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Les infections urinaires sont très fréquentes, leur récurrence pose un véritable problème de santé. De nombreuses approches préventives ont été explorées, y compris d’administration de faibles doses d’antibiotiques au long cours. Le développement inéluctable de résistances aux antibiotiques rend toute autre approche préventive intéressante. La canneberge en fait partie, elle a fait l’objet de nombreuses études ces 30 dernières années, des études cliniques, avec des méthodologies et des populations cibles diverses, et microbiologiques faisant appel à différents modèles et explorant les voies des différents facteurs de virulence des UPEC. Il y a un faisceau d’arguments, tant cliniques que biologiques en faveur de son activité. Cependant, les extraits de canneberge sont des composés complexes, dont les principes actifs et les mécanismes d’action demeurent insuffisamment compris. Parmi les composés, les proanthocyanidines sont réputées supporter l’action de la canneberge, mais probablement d’autres molécules interviennent. L’action a été longtemps décrite comme s’exerçant au travers de l’adhésion dépendant des fimbriae, tout particulièrement les pili de type 1 et les fimbriae P.

Les extraits de V.macrocarpon sont capables de réduire l’expression de différents facteurs de virulence, nous montrons ici pour la première fois de manière globale, la diversité et l’intensité de l’action de la canneberge sur l’ensemble du système flagellaire et de la fonction associée qu’est la chémotaxie. L’activité de V. macrocarpon sur l’expression des flagelles est à mettre en perspective avec la physio-pathologie des infections urinaires ascendantes et le rôle que pourrait jouer le réservoir intestinal dans les infections urinaires récurrentes, pour l’heure plutôt attribuées à la persistance de colonies bactériennes dans les cellules vésicales.

Conformément à notre objectif initial, nous avons pu définir un modèle in vitro, classique et robuste, d’évaluation de l’activité anti-adhésion de la canneberge à savoir la modification de capacité d’adhésion aux cellules T24 après une exposition longue (10 subcultures) au produit soumis à essai, que nous avons ensuite pu transposer à l’évaluation de fractions issues du jus de canneberge. Nous avons pu ainsi démontrer des niveaux différents d’efficacité, sans toutefois pouvoir relier les observations à la présence de certains composés. Cependant, ces résultats en démontrent l’intérêt potentiel dans la recherche et sélection de candidats médicaments, présentant une composition précise, ainsi que dans une approche fondamentale

cherchant à définir le ou les mécanismes cellulaires réellement impliqués dans l’effet « canneberge ».

L’approche holistique que permet Affymetrix a conduit à identifier de façon globale, un nombre important de gènes sur l’expression desquels la canneberge a un impact ; ces essais nous permettent de proposer une autre approche, faisant appel à la RT-qPCR, en ciblant les gènes les plus impactés au niveau flagelle et chémotaxie (par exemple, fliC, fliM, flgG,

cheY et cheW), mais également fimbriae (fim A, fim C, fimG, fimI pour les pili de type 1 et staB et focF pour les pili F1C). Cette nouvelle approche permettrait de mieux cerner le rôle et

surtout les cibles de fractions enrichies en certains composés ou molécules et/ou de molécules isolées, ainsi que les conditions d’essai permettant la mise en évidence de des effets (contact direct et/ou subcultures simulant une phase d’adaptation).

Le modèle murin s’est avéré peu contributif, tant chez l’animal qu’in vitro, sur cellules murines. De nouveaux essais pourraient être envisagés, en adaptant les conditions d’essai, en explorant la pertinence du modèle murin au regard a) des facteurs de susceptibilité « hôte » (essais sur d’autres lignées murines/animales) b) des conditions d’inoculation, qui ne reproduisent pas la physiopathologie de l’IU chez la femme c) des modalités d’exposition à la canneberge pour prévenir les IU et du site d’action de ses principes actifs : exposition de la culture bactérienne avant inoculation ; inoculation après ingestion ad libitum de canneberge dont l’action (ou celle de ses métabolites) pourrait alors s’exercer à 2 niveaux, soit directement sur la flore fécale en modifiant les souches d’E.coli et en les rendant mois aptes à la colonisation ascendante, soit lors de l’excrétion urinaire du ou de ses métabolites, en altérant l’aptitude à l’adhésion d’E.coli présentes dans l’arbre urinaire ou encore en ayant un effet sur les cellules uroéptithéliales.

D’autres aspects liés à la physiopathologie des IU méritent d’être explorés plus avant : - des temps plus précoces ou l’effet d’une exposition chronique ou aiguë,

- plus finement, la notion d’adaptation et de réversibilité (nombres de subcultures, voire de générations ; en condition de croissance ou non,),

- l’effet de la canneberge sur des souches issues du microbiote fécal.

L’objectif initial de validation d’un modèle robuste de sélection d’actifs in vitro nous a conduits à une approche plus fondamentale. Les outils mis en œuvre nous ont ainsi permis de démontrer des effets canneberge significatifs au niveau de l’expression génomique de

La démonstration d’une sous-expression concomitante de protéines impliquées dans la synthèse, la régulation ou les fonctions liées à différentes adhésines, mais surtout au flagelle et à la chémotaxie constitue un apport original à la littérature concernant les UPEC.

Ces premiers résultats introduisent différents développements potentiels:

a) exploration des mécanismes par l’intermédiaire de souches d’UPEC mutantes déficientes en un élément donné, afin de mieux cerner notamment l’implication des systèmes de rétro- contrôle entre expression des adhésines et motilité

b) évaluation de l’impact de la canneberge en termes de modifications pariétales. Nos observations en MET confirment la non détection de fimbriae et flagelle ; dans le même temps les observations en champ large après marquage au Syto9® indiquent une perturbation de la pénétration intracellulaire du marqueur sans modification de la viabilité/cultivabilité cellulaire. Ceci pourrait correspondre à des modifications drastiques de la structure pariétale de E. coli que nous pourrions explorer par mesure de l’hydrophobicité de surface des souches d’UPEC (avant/après contact avec la canneberge), du potentiel zéta (polarité), voir par quantification et caractérisation du LPS des souches d’UPEC et quantification de la flagelline, c) exploration des résultats concernant le twitching (réduction significative après 10 subcultures sur C102 1% P/V) chez les souches d’UPEC, ainsi que du phénomène de « rebond » visualisé lors des essais de swarming.

Enfin, l’approche par puce Affymetrix indique une modification d’expression d’autres effecteurs, notamment ceux concernant le système des sidérophores. Ceci confirme la complexité de l’effet préventif canneberge sur les IU, et parallèlement incite à approfondir l’analyse afin de déterminer l’implication d’autres cibles potentielles.