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Les conditions de vie et d’études : reflet de facteurs socioéconomiques discriminants discriminants

2. Les conditions de l’intégration sociale étudiante : quelles opportunités, quelles contraintes ? quelles contraintes ?

2.2. Les conditions de vie et d’études : reflet de facteurs socioéconomiques discriminants discriminants

Nous venons de voir que les conditions d’études internes, c’est-à-dire celles relevant du cadre institutionnel, pouvaient être abordées comme des facteurs favorisant ou réduisant les opportunités d’intégration sociale étudiante. Il apparaît en outre que ces conditions de formation dépendent de caractéristiques socioéconomiques individuelles. Mais en dehors du cadre de formation, il en va de même des conditions d’études externes, autrement dit des conditions socioéconomiques dans lesquelles l’étudiant est placé durant ses études. Selon Bisseret (1968), l’obstacle le plus difficile à franchir pour les étudiants n’est pas d’ordre culturel mais d’ordre économique. En effet, si d’un côté les différents cadres institutionnels ainsi que les différentes formations n’offrent pas toutes les mêmes conditions d’apprentissage, les conditions de vie et d’études pour un même environnement d’apprentissage sont également variables d’un étudiant à un autre. Le mode d’hébergement, les ressources financières, le recours à une activité rémunérée et ce qu’elle représente en

21 On peut noter toutefois la mise en place dans les universités françaises d’actions spécifiques visant à

améliorer l’accueil des primo-arrivants notamment dans le cadre du Plan Réussite en Licence en 2008 (Perret, 2015) : ces actions renvoient par exemple à du tutorat lors de la semaine de rentrée universitaire, elles consistent en une visite du campus durant laquelle des informations relatives au fonctionnement de l’université sont transmises aux étudiants répartis en petits groupes. Aucune évaluation de ces actions sur l’intégration sociale des étudiants n’a toutefois été réalisée à notre connaissance.

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termes de contraintes temporelles sont autant d’éléments entrant en lien avec la sociabilité étudiante mais découlant également de caractéristiques socioéconomiques.

a. Le lieu de vie

Il apparaît que les étudiants qui résident dans un logement financé par leurs parents sont ceux qui tirent le plus profit de leur condition étudiante, car moins contraints d’exercer une activité rémunérée et libérés de la surveillance parentale, ils profitent plus que les autres de la liberté étudiante (Clémençon, 1995). En revanche le fait de résider au domicile familial de même que d’être issu de milieux ouvriers diminuent le nombre de sorties des étudiants. En effet, le lieu de résidence des étudiants influe sur leur mode de vie (Erlich, 1998). Ceux qui habitent chez leurs parents durant l’année universitaire dans une ville autre que celle où ils font leurs études sont ceux qui investissent le moins la ville étudiante et les lieux de sociabilité à l’intérieur ou à l’extérieur du campus, leurs loisirs et sorties s’effectuant dans la ville de résidence qui constitue leur lieu de vie premier. Ceux qui résident dans la ville universitaire et qui rentrent au domicile familial se situant dans une autre ville, sont caractéristiques de cette « double vie étudiante » où la ville d’origine maintient le lien avec la famille, les amis d’enfance et constitue un lieu de vie pour les loisirs et la détente, et où la ville universitaire est un lieu d’études et d’une sociabilité étudiante s’établissant notamment autour de sorties nocturnes. A ce titre, être originaire de la capitale ou d’une grande métropole plutôt que d’une petite commune de province réduit cette dualité et constitue un autre facteur discriminant quant à l’intégration.

L’opposition entre étudiants « migrants » et « sédentaires » illustre ainsi le processus d’autonomisation auquel participe la ville universitaire (Erlich, 1998) : simple lieu d’études pour les sédentaires, lieu de sorties nocturnes et de transgressions pour les migrants ou encore lieu de vie principal pour ceux qui ont achevé leur autonomisation. Le placement de l’étudiant le long de ce cycle de vie détermine finalement le recours à la ville universitaire, à la vie étudiante, aux loisirs et pratiques que cette dernière implique, et donc le type de sociabilité et la fonction qui y est associée. Le degré d’autonomisation est souvent utilisé dans les travaux en vue de distinguer différentes catégories d’étudiants, il se réfère à plusieurs indicateurs tels que le mode d’hébergement, l’indépendance financière, le mode de vie ou encore le rapport aux parents.

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b. Le budget

Les enquêtes conduites par l’OVE révèlent un écart vis-à-vis de l’aspect social de la vie étudiante entre des étudiants d’origines socioéconomiques différentes (Gruel et Amrous, 2003). En effet, les étudiants les plus satisfaits de leur rythme de vie et de leur vie sociale sont ceux dont les revenus parentaux sont les plus élevés, ce qui s’explique notamment par le fait que de meilleurs revenus parentaux permettent d’alléger les charges pour l’étudiant, le rendant à la fois plus disponible pour travailler sur ses études mais aussi pour sa vie sociale. Gruel (2009) montre d’ailleurs que les étudiants résidant toujours au domicile familial et dont le budget découle essentiellement des aides parentales sont globalement plus satisfaits de leurs ressources mais aussi qu’ils consacrent une plus grande part de leur budget dans les sorties que les étudiants disposant de leur propre logement et uniquement de leurs propres revenus et qui investissent une grande partie de leur budget dans leur loyer et d’autres dépenses matérielles. Certains étudiants en effet, notamment les plus défavorisés socio-économiquement, sont contraints de faire passer leurs activités extra-universitaires telles que leur activité rémunérée au détriment de leurs études (Erlich, 2000).

c. L’activité rémunérée

En réponse aux critiques portant sur l’identification des sources de l’intégration sociale, Tinto (1993) avait enrichi son modèle des engagements externes, notamment l’exercice d’une activité rémunérée, mais sans les relier directement à l’intégration sociale en imaginant en revanche qu’ils agissent sur les buts et engagements alloués aux études par les étudiants. Plusieurs travaux se sont intéressés à l’impact de l’activité rémunérée parallèle aux études sur les parcours de réussite et de persévérance ainsi que sur l’insertion professionnelle des étudiants. Si des résultats divergents en ressortent (Beffy, Fougère et Maurel, 2009), il apparaît toutefois qu’une activité rémunérée fortement concurrente des études définie comme étant exercée durant l’année universitaire pendant au moins 6 mois, avec une quotité supérieure ou égale à un mi-temps et sans lien avec les études suivies (Gruel, 2002 ; Vourc’h, 2009), représenterait un frein à la réussite. Mais au-delà, qu’en est-il de l’impact du travail salarié sur la sociabilité et les sorties étudiantes ?

Les données recueillies par Erlich (1998) montrent que l’activité rémunérée à temps partiel réduit fortement le temps consacré aux études mais n’affecte pas le temps alloué aux

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loisirs. Ce dernier est même le plus élevé parmi les étudiants qui travaillent le plus, ce qui peut s’expliquer par le revenu d’activité qui peut être géré de façon autonome (Clémençon, 1995). Néanmoins, l’exercice d’un travail rémunéré régulier complique l’organisation du temps et impose une gestion du temps différente. Une enquête récente s’intéressant au cas spécifique de ces étudiants salariés et à leurs conditions d’études éclaire davantage l’impact du travail rémunéré pour ces étudiants (Béduwé et al., 2015) : parmi ceux qui ont cumulé emploi et études, près des deux tiers déclarent avoir diminué leur temps de loisirs, plus de la moitié déclare que le cumul représente une source de stress et près d’un étudiant sur trois indique que cette situation a causé un éloignement voire un isolement vis-à-vis des autres étudiants. Ces impacts négatifs sont d’autant plus reconnus que l’activité rémunérée est récurrente et intensive, ceux qui travaillent depuis plusieurs années et de manière régulière sont ceux qui déplorent le plus ce type d’inconvénients. La comparaison entre les différentes enquêtes menées par l’OVE entre 1997 et 2006 montre par ailleurs que la part allouée aux sorties ainsi que la satisfaction quant aux ressources de ces étudiants indépendants financièrement a fortement chuté durant cette période, et davantage que pour les autres étudiants (Gruel, 2009).

De manière générale, l’activité rémunérée concerne les trois quarts des étudiants français (Zilloniz, 2010) : 27 % des étudiants n’exercent aucune activité rémunérée, 23 % exercent une activité seulement durant l’été, 16 % exercent une activité moins de 3 mois dans l’année, 12 % de 3 à 6 mois et 22 % plus de 6 mois. Les étudiants qui présentent la plus forte probabilité d’exercer une activité concurrente des études, c’est-à-dire au moins à mi-temps et au moins 6 mois par an, sont issus des familles dont les parents sont peu diplômés et aux revenus mensuels faibles, ils habitent dans un logement indépendant, ne sont pas boursiers, vivent en couple et ne perçoivent aucune aide financière de la part de leur famille (Gruel et Tiphaine, 2004). On remarque ainsi que l’origine sociale est un facteur prédominant dans l’explication du recours à l’activité salariée parallèle aux études, mais aussi des conditions d’études en général, qu’il s’agisse du type de logement occupé, des ressources financières disponibles, ou encore de l’attribution d’une bourse. En outre, le type de formation suivie détermine fortement l’organisation de l’emploi du temps des étudiants et donc les possibilités de cumul.

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Le type de formation suivie comme les conditions d’études en dehors de la formation se reflètent ainsi à l’aune des caractéristiques socioéconomiques qui les déterminent. Selon le milieu social dont ils sont issus, les étudiants sont amenés à choisir le type de formation permettant de répondre à la fois aux aspirations vocationnelles, en lien avec un projet qui s’évalue également au regard de la probabilité de réussite estimée par l’étudiant (Dubet, 1996), mais aussi aux contraintes horaires les plus faibles dans le cas où les études doivent être associées à un travail salarié. Sous cet angle, la sociabilité étudiante et de fait l’intégration sociale étudiante apparaissent affectées par de nombreux aspects de la vie étudiante qui se révèlent en outre inter-reliés. Par exemple, le recours à l’activité rémunérée peut être mis en relation avec le mode d’hébergement (Galland, 1995), tous deux dépendants de l’origine sociale et traduisant les moyens financiers disponibles (Clémençon, 1995). L’étudiant qui réside dans un logement financé par les parents, qu’il s’agisse du domicile familial ou d’un logement indépendant, travaille moins et de façon irrégulière, et les revenus engrangés sont une façon d’améliorer le niveau de vie ou de se faire plaisir. A l’opposé, l’étudiant qui réside dans un logement indépendant autofinancé est un salarié régulier travaillant au moins à mi-temps mais dont les revenus servent à assurer un niveau de vie minimal. Quant à l’étudiant résidant en cité universitaire, il travaille moins que les autres car étant plus souvent boursier. Chacune de ces configurations confère dès lors autant d’opportunités ou à l’inverse de contraintes particulièrement discriminantes en ce qui concerne l’intégration sociale étudiante.

Les conditions de l’intégration étudiante sont donc à rechercher du côté du contexte d’études et des caractéristiques sociodémographiques des étudiants, mais ces deux types d’information ne sont pas indépendants. Plus encore, ils s’expriment conjointement dans les aspirations des étudiants, le sens et la valeur qu’ils attribuent à leurs études et à leur statut. Tout ceci n’étant pas sans influer sur la place qu’occupe la sociabilité étudiante au sein de leurs parcours et expériences puisqu’amenant d’une part des opportunités et des contraintes plus ou moins élevées mais illustrant d’autre part des besoins et des ressources en matière d’intégration sociale emprunts d’inégalités.

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3. Les besoins et les ressources déterminant l’« investissement social » des

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