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Place de la canneberge dans la prise en charge des infections urinaires basses

2 Etat de l’art

2.5 Place de la canneberge dans la prise en charge des infections urinaires basses

L’identification du/des composé(s) actif(s), de son ou de leur(s) mécanisme(s) d’action, le manque de standardisation des produits dérivés de la canneberge et de leur teneur en composé(s) actif(s) rend les comparaisons de produits délicates, l’extrapolation de résultats impossible et la formulation de recommandations difficile.

Quant aux essais cliniques, nombreux mais portant sur des populations diverses avec des méthodologies variables, ils alimentent régulièrement la controverse.

Il n’existe aucune contre-indication formelle (143). En termes de tolérance, si les interactions sont connues et prises en compte (notamment l'effet inhibiteur des flavonoïdes sur le cytochrome P459), les effets secondaires semblent modestes (effet laxatif, intolérance digestive, prise de poids); des lithiases rénales oxaliques ont pu être rapportées sur de longues périodes d’absorption, liée à l’excrétion accrue d’oxalates et à une légère acidification des urines (143); il serait recommandé de boire beaucoup d’eau lors de l’ingestion de canneberge déshydratée. Cependant, leur impact sur l’observance d’une administration nécessairement au long cours peut s’avérer importante (jusqu’à 55% d’abandon) (178).

En 2008, la Cochrane review concluait que l’utilisation potentielle de la canneberge n’avait de place que dans la prévention des IU récurrentes de la femme jeune, en réduisant le nombre de récidives sur une période de 1 an (179).

En 2010, une note d’information a été diffusée par la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, en France, qui portait sur le dosage des PAC de type A dans la canneberge. Outre la question des conditions d’emploi minimales requises pour que des PAC puissent prétendre à une efficacité par le biais d’une moindre adhésion d’E.coli, cette note insistait sur le problème du dosage de ces molécules. En effet, différentes techniques de dosage des PAC existent (spectrophotométrie, chromatographie en phase liquide, gravimétrie…), donnant lieu à des écarts importants. De plus, ne s’agissant pas d’un médicament mais d’un supplément alimentaire, d’origine naturelle et donc de composition complexe et potentiellement variable, les contraintes réglementaires de mise sur le marché sont moindres voire inexistantes, n’incitant ni à l'identification des principes actifs ni à leur(s) dosage(s) précis.

L’autorité européenne de sécurité des aliments, après analyse de deux dossiers soumis par des opérateurs, a conclu que les preuves fournies n’étaient pas suffisantes pour établir une relation de cause à effet entre la consommation des produits et la réduction d’un risque de survenue d’infections urinaires.

La question de la dose minimale requise n’est pas résolue, d’autant plus difficile à examiner que les modes de préparation des produits peuvent entraîner des variations de composition, la sélection, voire l’addition, de produits inhibiteurs de l’activité, et que par ailleurs, la question du dosage même des molécules n’est pas résolue.

La dernière mise à jour de la Cochrane Database of Systematic Reviews en 2012 (21) recensait 24 études, essais contrôlés randomisés, dont 6 études cross-over, 11 études comparant deux bras, 5 avec 3 bras et deux multifactorielles, pour un total de 4473 participants. L’inclusion de 14 études supplémentaires suggère que la canneberge est moins efficace que ce que l’on pensait, la conclusion étant que la canneberge ne peut être actuellement préconisée dans la prévention des IU (21). La canneberge ne réduirait pas les récidives d’IU dans aucun sous-groupé étudié : femmes ou enfants ayant des IU récidivantes, personnes âgées, femmes enceintes, patients atteints de cancer ou de vessie neurologique (143)

C’est peut-être la raison pour laquelle, dans la revue faite en 2015 par Flores-Mireles (93), la canneberge n’est pas même citée dans les options thérapeutiques abordées par l’auteur.

Cependant, les limites de ce type de méta-analyses ont été rappelées (44, 180, 181) ainsi que la parution de conclusions opposées (129, 182), brouillant un peu plus la situation(44). Howell (183) indique ainsi, dans un commentaire portant sur cette méta-analyse, que les consommateurs devraient acheter des produits contenant au moins 36 mg de PAC, que la canneberge est presque aussi efficace que des traitements antibiotiques faiblement dosés chez la femme et l’enfant, mais sans risques de résistances, préconisant aussi de poursuivre la recherche sur Vaccinium macrocarpon. Les recommandations françaises SPILF-AFU proposent, en 2015, la canneberge en prévention des cystites récidivantes à la dose de 36 mg de proanthocyanidine/ jour (35, 143).

Enfin, deux études ont comparé l’efficacité d’extraits de canneberge et d’antibiotiques (TMP) à faible dose en prophylaxie des récurrences d’IU chez la femme âgée d’une part, et chez la femme pré-ménopausée, d'autre part: la canneberge s’avère efficace, mais dans une moindre mesure, présentant cependant l’avantage de ne pas être associée à la survenue de BMR dans la flore commensale (184, 185). D'éventuels phénomènes d’acquisition de résistances

bactériennes aux antibiotiques lorsqu’associés à la canneberge, n'ont pas été, non plus, rapportés (149).

Loin d’abandonner définitivement la voie thérapeutique que peut représenter la canneberge, de nouvelles études paraissent, qui :

- cherchent à évaluer la potentialisation de l’effet des PAC par d’autres composés, tels que le propolis (177, 186);

- insistent sur la nécessité de pouvoir disposer de dosages précis en teneur en dimères et trimères de PAC-A (65, 186), en ne se contentant pas de doser les PAC globaux ;

- ou encore ciblent d’autres composés présents dans les extraits de canneberge et présumés actifs, tels que les polyphénols (187), le xyloglucane (68), la myricétine (188) ou encore des métabolites des PAC.

Ce qu’il faut retenir concernant la canneberge

Intérêt dans un contexte d’épargne des antibiotiques et de maîtrise de la pression de sélection

Pas de résistances décrites ; attribution ancienne d’un effet sur le maintien d’un

bon état de santé de l’arbre urinaire.

Etudes cliniques nombreuses, résultats controversés,

Mécanismes d’action, étudiés ex vivo et in vitro, incomplétement élucidés : inhibition de l’adhésion (FimH, P), attribué aux proanthocyanidines, A en particulier, altérations de la mobilité flagellaire ;

Composition complexe de la baie et caractéristiques mal définies des produits

commercialisés (teneurs en proanthocyanidines, autres composés possiblement actifs)

Action sur le microbiote fécal probable mais non élucidée, pharmacocinétique peu

Dans un tel contexte, ce travail a pour objectifs :

- de rechercher, en culture et chez l’animal, des effets d’extraits d’intérêt sur l’adhésion d’E.coli de statut FimH connu,

- de définir un modèle d’étude simple et reproductible, applicable à l’évaluation de candidats médicaments.

-

Le protocole expérimental comprend différents types d’essais :

- in vitro avec l’évaluation de l’adhésion de différentes souches d’E.coli et de

l’inhibition de l’adhésion par des extraits de canneberge proposés par les laboratoires Pierre Fabre

- in vivo sur modèle murin (souris femelles C57BL/6 de 8 semaines), avec l’étude de la

colonisation vésicale par différentes souches d’E.coli, puis l’évaluation des produits sur la prévention de la colonisation et/ou de l’infection, par pré-incubation de la souche sélectionnée avec le produit soumis à l’essai.

Secondairement, les résultats de ces différents essais nous ont conduits à explorer les effets du produit retenu sur la structure de surface et la mobilité bactérienne, ainsi que sur l’expression des gènes correspondants.