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La place de la guerre « italo-turque » dans Le Matin, Le Temps et La Stampa :

Il convient désormais de faire une analyse quantitative des articles portant sur la guerre « italo-turque » parus dans les trois quotidiens étudiés ici. Cette étude nous permet de mieux comprendre comment Le Matin, Le Temps et La Stampa se saisissent de l'événement. Elle permet également d'observer quelle est la place occupée par la guerre « italo-turque » dans l'espace médiatique, représenté ici par ces trois quotidiens. Nous pouvons ainsi nous demander quelle est la place qu'occupe cet événement dans les colonnes des quotidiens (la Une ? Les pages intérieures ?), quel est l'espace qui lui est réservé dans les journaux (quantité et longueur des articles) ? Sont-t-ils accompagnés de photographies ou de cartes ? Pour répondre à ces questions il est nécessaire d'étudier également comment l'espace médiatique est occupé par la guerre « italo-turque » en le mettant en relation avec le déroulement des événements.

Il convient également de prendre d'autres facteurs en compte pour réaliser cette étude : les particularités des trois quotidiens, le contexte de commercialisation et de marchandisation de l'information ou encore la politique éditoriale des journaux influent sur la place qu'ils accordent à la guerre « italo-turque » dans l’espace médiatique. Nous pourrons ainsi comprendre ce que

139 KALIFA Dominique, REGNIER Philippe, THERENTY Marie-Eve, VAILLANT Alain ( sous la dir.) op. cit. p 1019

cela traduit de l'importance médiatique du conflit en France et en Italie. Constitue-t-elle à ce titre un argument de vente pour les patrons de presse ? La guerre « italo-turque » est-t-elle mise en scène dans son occupation des pages du journal pour pouvoir en faire un événement sensationnel, que le lecteur suit jour après jour ou s'agit-t-il simplement d'un événement parmi d'autres en 1911 ?

Les réponses à ces questions dépendent du journal qui traite de l'événement. À ce titre les trois quotidiens utilisés ici, représentent un bon échantillon dans les différences d'objectifs que constitue cet événement pour les rédactions. Le Matin est un journal dont le principal objectif est de vendre, nous pouvons donc supposer qu'il s'empare de l'événement comme d'un argument de vente. Le Temps, est un journal parmi les plus sérieux dont la politique étrangère constitue la principale ligne directrice de sa politique éditoriale, l'événement s'inscrit donc dans cette optique de traitement de l'information étrangère. La Stampa est un grand quotidien italien, dont le rôle dans le déclenchement de la guerre « italo-turque » a été prééminent. L'événement, omniprésent dans ses colonnes sert sa « ligne » éditoriale.

Figure 2 : Nombre d'article évoquant les affaires de l'Italie en Tripolitaine et la guerre « italo-

turque » en septembre, octobre, novembre et décembre 1911 dans Le Matin et Le Temps :

Le Matin Le Temps Septembre 1911 16 26 Octobre 1911 45 60 Novembre 1911 37 48 Décembre 1911 33 46 Total 131 180

Figure 3 : Nombre d'articles en Une du Matin, du Temps et de La Stampa concernant le conflit

Lorsque l'on observe le contenu des trois quotidiens étudiés ici, sur les mois de septembre, octobre, novembre et décembre 1911, qui constituent les quatre mois majeurs du conflit entre l'Italie et l'Empire Ottoman, la présence de cet événement est inévitable. Il apparaît dans l'actualité du Matin, dès le 3 septembre 1911, en troisième page du quotidien, où un article informe le lecteur sur les revendications italiennes vis à vis de la Tripolitaine140. La guerre « italo-turque » devient un fait d'actualité récurrent dans les colonnes du grand quotidien parisien à partir de la fin du mois de septembre, lorsque le conflit diplomatique prend la tournure d'un conflit armé. A partir du 22 septembre 1911, le conflit s'invite dans les pages du Matin, pour être traité de manière quotidienne jusqu'à la fin du mois. Le 24 septembre 1911, le conflit « italo-turc » fait ainsi la Une du journal, avec un article intitulé : « L'Italie aura l'assentiment de la France pour occuper la Tripolitaine » dans un dossier plus conséquent sur « l'expansion latine dans l'Afrique méditerranéenne141.» D'une manière générale, à partir du 22 septembre 1911, le conflit devient l'une des informations principales traitées par Le Matin. Le conflit opposant l'Italie à la Turquie devient alors pour le quotidien une actualité essentielle à traiter, éclipsant ainsi le conflit entre la France et l'Allemagne sur la question du Maroc. En effet, ce conflit colonial entre les deux puissances européennes sur la question de leurs influences respectives au Maroc, dont le soutien aux Français avait permis à l'Italie d'avoir, en retour, le soutien des ces derniers sur la question Tripolitaine, constituait le principal fait d'actualité internationale dans les colonnes et les Unes des quotidiens au mois de septembre 1911142.

140 Le Matin, 3 septembre 1911 141 Ibid. 24 septembre 1911

142 MARTEL André, La Libye 1835 – 1990. Essai de géopolitique historique, Presse universitaire de France, 1991 p. 64

Septembre Octobre Novembre Décembre 0 5 10 15 20 25 30 35 La Matin Le Temps La Stampa

Cependant la tournure des événements sur la question de la Tripolitaine inquiète. Le Matin joue alors sur cette inquiétude concernant une probable guerre « italo-turque » pour vendre son journal. La guerre « italo-turque » constitue avant-tout pour Le Matin, un argument qui pourrait permettre de vendre plus. En effet, durant cet « âge d'or » de la presse en France, les rédactions sont de plus en plus tentées par le sensationnalisme de l'information, qui permet de vendre plus à une époque où le quotidien s'achète plus au numéro qu'à l'abonnement143. Le 25 septembre,

Le Matin titre ainsi, en Une de son édition : « L'Europe menacée d'une guerre entre l'Italie et la

Turquie », et la question de l'Italie en Tripolitaine occupe une partie majeure de la première page du quotidien144. Dans la même édition, une rubrique consacrée au conflit « italo-turc » apparaît également en troisième page du journal145.

Dans cette logique commerciale, Le Matin traite de l'événement de manière plus « superficielle » en mettant en scène le conflit dans la mise en page de ses éditions mais en le traitant de manière plus sensationnelle pour que l'événement devienne argument de vente. Cela est visible lorsque l'on s'intéresse au nombre de fois où Le Matin met la guerre « italo-turque » à la Une (figure 3) pendant les quatre mois de la fin de l'année 1911 : le conflit figure en Une de trente-six de ses éditions. Le Temps, dont la politique éditoriale est principalement basée sur les événements et la politique étrangère ne place l'événement que vingt fois en Une de ses éditions146. La comparaison entre les deux titres semble largement déséquilibrée lorsque l'on connaît l'attachement qu'a la rédaction du Temps à couvrir au maximum les conflits étrangers. Cependant lorsque l'on regarde le traitement du conflit par le nombre total d'articles produits, c'est à dire moins à la « surface » de la Une et plus dans les « profondeurs » des pages intérieures, l'on se rend compte que le déséquilibre change de sens (figure 2). Sur les quatre mois de la fin 1911, Le Temps publie 180 articles sur la guerre « italo-turque » quand Le Matin en publie 131. La place accordée à l'événement dans les deux quotidiens français étudiés ici, démontre dans quelle mesure l'événement est saisi par les rédactions. D'un côté, il constitue un argument de vente pour Le Matin, qui le place souvent en Une et le met en scène dans un sensationnalisme de l'information aux gros titres racoleurs : « Le conflit italo-turc [...] on croît la guerre inévitable147. » De l'autre, il constitue pour Le Temps, une information d'actualité internationale, traitée de manière moins superficielle et vendeuse, à l'intérieur des pages d'un journal au public plus restreint mais dont les exigences de contenu sont plus élevées.

143 JEANNENEY Jean-Noël, op. cit. p. 114 144 Le Matin, 25 septembre 1911

145 Ibid.

146CHARLE Christophe, op. cit. p. 99-100 147Le Matin, 29 septembre 1911

La question des visés italiennes en Tripolitaine apparaît dans les colonnes du Temps le 11 septembre 1911, en 2e page du journal avec un article intitulé « La question de la Tripolitaine148. » Quelques jours plus tard, le 14 septembre, l'événement réapparaît en Une du quotidien, dans les « dépêches télégraphiques » avec une courte dépêche évoquant la question de la Tripolitaine et du conflit italo-turc qui se dessine149. À partir de cette date, le conflit « italo-turc » devient récurrent dans les colonnes du Temps, où il est chaque jour mentionné dans des articles ou des dépêches de tailles variables. La question de la Tripolitaine n’apparaît cependant qu'assez rarement en Une du quotidien : seulement une fois pour les mois de novembre et décembre par exemple (voir figure 3). Le traitement de l'événement est réservé à la deuxième page du journal, d'abord dans le « bulletin de l'étranger » avec des articles souvent intitulés « Italie, la question de la Tripolitaine », puis dans une rubrique spécialement conçue pour l'événement, intitulée « La guerre italo-turque » qui apparaît à partir du début du mois d'octobre 1911, toujours en deuxième page du quotidien le plus souvent, et plus rarement en troisième page.

Au sein de cette rubrique, dont on retrouve le même titre régulièrement en 3e page du Matin, la guerre « italo-turque » est traitée avec sérieux et professionnalisme. La rubrique occupe parfois la presque totalité de la page, mêlant dépêches officielles, articles d'envoyés spéciaux, revues de presse étrangères et même des cartes de Tripoli et de son oasis pour quelques éditions. À ce traitement déjà bien fournit de l'événement s'ajoutent des compléments de dernière minute, en 6e page du Temps, dans les « dernières nouvelles. » Cette « dualité » du traitement de l'événement apparaît dès le 1er octobre 1911, au moment même où le conflit entre l'Italie et la Turquie devient une guerre150. Pendant le reste de l'année 1911, Le Temps adopte cette méthode pour traiter l'événement : un gros dossier en 2e page intitulé « La guerre italo-turque » avec des articles et des dépêches fournies, et les quelques dernières dépêches en 6e page, dans les « dernières nouvelles » du journal. On retrouve cela par exemple le 6 octobre, le 9 novembre ou le 8 décembre, preuve que ce dispositif est effectif durant les trois mois de la fin de l'année 1911151.

Il est également à noter que l'espace occupé par la guerre « italo-turque » est relative à l'importance et au déroulement des événements en Tripolitaine. Les articles de la rubrique et des dépêches de la 6e page sont plus courts lorsque les événements sont moindres ou qu'il ne se

148Le Temps, 11 septembre 1911 149Ibid. 14 septembre 1911 150Ibid. 1Er octobre 1911

passe pas énormément de choses. C'est le cas dans la seconde moitié du mois de novembre, Carrère évoque le fait que les événements se font rares à Tripoli dans un article du 17 novembre :

Bien que la plupart de mes confrères se croient obligés de raconter chaque jour maints événements ou incidents, il faut convenir que depuis quelques jours la vie à Tripoli est calme et monotone à désespérer le correspondant le plus intrépide152.

A ce titre, les articles du Temps sur la guerre « italo-turque » sont plus courts et ne cherchent pas à broder sur des événements qui n'ont pas lieu, contrairement à d'autres correspondants de quotidiens européens, comme le souligne Carrère.

Le traitement de la guerre « italo-turque » par La Stampa se distingue beaucoup de celui qui en est fait par les deux quotidiens français. D'abord parce qu'il s'agit d'un quotidien italien, donc d'un organe de presse dont le lectorat est directement touché par un événement qui concerne son pays. De ce fait, le conflit est bien plus présent dans les colonnes du quotidien turinois qu'il ne l'est dans Le Temps et Le Matin. En effet, bien que le conflit se déroule sur un théâtre relativement lointain, celui de la Tripolitaine, il touche tous les italiens. Chacun connaît de près ou de loin un homme parti combattre en Tripolitaine ou en Cyrénaïque.

A ce titre, la place accordée à la guerre « italo-turque » dans La Stampa est grande. Mais la dimension nationale qui relie l'événement au journal n'explique qu'en partie l'omniprésence du conflit « italo-turc » dans les colonnes de La Stampa. Le journal turninois est également la figure de proue de la grande presse nationale qui avait participé à la campagne en faveur de la guerre, par des interpellations et des invectives régulières contre le gouvernement à l'été 1911. La question de la Tripolitaine est donc présente depuis des mois dans les pages de La Stampa. Le 13 juin 1911, Bevione signe un article dans le journal, reprenant les arguments nationalistes, expliquant que la Tripolitaine constitue la solution aux problèmes italiens notamment d'émigration ou d'économie153. La question de la colonisation de la Libye est donc présente dès l'été 1911, non seulement dans les pages de La Stampa, mais également à la Une, place qu'occupe cet article dans l'édition du 13 juin jusqu'à prendre presque toute la place de cette première page, selon Paolo Maltese154.

152Ibid. 17 novembre 1911

153 MALTESE Paolo, La terra promessa. La guerra italo-turca e la conquista della Libia 1911-12, Milano, Sugar editore, 1968. p. 56

Dès le mois de juin 1911, l'importance qu'accorde la rédaction de La Stampa aux événements qui surviendront quelques mois plus tard sont déjà palpables à travers les réquisitoires de Bevione en faveur de la colonisation. La Stampa est au cœur de cette campagne de conquête de l'opinion publique initiée par Corradini et les nationalistes, qui atteint son point culminant à l'été 1911155. Une nouvelle interpellation du journal adressée au président du conseil des ministres italiens est publiée en Une du journal le 28 juillet 1911, sous le titre : « Lettre ouverte à l'honorable Giolitti156. » Cette lettre ouverte, commandée par le directeur du journal Aldo Frassati à Bevione, n'est pas signée par ce dernier, dans le but de montrer que la rédaction du quotidien toute entière partage les idées exprimées par Bevione157. Il s'agit donc d'un événement dont la rédaction entière du journal souhaite la réalisation. Nous comprenons ainsi pourquoi la guerre « italo-turque » acquiert une telle importance et occupe une telle place dans les pages de

La Stampa entre les mois de septembre et décembre 1911.

La guerre « italo-turque » apparaît à la Une du journal italien le 12 septembre 1911. A partir de ce jour et sur toute la durée de la fin de l'année 1911, l'événement ne la quittera plus158. Chaque jour du mois de septembre la guerre « italo-turque » fait les gros titres du quotidien, les mots « Tripolitaine », « Tripoli » ou encore « guerre italo-turque » sont omniprésents dans les titres en caractères gras imprimés en première page de La Stampa. Durant tout le mois de septembre 1911 les questions du conflit avec l'Empire Ottoman et de la colonisation de la Libye prennent de plus en plus de place en Une, jusqu'à la monopoliser complètement à la fin du mois de septembre et au début du mois d'octobre lorsque la guerre débute à Tripoli. Le conflit est omniprésent dans le journal et éclipse tous les autres événements qui sont relayés en quatrième page, ou en sixième page dans les « Ultime notizie » (dernières informations). À partir du mois d'octobre 1911, la guerre « italo-turque » fait la Une de La Stampa chaque jour : 30 fois en octobre sur les 31 éditions, 30 fois en novembre sur les 30 éditions et 30 fois en décembre sur les 30 éditions (voir figure 3). Dans cette monopolisation de la Une, les articles de Giuseppe Bevione sont souvent à l'honneur, le 9 octobre 1911 la Une de l'édition du jour de La Stampa est entièrement occupée par un long article de l'envoyé spécial italien159.

La Stampa fait ainsi de la guerre « italo-turque » son événement phare sur les mois de septembre, octobre, novembre et décembre 1911. Monopolisant la Une avec les événements de Tripolitaine et de Cyrénaïque, éclipsant complètement le reste de l'actualité pour se focaliser

155 LABANCA Nicola, Outre-mer. Histoire de l'expansion coloniale italienne, trad. Ellug 2014. p. 124 156 La Stampa, 28 juillet 1911. Nous traduisons : « Lettera aperta all'onorevole Giolitti »

157 MALTESE Paolo, op. cit. p. 63 158 La Stampa, 12 septembre 1911 159 Ibid. 9 octobre 1911

sur une guerre que sa propre rédaction, via Giuseppe Bevione, a longuement demandé en participant à la campagne favorable à cette intervention en Tripolitaine, initiée par les nationalistes.

Par ces divers éléments nous pouvons comprendre comment la guerre « italo-turque » a été couverte par la presse française et italienne en 1911. L'essor de la presse et du reportage de guerre entre les années 1870 et 1914 a favorisé cette large couverture médiatique. Les correspondants des journaux français et italiens sont ainsi envoyés à Tripoli pour couvrir cet événement avec des objectifs différents selon les rédactions pour lesquelles ils travaillent. Dans cette mesure la guerre coloniale menée par l'Italie n'occupe pas de manière égale l'espace médiatique. Elle est mise en scène dans les pages des quotidiens pour servir des objectifs économiques, politiques ou rédactionnels. L'événement constitue ainsi un moyen de servir des intérêts divers au même titre qu'il est un fait d'actualité à traiter pour informer le lectorat des derniers événements. La question de la véracité de l'information livrée au public se pose alors. En effet, différents éléments interférèrent entre la réalité des événements et le récit qui en est livré aux lecteurs. De la censure au manque d’objectivité, l'information peut ainsi devenir une information manipulée, une information tronquée.

Chapitre III :

Informations manipulées, informations tronquées

La question de l'authenticité de l'information transmise par les correspondants de guerre à Tripoli est importante. En effet, si le contexte médiatique de la guerre « italo-turque » est celui d'une libéralisation, d'une émancipation totale de la presse écrite vis à vis du pouvoir politique, l'information que transmettent les médias peut tout de même être sujette à certaines influences. Ces influences peuvent encore être liées au pouvoir politique mais également aux opinions personnelles du journaliste, aux exigences de la rédaction. Elles sont aussi plus indirectes et peuvent être subies par le correspondant de guerre : censure, pressions et menaces des autres correspondants..etc.

Tous ces éléments influent sur l'information qui sera finalement transmise à la rédaction puis publiée et lue par le lectorat du journal. Or, si le but du journal d'information du début du XXe siècle est, comme son nom l'indique, d'informer le lecteur sur les derniers événements d'actualités, l'information qu'il transmet est censée refléter les événements, sans éléments extérieurs venant parasiter leur réalité.

Durant l'âge d'or de la presse, les journaux européens se calquent sur le modèle de la presse américaine d'information pure160. À ce titre, Le Matin devient, à sa création en 1884, le plus « américain » des quotidiens français : des nouvelles brèves et sèches, beaucoup de télégrammes d'agences de presse, de reportages et de chroniques politiques aux tendances différentes chaque jour161. Pourtant, lors de la guerre « italo-turque », l'italophilie du quotidien français s'inscrit dans la même mouvance que celle du rapprochement diplomatique franco- italien initié au début du siècle par un certain nombre de conventions stratégiques entre les deux pays, légitimant l'influence française au Maroc côté italien et l'influence italienne en Tripolitaine côté français162. Cet exemple démontre le fait que le traitement de la guerre « italo- turque » par les correspondants de guerre n'est pas totalement exempt des influences politiques et rédactionnelles qui s'établissent en Europe.

Cependant, c'est sur le terrain même de la guerre que les envoyés spéciaux rencontrent un obstacle majeur à l'authenticité de leurs reportages : la censure. Rapidement mise en place par le gouvernement de Giolitti à la demande du commandement militaire italien en Tripolitaine et