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2 Etat de l’art

2.4 Modèles d’étude de l’activité de la canneberge

2.4.2 Modèles in vivo

De nombreux essais cliniques chez l’homme ont été réalisés pour étudier l’efficacité de la canneberge in vivo dans la prévention des IU.

Des essais cliniques de type comparaison d'un traitement versus placebo ont été réalisés, retrouvant une bactériurie persistant plusieurs semaines chez des femmes ayant fait un épisode aigu d’infection urinaire et non traitées (166). Par ailleurs, même lorsque traités de façon efficace à court terme, certains individus évoluent sur un mode chronique, avec des récidives conduisant à des traitements longs (46, 167).

Les essais les plus récents sur l’efficacité de la canneberge apportent des conclusions insuffisantes ou contradictoires (17, 139, 165, 168-171). Ils sont par ailleurs d’interprétation délicate, car les méthodologies varient de par :

- la nature, le dosage du principe actif, la formulation et la présentation des produits, - les doses et les durées d’administration,

- la population cible : femmes jeunes, femmes enceintes, femmes âgées, traumatisés médullaires, vessies neurologiques de scléroses en plaques, enfants, enfants ayant des sondages vésicaux intermittents, cystites radiques, et même des hommes âgés souffrant d’adénomes prostatiques (172)

- critères de jugement : prévention des IU en présence de facteurs de risque, prévention des cystites récurrentes,

- caractéristiques techniques des essais : effectifs parfois modestes, tolérance et observance du traitement variables, perdus de vue, les rendant difficilement comparables.

Le point clé est l’objectif de ces essais : démonstration d’un effet préventif et/ou curatif. Devant la difficulté de conduite et d’interprétation des essais chez l’homme, les modèles murins ont été très largement utilisés. Ils ont permis de mettre en évidence des différences entre individus portant sur la nature de la réponse précoce de l’hôte à l’infection, différences qui jouent un rôle dans l’évolution et sur les récidives (38).

Les modèles murins sont fondamentaux pour comprendre les mécanismes conduisant à l’infection urinaire puis à son évolution sur un mode chronique, ainsi que pour développer de nouveaux traitements et de nouvelles approches thérapeutiques. Ils permettent :

- d’identifier des caractéristiques individuelles de l’hôte, impliquées dans la colonisation initiale de la vessie et accessibles à des approches thérapeutiques, comme par exemple l’étude de l’efficacité de traitements antibiotiques (103) et non antibiotiques,

- de suivre quantitativement l’infection urinaire, par l’étude de la charge bactérienne à différents temps du processus infectieux,

- de réaliser des analyses histologiques et microscopiques illustrant, pour une meilleure compréhension, l’évolution des différentes phases de l’infection,

- d’étudier de nombreuses bactéries, non seulement des souches différentes d’E.coli mais également de nombreuses autres espèces (173).

Différents modèles murins ont été utilisés avec des variantes concernant l’inoculum, la voie d’introduction (intra-uréthrale ou transuréthrale), tous conduisent à une inoculation efficace de la vessie (174); par la suite, l’inoculation de 50 microlitres d’une suspension à 108 ufc par voie transuréthrale a été retenue dans de nombreuses études.

Le modèle décrit par Hung (173), retenant la souche murine C3H/HeN, précise : - la vérification de la stérilité des urines en phase d’appropriation de la technique - l’utilisation de souches bactériennes sauvages comme témoins positifs

- l’optimisation de l’anesthésie : bien que la concentration d’Isoflurane soit déterminée de façon empirique, elle devrait être de l’ordre de 4% pendant la phase d’induction et de 2,5 à 3% pendant la phase d’entretien. Cependant, pour la souche murine C57BL/6, la concentration nécessaire en phase de maintien est inférieure.

- l’optimisation de l’inoculum d’E.coli entre 1 et 3 107 UFC dans 50 microlitres de volume inoculé. A 108 UFC par souris, la réponse inflammatoire robuste se traduit par une exfoliation rapide et massive, tout particulièrement pour les souris C57BL/6, pour lesquelles il est donc particulièrement important de ne pas dépasser 107

- les souches murines : des souches les plus diverses peuvent être infectées avec succès, mais la charge bactérienne dans le tissu vésical varie selon la souche de souris. Les souches murines les plus souvent utilisées sont C57BL/6, C3H/HeN, mais d’autres lignées ont pu être utilisées (CBA/J, FVB/NJ, C3H/HeJ) ou infectées avec succès (BALB/c, C3H/HeOuJ, C3H/HeSnJ et Swiss Webster). Alors que la réponse inflammatoire est précoce et importante pour la souche C57BL/6, avec la souche C3H/HeJ, elle est quasiment inexistante avec une filamentation de l’UPEC apparaissant très tardivement dans le cours de l’infection.

- l’âge et le poids des souris : l’âge idéal est entre 7 à 9 semaines ; les souris plus âgées ne conduisent pas à des niveaux aussi probants d’infection. Par ailleurs, entre 7 et 9 semaines le poids des souris varie peu et est sans effet sur la susceptibilité et le niveau d’infection

obtenu. A noter la nécessité d’acclimater les souris pendant une semaine avant l’expérimentation.

- l'inoculation, lente, de 50 microlitres de suspension bactérienne par cathéterisme vésical respectant les conditions d’asepsie

La souche bactérienne habituellement retenue pour ces essais est UTI 89 isolée dans des cystites cliniques.

Une fois les vessies récupérées par cystectomie, la moitié de la vessie est habituellement utilisée pour procéder au dénombrement des bactéries et l‘autre moitié pour d’autres manipulations (extractions ARN, Western blott, par ex) incluant de l’histologie, de la microscopie électronique....

L’histologie permet de voir les conséquences de l’infection au niveau tissulaire, avec un oedème de la paroi vésicale, des infiltrats cellulaires inflammatoires, un endommagement du glycocalyx et des cellules en ombrelle qui se détachent, gradée par Hopkins de la façon suivante (174, 175):

0 : Normal

1 : infiltrat inflammatoire subepithélial focalisé

2 : œdème et infiltrat inflammatoire subépitéhlial diffus

3 : infiltrat subépithélial marqué avec nécrose et des polynucléaires dans et sur l’urothélium 4 : infiltrat touchant le muscle en plus des critères 3

5 : perte de l’épithélium de surface

D’autres modèles animaux ont pu être utilisés, faisant appel:

- à des rats femelles pour l’étude des effets d’extraits de canneberge (18).

- à un nématode, Caenorhabditis elegans, basé sur la capacité d’ingestion d’E.coli par ce ver, chez qui la bactérie produit une infection létale; le pourcentage de vers morts en présence de la souche d’E.coli est un marqueur direct de la virulence de la souche. Lorsque l’essai est fait en présence d’urine collectée après consommation de canneberge, une réduction de la virulence est constatée, par effet anti-adhésion, dose-dépendant (176, 177).

Enfin, l’analyse fonctionnelle du génome bactérien, par l’étude des profils transcriptionnels, est promise à un bel avenir. Les techniques d’hybridation de l’ADN ont connu ces dernières années un essor important ; plus récemment, le séquençage des ARN apparait lui aussi prometteur. Par l’étude du transcriptome, en faisant varier les conditions d’étude, il est

possible d’analyser plus finement l’impact de différents produits agissant sur l’expression du génome.

2.5 Place de la canneberge dans la prise en charge des infections urinaires basses.