En effet, l’introduction de la médecine occidentale en Chine s’est amorcée à la fin de la dynastie Ming au XIXe siècle, alors qu’une deuxième vague de missionnaires, faite essentiellement de

médecins protestants, réussissait à gagner la confiance des Chinois grâce à l’offre de traitements gratuits. Avec l’entrée des Occidentaux après la défaite de la deuxième guerre d’opium en 1860, comme l’a soutenu Kim Girouard, « les Occidentaux souhaitaient progressivement propager leur influence en Chine à l’aide de moyen qualifiés de pacifiques, notamment en séduisant les Chinois par la médecine, les sciences et la technologie, justement quelques-unes des clés nécessaires à la modernisation du pays80». Leurs activités se

manifestèrent principalement dans les domaines de la santé publique –construction de système d’égouts, approvisionnement en eau potable- et la mise en place de structures de santé, en particulier via la fondation d’hôpitaux et d’instituts de recherche médicale. Parmi eux on retrouve les hôpitaux et instituts investis et dirigés par la Fondation Rockefeller (FR) et l’Institut Henry Lester.

Au début du XXe siècle, la FR s’est servie des gigantesques profits pétroliers de John D.

Rockefeller pour se garantir un rôle de premier plan dans le domaine de la santé internationale. À partir de 1913, la famille Rockefeller concentra ses efforts philanthropiques dans les sphères de la santé, de la médecine et de l’éducation. Durant les quatre prochaines décennies la FR allait dominer la santé internationale. Elle a aussi fondé 25 écoles de santé publique dans le monde et fourni des bourses d’études à 2 500 professionnels de la santé publique afin de leur

80 Kim Girouard, « Médicaliser la maternité en Chine du Sud: l’exemple des postes médicaux consulaires français, 1898-1938 », mémoire de maîtrise en histoire, Université de Montréal, 2011, p.18.

permettre de poursuivre des études supérieures, principalement aux États-Unis81, y compris des

plusieurs médecins chinois travaillaient dans le PUMC et se consacrer dans la recherche de la nutrition comme Wu Xian. En tant que principal contributeur financier et maître d’œuvre de la modernisation du champ de la santé publique en Chine, la Fondation, une organisation philanthropique laïque, est un autre acteur important du développement des connaissances nutritionnelles modernes en Chine.

À la suite de la commission d’enquête menée par la FR en 1914 sur l’état d’avancement de la médecine scientifique en Chine, un certain nombre d’hôpitaux, d’instituts de recherche et d’enseignement biomédical se modernisent ou apparaissent à Beijing, Shanghai et Guangzhou et deviennent des chefs de file en la matière au pays. Les activités de la FR, qui comprennent le financement de divers projets de recherche à la jonction de la médecine et de la nutrition, ont sans contredit influencé le développement de la santé publique en Chine et, à travers ce développement, la transmission des nouvelles connaissances nutritionnelles82. La Fondation a

consacré des fonds et du personnel à la prévention et à la guérison des maladies en Chine, un objectif qui devait passer par l’amélioration de l’hygiène et de l’alimentation de la population chinoise.

À l’instar de la FR, l’Institut Henry Lester de Shanghai allait sans contredit devenir l’une des principales courroies de transmission en Chine pour les plus récentes découvertes dans le domaine de la nutrition. Établi au sein du premier hôpital occidental de Shanghai, le Lester Hospital, anciennement le London Mission Hospital (renji yiguan 仁济医馆) fondé en 1846 par le médecin missionnaire anglais William Lockhart83, cette institution philanthropique à

caractère confessionnel a fait une place importante à la recherche nutritionnelle. Composé de

81 Marcos Cueto, Missionaries of Science: The Rockefeller Foundation and Latin America, Bloomington, IN., Indiana University Press, 1994, p. 90.

82 Yip, Health and National Reconstruction in Nationalist China, p. 25. 83 Fu, « Council on Public Health », p. 124.

trois divisions (recherche clinique, science physiologique et science pathologique84), il est

considéré comme l’un des plus importants acteurs de la recherche nutritionnelle pendant les années 1930 et 194085. Même entre 1937 et 1941, lorsque l’institut doit limiter ses activités en

raison de la guerre, les études sur la nutrition représentent la majeure partie de ses programmes de recherche.

Au cours des années 1920 et 1930, un autre type d’organisation internationale, l’Organisation de l’hygiène de la Société des Nations (intégrée à l’Organisation mondiale de la santé, l’OMS en 1948), a également commencé à jouer un rôle critique dans la promotion et le développement de nouvelles normes nutritionnelles en Chine. Elle a notamment élaboré des mesures précises pour continuer d’améliorer l’hygiène et la santé de la population chinoise, des mesures basées notamment sur une augmentation de la qualité du régime alimentaire86. À la

suite de conférences qu’elle organise à Londres en juin 1931 et 1934, l’Organisation de l’hygiène de la SDN recommande pour la population chinoise une augmentation de la consommation de protéines, surtout de soya, et, en se basant sur les seuils minimaux de consommation d’unités vitaminiques (A, B1, C et D) adoptés lors des conférences, met l’accent sur un plus grand apport en vitamines87.

Sans contredit, ces organisations internationales ont joué un rôle déterminant dans le développement et la transmission des connaissances nutritionnelles modernes dans les grandes villes chinoises lors de la période nationaliste. En même temps, c’est avec le retour au pays de nutritionnistes et de diététiciens chinois ayant obtenu leurs diplômes à l’étranger que le champ se développe plus avant. Travaillant dans les universités et les instituts professionnels du genre du PUMC et de l’Institut Henry Lester, cette nouvelle génération de techniciens, de chercheurs

84 L'institut Henry Lester of Medical Research, Annual Report 1937-1938, Shanghai, 1939 et Fu., society’s

Laboratories,p. 160.

85 Fu, Society's Laboratories, p. 185-186.

86 Paul Weindling, « International Health Organizations and Movements, 1918–1939 », Cambridge Studies in the

History of Medicine, Cambridge, Cambridge University Press, 1995, p. 134-153.

et de médecins chinois est désormais bien positionnée pour contribuer activement à l’échange international et à la production de connaissances en nutrition.

1.5 Les recherches sur la nutrition dans les grandes villes