• Aucun résultat trouvé

La place de l’intégration sociale au sein des modèles intégratifs

CHAPITRE III : Poids et place de l’intégration sociale étudiante dans les parcours de réussite des

2.2. La place de l’intégration sociale au sein des modèles intégratifs

Depuis le début de notre réflexion, nous nous référons aux différents modèles intégratifs ayant pointé l’importance de l’intégration sociale dans l’explication des parcours étudiants. Il s’agit à présent d’exposer en détail ces différents modèles afin d’entrevoir comment ils envisagent la place occupée par l’intégration sociale dans ces parcours et le rôle joué par cette dernière dans le processus amenant l’étudiant à réussir ou à échouer, mais surtout à persévérer ou à abandonner ses études. Auparavant, il convient d’aborder de manière succincte le principe méthodologique sur lequel reposent ces différents travaux, à savoir les modèles intégratifs également appelés modèles de cheminement.

a. De l’intérêt des modèles intégratifs (modèles de cheminement)

Les recherches ayant tenté d’expliquer l’échec et l’abandon des études dans l’enseignement supérieur sont nombreuses. Le plus souvent, les travaux sur la réussite et la

153

persévérance à l’université se focalisent sur un type de facteur en particulier et en évalue l’effet de manière isolée, cherchant à déterminer quels facteurs sont les plus explicatifs comme le rappellent Neuville et Galand (2013). Au mieux, les recherches intègrent deux ou trois catégories de facteurs. Pour ces auteurs, cette démarche ne rend pas suffisamment compte de la complexité des phénomènes de réussite ou de persévérance, elle permet au mieux d’identifier des facteurs de risque, mais en aucun cas « de constituer un déterminisme absolu » (p. 29). Le recours à des modèles intégratifs, bien qu’assez rarement adopté, paraît nécessaire afin d’expliquer de manière plus précise les processus qui conduisent à la réussite, l’échec ou la persévérance dans les études comme le montrent plusieurs travaux (Meuret et Morlaix, 2006 ; Morlaix et Suchaut, 2007 ; Lambert-Le Mener, 2012 ; Duguet, 2014). En outre, une telle démarche se justifie par le fait que de nombreux facteurs influant sur la réussite sont également liés entre eux, ce qui conduit à se demander si les effets mesurés sont directs ou indirects. Différents modèles suivent ainsi cette logique en s’inscrivant globalement dans le cadre du paradigme « entrée – processus – produit » (Neuville, Frenay et Schmitz, 2013).

Le modèle illustrant parfaitement ce paradigme est le modèle Inputs – Environment – Outputs (I-E-O) d’Astin (1970) qui définit l’influence de variables médiatrices ou intermédiaires entre des variables d’entrée (par exemple les caractéristiques sociodémographiques ou le passé scolaire) et des variables de sortie ou « variables produit » (par exemple les résultats aux examens). En d’autres termes, des variables environnementales vont générer des opportunités variables en termes d’apprentissage qui vont colorer l’expérience universitaire de l’étudiant et ce, quel que soit son bagage d’origine. Les interactions sujet-contexte agissent alors comme médiatrices des variables d’entrée. Deux situations se distinguent dès lors : soit la médiation est complète, autrement dit l’influence des variables d’entrée transite totalement par les variables intermédiaires (cf. figure 5 : flèches A et B), soit les variables d’entrée conservent une influence directe (flèche C), définissant alors une médiation partielle.

154

Figure 5 : Modèle I-E-O d’Astin (1970) (source : http://ojni.org/7_2/thurmond.htm)

Les différents modèles présentés ci-après reposent ainsi sur ce principe, estimant que certains facteurs agissent directement et/ou indirectement sur les parcours étudiants.

b. Le modèle de Tinto (1975 ; 1993)

Parmi les modèles intégratifs existants, l’un des principaux modèles intégrant des facteurs interrelationnels ou interactionnels est le modèle de l’intégration académique et sociale de Tinto (1975 ; 1993), que nous avons déjà mentionné à de multiples reprises. Dans ce modèle (cf. figure 6), les variables d’entrée sont composées du passé scolaire, de l’origine familiale et des caractéristiques personnelles (genre, âge, etc.), les variables intermédiaires renvoient quant à elle aux engagements de l’étudiant, aux expériences institutionnelles et à l’intégration académique et sociale, le modèle visant en définitive à expliquer les comportements d’abandon et de persévérance. Les variables personnelles à l’entrée à l’université définissent les buts et les engagements de l’étudiant (projets d’études et investissement académique), ceux-ci déterminent les expériences institutionnelles tant au niveau académique (rendement scolaire et interactions avec les personnels universitaires) qu’au niveau social (activités extrascolaires et interactions avec les étudiants), et ces expériences conduisent à différents degrés d’intégration académique et sociale.

Rappelons qu’ici la notion d’intégration sociale renvoie à la satisfaction de l’étudiant vis-à-vis des relations et interactions sociales, soit la dimension subjective de ce facteur, les interactions constituant la dimension fonctionnelle étant prises en compte dans les expériences institutionnelles. L’intégration académique agrège quant à elle la satisfaction de l’étudiant vis-à-vis des enseignements et des rapports entretenus avec les enseignants, mais aussi le degré d’adéquation entre le niveau de l’étudiant et les exigences académiques de

155

l’institution. Ici donc, la dimension fonctionnelle de l’intégration sociale agit comme un déterminant de la dimension subjective. Un degré élevé d’intégration sociale signifie alors que l’étudiant se sent bien intégré socialement. C’est d’ailleurs ce degré d’intégration qui agit sur les buts et les engagements de l’étudiant, en les maintenant ou en les modifiant, et en définitive sur sa décision d’abandonner ou non les études.

Dans le modèle de Tinto, auquel ont été ajoutés par la suite les effets des engagements externes (l’exercice d’une activité rémunérée notamment), la médiation entre les variables d’entrée et la variable de sortie est principalement complète (cf. figure 6), si ce n’est que les buts et engagements initiaux déterminent toujours les buts et engagements finaux quelle que soit l’expérience institutionnelle. En fait, les engagements institutionnels de l’étudiant à l’entrée à l’université médiatisent totalement les caractéristiques individuelles (bagage scolaire, origine sociale, caractéristiques), et les engagements finaux sont partiellement médiatisés par les expériences académique et sociale vécues par l’étudiant au sein du système, et agissent en définitive de manière directe sur la persévérance dans les études.

Figure 6 : Modèle de Tinto (1993) (source : Sauvé et al. (2006))

c. Le modèle de Cabrera et al. (1992)

Le modèle de Cabrera et al. (1992) poursuit directement celui de Tinto en incorporant des éléments issus d’un autre modèle, celui de Bean et Metzner (1985), dans lequel sont

156

davantage pris en compte les facteurs environnementaux tels que l’encouragement de l’entourage et la situation financière, répondant ainsi aux critiques faites à Tinto relativement aux engagements externes. Dans la théorie initiale de Bean, ces indicateurs sont utilisés afin de classifier les étudiants selon deux types : des étudiants dits « traditionnels » qui sont des jeunes en formation initiale sans activité salariée ni responsabilité familiale, et les étudiants « non traditionnels » qui à l’inverse peuvent être en formation continue, avoir un emploi et être mariés ou encore parents. C’est à partir de cette classification que les comportements de l’étudiant sont expliqués. Sans reprendre cette classification ni la méthodologie de Bean, Cabrera et al. (1992) intègrent néanmoins ces indicateurs au sein de leur modèle intégratif (cf. figure 7) mais en imaginant cependant qu’ils n’influent que sur l’intégration académique et non sur l’intégration sociale. Dans ce modèle donc, l’intégration sociale, toujours appréhendée en tant que sentiment de satisfaction vis-à-vis de l’intégration, influe significativement sur l’intégration académique, entendue comme le sentiment d’être affilié institutionnellement, et inversement, ces deux variables influant sur les engagements institutionnels de l’étudiant, autrement dit son investissement académique. Par ailleurs, l’intégration sociale agit sur l’engagement dans les buts de l’étudiant, c’est-à-dire qu’elle influe sur la « force » du projet académique de l’étudiant. En d’autres termes, un degré d’intégration sociale élevé permettrait la persistance du projet de l’étudiant. Ce sont ensuite ces engagements institutionnels et « vocationnels » qui influent sur l’intention de persévérer, elle-même déterminante de la persévérance effective, qui subit par ailleurs l’effet des notes obtenues durant l’année (GPA : Grade Point Average).

157

Figure 7 : Modèle de Cabrera et al. (1992) (source : Schmitz et al. (2010))

d. Le modèle de Pascarella (1985)

Le modèle de Pascarella (1985) peut lui aussi être vu comme un prolongement du modèle de l’intégration de Tinto à cette nuance près qu’il accorde davantage d’importance aux caractéristiques du contexte de formation, notamment dans sa structure. De plus, à l’image du modèle de Cabrera et al. (1992), le modèle de Pascarella envisage davantage les effets directs et indirects de certains groupes de variables. Ici (cf. figure 8), les caractéristiques de l’étudiant (bagage familial et scolaire mais aussi ses traits de personnalité) interagissent avec les caractéristiques structurelles de l’institution pour créer un environnement d’apprentissage ; celui-ci détermine ensuite les interactions de l’étudiant avec les autres étudiants et les personnels, ces interactions étant également affectées directement par les variables individuelles et les caractéristiques structurelles de l’institution. Ensuite, les interactions associées à l’environnement d’apprentissage vont agir sur l’investissement de l’étudiant qui in fine détermine son développement et ses apprentissages. Il est à noter que les caractéristiques individuelles de l’étudiant ainsi que les interactions agissent également de manière directe sur le développement et l’apprentissage de l’étudiant. Ainsi, aucune médiation complète n’est ici considérée.

158

Il est par ailleurs intéressant de noter qu’à la différence des précédents modèles, seule la dimension fonctionnelle de l’intégration sociale est ici envisagée, celle-ci agissant à la fois sur l’engagement de l’étudiant mais aussi de manière directe sur le développement et les apprentissages, ce qui rappelle les travaux prétextant que les interactions entre étudiants favorisent l’acquisition des savoirs (Filisetti et Wentzel, 2006 ; Coulon et Paivandi, 2008 ; Duclos, 2011). Mais encore, ce modèle se distingue également, voire surtout, quant au fait qu’il ne vise pas l’explication de la persévérance dans les études mais bien de la « réussite » ou du moins de l’acquisition des connaissances et compétences attendues pour réussir.

Figure 8 : Modèle de Pascarella (1985) (source : Neuville (2013))

e. Le modèle de Berger et Milem (1999)

Le modèle de Berger et Milem (1999) revisite légèrement celui de Tinto en introduisant par la même occasion une mesure effective de la persévérance dans les études, appréhendée par le fait de se réinscrire la rentrée suivante, là où le modèle de Tinto se contentait de mesurer l’intention de persévérer des étudiants.

159

Pour ces auteurs, la persévérance dans les études peut être vue comme le produit final de l’interaction continue, tant en termes de comportements observables que de perceptions subjectives, entre l’étudiant et l’environnement universitaire. Dans leur modèle explicatif de la persévérance universitaire (cf. figure 9), le niveau d’engagement initial (IC1), correspondant à la place attribuée à l’établissement fréquenté dans les choix d’orientation de l’étudiant, influe sur les comportements (l’implication dans les relations avec les pairs et avec les personnels universitaires) et sur les perceptions du soutien obtenu via ces implications. L’implication et la perception déterminent alors l’intégration sociale et l’intégration académique, vues comme étant la satisfaction vis-à-vis des relations interpersonnelles (relations amicales, possibilités d’interactions à l’université, influence positive sur le développement personnel et intellectuel, sur les attitudes ou les choix de carrière), de l’expérience universitaire (influence positive sur le développement intellectuel et personnel) et du comportement des enseignants (intéressés et compréhensifs envers les étudiants, soucieux d’aider les étudiants). Le niveau d’intégration sociale et académique détermine ainsi le niveau d’engagement final (IC2) qui renvoie au degré de congruence entre l’étudiant et son établissement (importance accordée à l’obtention d’un diplôme dans l’établissement et sentiment d’être à sa place et d’avoir choisi le bon établissement) et c’est cet engagement final qui détermine la persévérance dans les études.

Figure 9 : Modèle de Berger et Milem (1999) (source : Berger et Milem (1999))

Note : IC1 (Institutional Commitment 1) = engagement institutionnel au temps 1 ; IC2 (Institutional

160

f. Le modèle de Schmitz et Frenay (2013)

Les trois modèles que nous venons de voir découlent du modèle de Tinto et en reprennent plusieurs aspects. Ils nuancent toutefois les effets médiateurs de certaines variables en envisageant davantage les effets directs et indirects de certains facteurs. Egalement inspiré de Tinto, le modèle établi par Schmitz et Frenay (2013) (cf. figure 10) corrobore l’impact de l’intégration sociale sur l’intention de persévérer en relevant un effet plus fort de cette dernière que des efforts académiques consentis par l’étudiant, c’est-à-dire son investissement studieux. Ces efforts sont quant à eux déterminés par le passé scolaire mais pas par l’intégration sociale, celle-ci renvoyant comme chez Tinto à une mesure de satisfaction rendant compte du sentiment d’intégration de l’étudiant, et ils subissent les effets du ressenti vis-à-vis des expériences en cours. Enfin, la motivation appréhendée par le sentiment d’efficacité personnelle agit de manière directe sur l’intention de persévérer et de manière indirecte en transitant par l’intégration sociale, relevant ainsi l’effet de la confiance en soi sur la valeur perçue de l’intégration sociale.

Par ailleurs, ce modèle révèle que l’intégration sociale agit à la fois de manière directe sur l’intention de persévérer mais également de manière indirecte ou médiatisée par le biais de l’ajustement émotionnel : une meilleure intégration améliorerait l’état émotionnel des étudiants ce qui favoriserait leur poursuite d’études. Pour les auteures, l’ajustement émotionnel est un domaine aussi important à considérer que l’ajustement social et l’ajustement académique quand il s’agit d’expliquer la persévérance à l’université. L’ajustement émotionnel peut se définir comme étant « la manière dont l’étudiant fait face aux situations stressantes et aux émotions négatives » (p. 86) relatives à l’expérience universitaire. Ainsi, un degré de satisfaction élevé quant aux interactions sociales et un sentiment d’intégration élevé semblent constituer une forme de soutien émotionnel qui réduit le risque chez l’étudiant de vouloir abandonner ses études.

Notons enfin la présence dans ce modèle des attentes sociales et du soutien social apporté par les pairs, un autre élément de la dimension subjective de l’intégration sociale étudiante telle que nous l’avons définie, et la place qu’y occupent ces facteurs. Dans ce modèle, les attentes sociales qui renvoient à ce que nous avons identifié comme les besoins en termes de sociabilité exprimés par les étudiants, influent sur le soutien apporté mais pas sur la satisfaction et le sentiment d’intégration qui sont quant à eux fortement déterminés par

161

le soutien reçu. Le lien très fort par ailleurs relevé entre ces deux éléments corrobore notre intuition de considérer qu’il s’agit là de deux composantes d’un même construit.

Figure 10 : Modèle de Schmitz et Frenay (2013) (source : Schmitz et Frenay (2013))

g. Le modèle de Neuville et al. (2013)

Neuville et al. (2013) ont également imaginé un modèle visant cette fois-ci à expliquer les performances des étudiants, à savoir la moyenne des notes obtenues, et compilant les apports du modèle de l’intégration de Tinto avec ceux du modèle de l’« expectancy-value » d’Eccles et Wigfield (2002) relatif à la motivation. On retrouve ainsi dans ce modèle (cf. figure 11) les concepts d’intégration sociale et académique tels que définis par Tinto à ceci près que l’intégration académique renvoie ici à « la perception qu’ont les étudiants du souci que les enseignants se font à leur égard » dissociant ainsi le sentiment d’appartenance institutionnelle qui est néanmoins déterminé par l’intégration. L’intégration sociale et l’intégration académique déterminent en outre l’intention de persévérer et l’engagement académique (assiduité et temps de travail personnel). La dynamique motivationnelle est quant à elle retranscrite par la probabilité de réussite estimée par l’étudiant et par la valeur perçue des apprentissages académiques, ces deux facteurs déterminant l’engagement académique de l’étudiant. Enfin, l’engagement académique,

162

l’intention de persévérer ainsi que le sentiment d’appartenance institutionnelle s’ajoutent au passé scolaire pour déterminer les performances académiques de l’étudiant.

Notons par ailleurs qu’à l’intérieur de ce modèle, l’intégration sociale (sa dimension subjective) est influencée par d’autres variables : le niveau d’études de la mère, le passé scolaire ainsi que la certitude par rapport au choix d’études. Bien que la dimension fonctionnelle de l’intégration sociale n’apparaisse pas ici, on peut supposer que c’est à travers elle que s’exerce l’influence de ces variables personnelles relatives à l’étudiant. En effet, le niveau d’études de la mère, qui constitue un indicateur de l’origine sociale de l’étudiant, ainsi que le passé scolaire et le rapport aux études peuvent être entendus comme des indicateurs influant sur le niveau d’engagement de l’étudiant dans la sociabilité étudiante, puisque définissant les besoins et ressources en matière de sociabilité comme nous avons pu le mentionner plus avant (cf. chapitre II).

Figure 11 : Modèle de Neuville et al. (2013) (source : Neuville et al. (2013))

Note : NIVETUM = niveau d’études de la mère ; POURSEC = pourcentage en dernière année du secondaire ; CERCHOIX = certitude par rapport au choix d’études ; INTSOC = intégration sociale ; INTACA = intégration académique ; PROBREU1 = probabilité de réussite au temps 1 ; PROBREU2 = probabilité de réussite au temps 2 ; VALEUR = perceptions de valeur ; INTPERSIS = intention de persévérer ; APPINST = sentiment d’appartenance institutionnelle ; ENGACA = engagement académique ; PERF = performance

163

Ces différents modèles présentent l’avantage de chercher ce qui, dans l’interaction individu-contexte, détermine ses comportements et son évolution. Si le modèle de Tinto (1975, 1993) a été maintes fois validé, il demeure que la complexité des liens entre les différentes variables, en dissociant des effets directs et indirects entre elles, n’est pas mis en lumière. Si les modèles de Cabrera et al. (1992) ou encore de Pascarella (1985) corrigent cette lacune, ils ne précisent pas forcément ce qui relève des expériences vécues en cours ou bien des déterminants externes. Plus poussés, les modèles de Schmitz et Frenay (2013) et de Neuville et al. (2013) apportent des compléments quant aux médiations pouvant résider entre les différents facteurs. Mais ces modèles excluent d’autres types de variables, notamment celles relevant du contexte de formation ou des conditions d’études. De plus, la plupart de ces modèles cherchent à expliquer une intention de persévérer et rarement une persévérance effective. D’autant que les notions d’abandon ou de persévérance dans les études supérieures sont problématiques en de nombreux points, un abandon pouvant aboutir à une réinscription dans d’autres formations ou dans d’autres établissements l’année suivante, les trajectoires étudiantes n’étant en effet pas linéaires (Bodin et Millet, 2011). Encore moins souvent, les modèles présentés cherchent à expliquer la réussite effective ou les notes obtenues par les étudiants qui constituent pourtant une autre facette de la réussite.

Au final, les différents travaux mobilisés plaident bien en faveur d’un effet important de l’intégration sociale étudiante sur les parcours des étudiants, en termes de persévérance ou de réussite, du moins de ses dimensions fonctionnelle et subjective. Cette littérature conduit en effet à considérer qu’il s’agit là d’un type de facteur influent, qui plus est lié à d’autres indicateurs également reconnus comme déterminants. Le recours aux modèles intégratifs dont se sont saisis plusieurs auteurs apportent en outre des informations importantes quant à la compréhension de l’effet des facteurs interactionnels et relationnels dans le processus menant vers la persévérance et/ou la réussite. En effet, il apparaît que l’intégration sociale étudiante est un facteur particulièrement influent de l’engagement de l’étudiant (Pascarella, 1985 ; Cabrera et al., 1992 ; Tinto, 1993 ; Berger et Milem, 1999). Se sentir bien intégré socialement à la population étudiante permettrait ainsi de maintenir les engagements institutionnels et vocationnels de l’étudiant, bien que ceux-ci dépendent également de l’intégration académique renvoyant, selon les cas, à l’implication dans les interactions avec les enseignants, à un sentiment d’appartenance institutionnel, à une satisfaction vis-à-vis des études et des rapports

164

avec les enseignants, voire au degré de congruence entre le niveau de l’étudiant et le niveau attendu par l’institution. Mais il demeure que l’intégration sociale est une condition de l’affiliation de l’étudiant au monde universitaire qui constitue un prérequis à la réussite (Coulon, 1997).

Plus encore, il apparaît que l’intégration sociale étudiante agit de manière indirecte sur la persévérance et la réussite en ce qu’elle permet pour les étudiants l’ajustement émotionnel (Schmitz et Frenay, 2013) et l’ajustement académique (Pascarella, 1985 ; Boyer et Sedlacek, 1987 ; Neuville et al., 2013). En effet, disposer d’un réseau social étudiant permet l’obtention d’un soutien social qui régule l’état émotionnel des étudiants. Le stress, la fatigue, la nervosité ou encore les troubles du sommeil caractérisent en effet l’expérience étudiante pour certains, notamment en 1ère année de par les ruptures opérées avec le secondaire (Tremblay et al., 2006) mais pas seulement, les étudiants rencontrant des difficultés financières ou encore ceux qui sont contraints de cumuler leurs études avec une activité salariée peuvent également présenter un état émotionnel fragilisé (Béduwé et al., 2016), indépendamment du stress émanant directement des études notamment en période d’examens. Le soutien social reçu, le

Documents relatifs