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c) La place du maître et la jouissance de l’hystérique

Dans le document tel-00651477, version 1 - 13 Dec 2011 (Page 63-68)

Dora l‟hystérique ne fait pas la femme, mais elle est « captivée par elle en tant qu‟elle croit que la femme est celle qui sait ce qu‟il faut pour la jouissance de l‟homme. »

« L‟hystérique fait l‟homme qui supposerait la femme savoir »112.

La femme se soutient du Phallus mais son horizon est l‟ensemble vide, c'est-à-dire le corps vidé de la jouissance. Il semble que ce soit « celle qui se satisfait de la jouissance de l‟homme », c'est-à-dire de la jouissance phallique par procuration.

Dans le séminaire XVII, Lacan s‟interroge sur les rapports du discours à la jouissance.

Le père du symbolique, c‟est l‟ancien géniteur. Même s‟il est impuissant comme celui de Dora. C‟est une affectation symbolique. « Ce rôle-maître dans le discours de l‟hystérique »113. C‟est le père idéalisé qui permet de soutenir le rapport de l‟hystérique à la femme.

M. K. convient à Dora parce qu‟il est porteur de l‟organe. « Certes, c‟est l‟organe qui fait son prix, mais pas pour que Dora en fasse son bonheur, si je puis dire Ŕ pour qu‟une autre l‟en prive. »114 C‟est de l‟enveloppe dont jouit Dora, ce qui se révèle par le rêve de la boîte à bijoux.

Mme K. sait soutenir le désir du père idéalisé. Lacan fait de l‟exclusion de Dora de la jouissance au père idéalisé et à la femme (Mme K.), qui soutient le désir du père, une identification à la jouissance du maître. Dora récupère un savoir sur la jouissance (par le couple K.), un-plus-que-jouir qui nécessite, pour y accéder, une exclusion de la jouissance phallique. « … quand M. K. lui dit Ŕ Ma femme n‟est rien pour moi. Il est très vrai qu‟à ce moment-là, la jouissance de l‟Autre s‟offre à elle, et elle n‟en veut pas, parce que ce qu‟elle veut, c‟est le savoir comme moyen de la jouissance, mais pour le faire servir à la vérité, à la vérité du maître qu‟elle incarne, en tant que Dora. »115

112 Lacan J. Séminaire XVI. p. 387.

113 Lacan J. S XVII (p.79 Ŕ 95 et 99 - 113) : Le champ lacanien. p. 108.

114 Lacan J. op. cit. p. 109.

115 Lacan J. op. cit. p. 110.

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Maintenant Dora s‟identifie au maître et, dans le second rêve, elle substitue au père mort, un dictionnaire. Ce livre lui permet d‟accéder à un savoir sur le sexe, même après la mort du père Ŕ ce qui produit « un savoir sur la vérité ».Vérité étalée par Dora au grand jour des rapports entre son père et Mme K., ainsi que les siens avec M. K. Vérité mise aux yeux de tous et que les autres veulent cacher.

Lacan nous indique que l‟hystérique (Dora en l‟occurrence) révèle, met à nu le discours du maître : castration du père idéalisé, donc du maître et exclusion du sujet de la jouissance Ŕ le maître ne récupérant que le plus-que-jouir.

Dora mime le maître pour faire surgir la vérité de la situation. Elle lève le voile sur la circulation de la jouissance phallique entre les protagonistes et elle jouit de ce dévoilement.

Les symptômes servent la mise en scène (la toux = rapport génito-buccal, la sensation de pression sur la cage thoracique = la présence du pénis de M. K. et de la jouissance phallique, la gifle = passage à l‟acte du refus de la jouissance phallique), c‟est la vérité de la situation mise en forme par la structure de Dora, passée au filtre de sa « subjectivité », c'est-à-dire, passée par la structure hystérique : il s‟agit de faire accoucher la situation de sa vérité.

Les symptômes somatiques, le passage à l‟acte portent la marque des représentations imaginaires que fait Dora dans son rapport à la sexualité. Mais ces représentations se soutiennent de son rapport structurel au refus de la jouissance phallique (dégoût, refus). Le corps devient lieu d‟expression de la structure dans son rapport au phallus. Mais plus encore, le corps devient lieu d‟expression de la structure déterminée par le discours, c'est-à-dire lieu du mode de traitement de la jouissance. Les symptômes corporels deviennent expressions de la prise dans le discours.

Ce qui est étrange ici, c‟est le lien entre le discours du maître et la structure hystérique : comme s‟il y avait là, une accointance particulière, une convergence d‟intérêts : l‟hystérique castre le maître et celui-ci récupère un-plus-que-jouir.

Avec le mythe du complexe d‟œdipe et celui du père de la horde, il s‟agit de dissimuler que, dans le champ du discours du maître, le père est castré116.

Le discours de l‟hystérique révèle la structure du discours du maître. Celui-ci de par sa structure voile, masque la division du sujet. Ceci n‟empêche pas un(e) hystérique de se

d) La sexuation

Guy Le Gaufey indique l‟analogie entre la lettre lacanienne et la trace freudienne. La lettre lacanienne est cet élément insécable, irréductible du symbolique, sorte d‟atome qui peut être comparé au phonème. La trace freudienne ne s‟efface pas, elle est remaniée et plus ou moins accessible118. L‟identification de l‟hystérique à cet au-delà phallique amène Lacan à écrire les formules de la sexuation. Sur les traces de l‟auteur, suivons la construction lacanienne du tableau de la sexuation :

- 17 février 1971 : Lacan différencie tout-homme et toute-femme y‟a pas

- 17 mars 1971 : Première formule du carré logique : x.x (a = universelle affirmative) ; x.x (i = particulière affirmative) ; x.x (e = universelle négative) ; x.x (o = particulière négative)

Ci-dessous rappelons la structure du carré logique d‟Apulée : Incompatibilité ()

a (x.x) e (x.x)

conditionnel () disjonction exclusive (w) conditionnel ()

i (x.x) o (x.x)

Disjonction inclusive (v)

- 19 mai 1971 : x.x devient x.x ; Nous passons de l‟universelle négative : tout x ne se réfère pas à la fonction phallique, le groupe femme devient un groupe non soumis à la castration (ce qui ramènerait à un binaire imaginaire homme phallique / femme non phallique) au pas-tout qui indique que pas-tout du sujet n‟est soumis à la castration, quelque chose y échappe (le dit féminin justement).

Ici s‟expose le souci de Lacan de sortir du dualisme imaginaire homme/femme basé sur la différence anatomique des sexes. Il s‟agit de montrer par le pas-tout,

118 Le Gaufey G. Le pastout de Lacan. Consistance logique, conséquences cliniques. EPEL, 2006).

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qu‟une part non quantifiable du sujet divisé par le signifiant, échappe à la castration, au symbolique.

- Lacan, par son arrangement des formules, s‟éloigne d‟une part de l‟imaginaire mais aussi du discours de la logique. On peut l‟interpréter comme voulant rendre compte d‟une autre logique qui échappe au discours de la science (de la logique standard). Il semble que c‟est l‟hystérique qui oriente vers ce discours en s‟interrogeant sur ce qu‟est la femme. Lacan reprend cette question et la formule, c‟est le cas de le dire, dans le tableau de la sexuation dans la division du La barré femme entre S(A barré) (le hors signifiant) et la fonction phallique du langage.

D‟autre part, en s‟identifiant à la femme, l‟hystérique fait semblant d‟objet a et va séduire l‟obsessionnel pris dans la mortification, du fait du langage et du ratage de l‟objet. Cycle que répète indéfiniment l‟obsessionnel dans le mirage qui le tient d‟attraper l‟objet. Mais chaque fois il tombe sur le phallus au lieu de l‟objet qui le renvoie à son incomplétude.

- On peut très bien imaginer que cette division sexuée est inhérente à chaque sujet, pris par le langage en partie seulement, une part y échappe. Cette division induit que chaque sujet peut prendre des positions obsessionnelles ou hystériques qui ne sont finalement que des positions par rapport au phallus.

Le fantasme de l‟obsessionnel s‟est de rejoindre La Femme qui n‟existe pas, de rater l‟objet et de recommencer indéfiniment.

L‟hystérique se fait semblant de La Femme comme support de l‟objet a et se divise entre jouissance phallique insatisfaisante (c‟est pas ça) et jouissance Autre hors du savoir, énigmatique, mystérieuse (qui ne peut se dire).

Côté homme (castration) Côté femme (pas-tout)

$ S (A) (Qu‟est-ce que la femme ?)

Fantasme de

Répétition l‟obsessionnel

du fait du langage

et du ratage de l‟objet a

(a=S2 la science = pulsion La Femme

de mort) (Division de l‟hystérique)

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La sexuation, vue ici comme répartition des sexes en fonction du signifiant phallique, est équivalente à la « bisexualité » psychique du sujet, vue comme division entre jouissance phallique et jouissance Autre. C‟est encore la division du sujet par le signifiant : d‟un côté ce qui relève du symbolique et se soutient du phallus, c'est-à-dire le savoir comme construction obsessionnelle par la science relève de la pulsion de mort (le fantasme du tout-savoir) ; et de l‟autre côté ce qui échappe au S2 et pose la question de ce qu‟est la femme c‟est à dire d‟une jouissance Autre qui n‟est pas liée au signifiant (au langage).

Le tableau de la sexuation indique ce qu‟il en est du rapport sexuel dans le symbolique.

Nous pouvons conclure que Freud voyait dans l‟hystérie un conflit psychique résultant d‟un désir contrarié entre l‟amour pour le père et celui pour un homme, entre l‟amour tendre et le désir sexuel. Conflit qui se transforme en symptômes somatiques, par inhibition de certaines fonctions organiques à significations psycho-sexuelles. La théorisation freudienne s‟inscrit dans une certaine vue de la normalité sexuelle en vogue à son époque où la famille est sous la dominance du patriarche.

Lacan, lui, montre que le désir de l‟hystérique vise l‟identification au rien, au S(A barré), à travers la question de ce qu‟est d‟être une femme. Pour ce faire, elle destitue le maître de sa place en s‟appropriant le phallus. Elle se joue du maître et règne à sa place.

Comment, dans le discours actuel, les neurosciences traitent-elles de l‟hystérie et de ses symptômes ? L‟approche neuroscientifique amène-t-elle une vision renouvelée et une meilleure compréhension des symptômes et en particulier des processus en jeux dans la conversion psychosomatique ?

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