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Pistes orthodidactiques pour l’enseignement de la morphologie dérivationnelle

5. DISCUSSION

5.5 Synthèse et conclusion

5.5.2 Pistes orthodidactiques pour l’enseignement de la morphologie dérivationnelle

Afin de rendre nos résultats tangibles pour le contexte pratique de l’enseignement de la lecture, une des retombées de ce travail consiste à fournir des pistes d’interventions menant à l’exploitation de la morphologie dérivationnelle dans le contexte de l’apprentissage de la reconnaissance des mots chez des jeunes dysphasiques. Rappelons que cette population spécifique d’apprenant représente 25,9 % des élèves handicapés et près de 1 % de l’ensemble des élèves québécois (MELS, 2010). Ces enfants font partie de l’avenir de notre société et il est essentiel d’attacher une importance particulière au développement de leurs habiletés en lecture qui, comme nous l’avons précisé dans notre problématique, sont prédictives du succès scolaire qui est lui-même associé au développement prospère d’une société (OCDE, 2009). Nous pensons que l’enseignement explicite de la morphologie dérivationnelle pourrait les aider à devenir de meilleurs lecteurs, voire même devenir des lecteurs plus autonomes, plus rapidement. De surcroît, la morphologie dérivationnelle peut être bénéfique non seulement pour la reconnaissance des mots, mais aussi pour la compréhension écrite, le développement du vocabulaire ainsi que les habiletés liées à l’écriture de mots comme l’ont remarqué Kirk et Gillon (2007) dans leur étude menée auprès de jeunes dysphasiques. Il est important également de se rappeler qu’avant même l’entrée dans l’écrit, les élèves disposent d’une certaine conscience morphologique à l’oral. On peut penser par exemple aux nombreux mots qu’inventent les enfants lorsqu’ils font la généralisation d’une règle très présente dans la langue. Rappelons également que la contribution de la morphologie ne se limite pas qu’aux élèves qui ont des difficultés, mais qu’elle peut contribuer à aider tous les jeunes lecteurs. Par conséquent, nous suggérons que l’enseignement de la morphologie dérivationnelle se fasse dès le début du primaire de manière explicite par l’enseignant, et ce, peu importe les caractéristiques de l’apprenant. Bien qu’il n’existe pas à notre connaissance de guide ou de

section, des idées d’activités en nous inspirant du type de tâche que nous avons utilisé dans cette recherche tout en proposant d’autres activités inspirées de la typologie des tâches de Berthiaume, Besse et Daigle (2010).

Pour introduire la morphologie à l’écrit, l’enseignante pourrait d’abord demander aux enfants de dériver un mot cible, c’est-à-dire de donner des mots de même famille. Elle pourrait ainsi introduire à ce moment les termes de base et d’affixes (préfixes et suffixes). Par exemple, si l’enseignante énonce le verbe patiner comme mot cible, les enfants pourraient nommer à leur tour les mots comme patin, patineur, patineuse, patinage, patinoire, etc. Après avoir trouvé un nombre suffisant de mots, l’enseignante pourrait montrer aux élèves sous la forme écrite qu’on retrouve toujours patin, c’est la base. Elle pourrait ensuite présenter aux élèves qu’à cette base, on ajoute des morceaux, soit avant, ce sont les préfixes ou soit après le mot, se sont les suffixes. Cette activité, qui est une tâche de dérivation de mots comme le mentionne Berthiaume, Besse et Daigle (2010) pourrait ensuite se poursuivre avec une activité de décomposition de mots, que nous n’avons pas abordée dans ce mémoire. Par exemple, au lieu de commencer par demander aux élèves de dériver les mots à partir d’un mot cible, l’enseignante pourrait, à l’inverse, leur demander de trouver la base qui revient dans chacun des mots et les affixes qui y sont liés à travers une série de mots complexes proposés par l’enseignante. Ainsi, les élèves en viendront à connaître différents suffixes et différents préfixes en plus d’être capables d’identifier la base d’un mot. De plus, ils seront en mesure de voir que parfois, une lettre s’estompe de la base lorsqu’on segmente le mot en ses parties. Par exemple dans déneiger, on retrouve le préfixe dé-, la base neig- et le suffixe –er. Au fil du temps et de pratique, les élèves comprendront mieux le sens des affixes, ce qui leur permettra de faire un traitement morphologique syntaxique plus pertinent et d’identifier les mots plus rapidement. De plus, cela les amènera ensuite à être habilités à voir que certains suffixes se retrouvent toujours avec certains types de mots, comme les verbes ou les adjectifs, par exemple, ce qui nous amène à parler de la connaissance morphologique en lien avec la distributivité des affixes, la connaissance distributionnelle. Nous avons vu plus tôt, dans notre tâche de plausibilité, que celle-ci faisait appel à des pseudo-mots, parfois desquels on pouvait inférer un sens et parfois où l’inférence d’un sens n’était pas possible vu l’improbabilité de l’adjonction affixe-base. Une activité rigolote à faire en classe pourrait être d’inventer des

mots farfelus et d’en expliquer le sens en identifiant ses composantes. Ce type d’activité permettrait à la fois de travailler le sens des suffixes, mais aussi la décomposition ainsi que les règles qui sous-tendent la composition des mots du français.

Dans un autre contexte, à partir d’un album jeunesse, l’enseignante pourrait sélectionner des mots dérivés et faire le modelage d’une situation où elle doit déduire le sens d’un mot nouveau en s’appuyant sur ses connaissances morphologiques relationnelles et syntaxiques. Avec cette façon de faire, le travail morphologique est directement situé en contexte de lecture et permet d’enseigner explicitement aux élèves la façon pour procéder au traitement morphologique d’un mot en s’appuyant sur sa base, par exemple et en analysant les affixes qui y sont joints. Cette façon de faire peut à elle seule permettre à l’enseignant de travailler la morphologie sous différents aspects. En effet, elle permet d’enseigner les relations de sens entre les mots en faisant une décomposition du mot en sa base et ses affixes. Une fois cette étape faite, il est possible de travailler sur le sens des affixes. Puis, l’enseignant peut ensuite demander aux élèves de dériver la base du mot ciblé dans le texte pour trouver d’autres mots de même famille. Avec ce type d’activité, on travaille donc à la fois les connaissances morphologiques qui aideront les élèves à transférer leurs apprentissages dans d’autres contextes en plus de travailler le vocabulaire et les stratégies de compréhension de texte.

Finalement, les possibilités d’enseigner explicitement la morphologie sont très nombreuses et variées. Nous retenons d’abord l’importance pour l’enseignant de permettre aux élèves d’apprendre le métalangage en lien avec la morphologie dérivationnelle, c’est-à-dire leur apprendre les mots à employer pour parler des mots. Comme nous l’avons vu dans la section 2.1.1, la terminologie associée à la morphologie peut être assez complexe, mais il est selon nous inutile d’entrer dans les détails avec les élèves. La simple mention que le petit mot dans le grand mot s’appelle une base, que ce qu’on y rajoute avant s’appelle un préfixe et ce qu’on y rajoute après est un suffixe nous semble suffisante. Lorsque les élèves auront certaines connaissances d’accumulées, les termes plus complexes pourront être employés (synonyme, antonyme, dérivation, etc.). D’autre part, nous considérons important de souligner que pour faire les activités de morphologie en classe, il est très important de faire une sélection

rendre plus difficile le traitement morphologique comme l’opacité orthographique ou phonologique. Afin d’éviter de telles difficultés, l’intervenant peut s’appuyer sur des listes de mots connus par les enfants du niveau scolaire visé. Ce pourrait être par un réinvestissement des mots de vocabulaire employés dans la classe ou encore par l’utilisation de la liste orthographique du MELS (2014). Dans la section suivante, nous formulons les limites de notre recherche en lien avec nos participants et notre matériel expérimental.