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2. CADRE THÉORIQUE

2.1 Les notions de base en morphologie

2.1.1 La définition des différents types de morphèmes

Si les termes racine, base et radical sont associés de près au domaine de la morphologie, ils ne sont pas employés de façon uniforme dans les ouvrages linguistiques. Il importe donc, avant de préciser les termes que nous retenons aux fins de la présente recherche, de rapporter les principales définitions qui sont présentées dans ces ouvrages. Selon Corbin (1987), il existe deux catégories de morphèmes : les racines ou bases, qu'on peut aussi appeler morphèmes lexicaux ou lexèmes, et les affixes, qu’on retrouve aussi sous l’appellation morphèmes grammaticaux. Les racines servent à donner une identité sémantique aux mots, c’est-à-dire leur donner un sens, tandis que les affixes intègrent le mot formé dans des séries ou catégories (Gardes-Tamine, 2010). Par exemple, dans le mot patineur, patin- est une racine (puisqu’il permet d’identifier le sens du mot) et -eur est un affixe qui accorde au mot ainsi formé l’appartenance à la série celui qui, de laquelle font partie d’autres mots semblables comme danseur, travailleur, chanteur, etc. Bien que Corbin (1987) associe les racines et les bases aux lexèmes, ce n’est pas le cas de tous les auteurs.

Ainsi, selon Huot (2005, p.51), la racine est « […] la plus petite suite de sons pourvue d’un sens qui assure à une unité lexicale son individualité parmi l’ensemble des autres unités du lexique ». Le terme racine renvoie ainsi à la partie insécable d’un mot (c.-à-d. qui ne peut être séparée). La racine porte donc une identité lexicale (nom, adjectif, verbe) qui lui est propre, sans toutefois être toujours autonome d’un point de vue linguistique. Par exemple, dign- et

[ité]N]) et jeunesse ([[jeunADJ] [esse]N]) (Huot, 2005). La définition d’un radical et d’une base semble un peu moins simple pour cette auteure, qui les emploie sans distinction. Selon elle, ces termes n’ont pas de statut théorique précis ni de définition formelle, comme c’est le cas pour la racine, et ceci expliquerait pourquoi ils sont souvent employés de manière interchangeable dans les différents travaux traitant de morphologie. Quoi qu’il en soit, pour Huot (2005), un radical ou une base constituerait un segment de départ, souvent un mot complet, qui servirait à la formation de nouveaux mots, sans toutefois en être la racine. Par exemple, si le mot chemise se dérivait en chemisier et en chemisette, c’est chemis- qui en constituerait la racine (et non pas chemise). Selon Ferrand (2007), une racine serait un morphème de base libre qui peut exister seul (au contraire des affixes). La base, elle, constituerait un mot entier à partir duquel se forment d’autres dérivés, et le résultat de la suppression des affixes autour de cette base permettrait d’obtenir la racine. Par exemple, jouer serait la base de joueur, et la racine commune à ces deux mots serait jou. Enfin, selon Gardes- Tamine, la racine serait une sorte de « moule » sur lequel se fonderaient toutes les formes des mots dits de même famille; toutefois, il ne serait pas possible dans la langue française d’établir la présence de telles racines en raison des origines variées des mots du français. Toujours selon cette auteure, la base constituerait un morphème libre et, la plupart du temps, autonome qui serait visible lorsque l’on enlève ses affixes. Par exemple, la suppression du -ir dans irréalisable donne la base réalisable et la suppression du -able dans réalisable permet l’obtention de la base réalis-. Le morphème qui constitue la base minimale du mot et qui est plus petit que la base en tant que telle est le radical (Gardes-Tamine, 2010). Dans le cas de irréalisable, le radical est réal, qui vient de réel.

On peut retenir de ces définitions conceptuelles que tous les auteurs cités établissent que le morphème de base libre qui peut exister seul et qui correspond à une unité syntaxique (N, ADJ, V) est à l’origine de tout mot construit. Selon Ferrand (2007) et Huot (2005), le terme approprié pour désigner ce morphème de base serait racine, alors que pour Gardes-Tamine (2010), il s’agirait du terme radical. Les trois auteurs s’entendent pour dire que la racine/le radical est le morphème minimal, c’est-à-dire qu’il ne peut pas être analysé morphologiquement une fois ses affixes ôtés. La base serait, elle, communément définie par ces auteurs comme étant plus générale que la racine. La base est le mot ou la partie de mot à

laquelle s’adjoignent des affixes, ce sont donc les morphèmes qui permettent d’obtenir le mot dérivé. Pour illustrer ces propos, le tableau 2 présente comment peuvent être qualifiées chacune des parties d’un mot dérivé selon les trois auteurs cités.

Tableau 2 : Démonstration de la typologie employée pour qualifier les différents morphèmes du mot

impardonnable.

Huot (2005) Ferrand (2007) Gardes-Tamine (2010)

pardon- racine racine radical8

pardonnable

(dans impardonnable) base9 base base

Dans le cadre de la présente recherche, nous retiendrons les termes et les définitions qui suivent:

Radical: morphème de base libre qui peut exister seul et qui détient une identité syntaxique (N, ADJ, V, etc.). C’est la partie insécable d’un mot qui ne contient aucune affixe, par exemple, pardon dans pardonner. Notons qu’il arrive que le radical ne soit pas entier, comme clign(e) dans cligner.

Base : mot entier qui sert à former des dérivés. Par exemple, le radical pardon- qui est un mot entier sert de première base pour former le mot pardonner. Le mot pardonner sert ensuite de base à la construction de pardonnable qui lui sert ensuite de base pour le mot impardonnable.

Affixe : morphème grammatical dénué d’autonomie linguistique qui s'adjoint à une base. En français, il existe deux types d’affixes, soit les préfixes et les suffixes.

La prochaine sous-section présente les caractéristiques propres à ces deux types d’affixes.