• Aucun résultat trouvé

À ce jour, le démonstrateur d’HV simulant les effets de la fatigue musculaire sur la réali-sation d’une tâche répétitive n’a été mis en œuvre que pour une tâche de laboratoire. Il sera nécessaire de l’appliquer également à des activités représentatives d’un contexte profession-nel. En effet, celles-ci mettent en jeu des interactions avec l’environnement qui n’interviennent pas lors d’une activité de pointage (application de forces, charge mentale, etc.).

Indépendamment du type d’activité considéré, quelques pistes de réflexion ou d’amélio-ration concernant la mise en œuvre de ce démonstrateur sont présentées ci-après.

6.2.1 Mise en œuvre du modèle de fatigue XFL

Le paramétrage par défaut du modèle de fatigue XFL permet de simuler un temps d’achè-vement en cohérence avec les observations expérimentales : cela confirme l’intérêt potentiel de ce type de modèle pour l’aide à la conception de poste de travail. Pour autant, la per-sonnalisation des paramètres de ce modèle semble délicate si l’on veut rendre compte des caractérstiques d’un sujet particulier. Cela pourrait être lié à l’expression de la consigne d’ef-fort TL dans le modèle XFL (cf. section 5.2.2.1), et donc à la valeur d’effort maximal Γmax pouvant être produite.

Dans ces travaux, comme dans l’usage courant de certains mannequins numériques de CAO, nous avons considéré que le couple d’actionnement maximal de chaque degré de liberté est constant. Cette hypothèse est très simplificatrice : la littérature a établi, d’une part, que le couple d’actionnement maximal d’une articulation, même à un seul DDL, dépend de son état courant selon une caractéristique Torque-Velocity-Angle (TVA : Γmaxi = f (qi, ˙qi) [198]) ; d’autre part, pour une articulation complexe comme l’épaule, l’effort maximal selon un DDL dépend également des autres DDL (Γmaxi = f (q, ˙q) [254]). Une piste d’amélioration de notre démonstrateur serait donc de pouvoir disposer d’une meilleure estimation dynamique de Γmaxi .

Les données d’effort maximal étant très complexes à mesurer expérimentalement, le re-cours à un modèle musculo-squelettique pourrait être envisagé. Le logiciel OpenSim pourrait

6.2.2 Simulation de la fatigue en continu ou par échantillonnage ?

Les simulations réalisées pour cette thèse ont été calculées en continu : depuis l’instant initial (sans fatigue) jusqu’à l’achèvement (fatigue extrême). Le rapport entre le temps de calcul et la durée de simulation étant de l’ordre de 1,5, ce type de calcul n’est envisageable que pour des activités de courte durée ou très sollicitantes, mais pas pour l’activité d’une journée de travail à niveau d’effort modéré.

Dans le cadre d’une évaluation des facteurs de risques au poste de travail, l’objectif du concepteur n’est pas de calculer un temps d’achèvement, mais plutôt de déterminer l’évo-lution des postures et des efforts dans le temps. Il serait donc intéressant de valider si n simulations de l’activité élémentaire pour différentes valeurs de l’état de fatigue (par exemple pour BE = 10, 20, 30...90 et 100%) peuvent être représentatives de la simulation de l’activité en continu. Cette étude n’a pas été réalisée dans le cadre de ces travaux (la survenue de la fatigue est concentrée sur un seul DDL), mais pourrait être nécessaire dès lors que plusieurs DDL interdépendants se fatiguent. L’analyse d’une telle activité, expérimentale ou simulée, pourrait en outre apporter des connaissances nouvelles en termes de contrôle moteur.

6.2.3 Paramétrisation de l’activité et du contrôle de l’HV

Pour ces travaux de thèse, l’activité répétitive de pointage a été effectuée en position debout. Ce choix, basé sur la littérature récente dans le domaine de la VM, a induit la nécessité d’introduire une tâche de maintien de l’équilibre dans le contrôleur de l’humain virtuel. Cette gestion de l’équilibre est un problème complexe. Dans notre contrôleur, elle a été implémentée sous la forme de deux tâches, l’une en position (CoMTask) et l’autre en orientation (FrameTask) ; celles-ci induisent un comportement de l’HV plus conservatif que celui observé expérimentalement, pouvant potentiellement limiter les adaptations de l’HV à la fatigue. La simulation d’une tâche répétitive du membre supérieur en position assise serait intéressante pour estimer l’effet limitant de la contrainte d’équilibre.

De fait, la détermination des poids et priorités des tâches appliquées à un contrôleur corps-entier de type Quadratic Programming (QP), comme celui de notre démonstrateur, reste un problème complexe. Pour les simulations décrites dans ce document, le paramétrage des tâches de contrôle a été déterminé empiriquement. Des travaux récents cherchent à dé-terminer ces paramètres de manière robuste et performante par apprentissage [256]. De telles méthodes pourraient faciliter la paramétrisation de notre simulateur, à la fois pour ajus-ter une simulation au mouvement d’un sujet, et pour proposer différentes paramétrisations rendant compte de la variabilité inter-sujet.

6.3.1 Analyse et compréhension du mouvement humain

Une contribution des travaux de cette thèse concerne l’exploitation de données expéri-mentales de mouvements pour la mise en évidence de la VM, notamment la recherche de « points de rupture » dans les séries temporelles de descripteurs du mouvement. Cette analyse pourrait permettre d’identifier des stratégies d’adaptation à la fatigue et, in fine, modéliser spécifiquement celles-ci sous forme de fonctions de coût et de lois de commandes d’HV, avec des applications possibles dans les domaines de l’ergonomie ou du contrôle moteur. La mé-thode PIP-LP mise en œuvre pour détecter ces points de rupture est rapide à implémenter, mais elle ne valorise pas les corrélations entre les séries temporelles considérées. Des travaux récents, basé sur le modèle statistique du Bernoulli Detector, pourraient apporter un éclairage utile sur cette question [257]. Les apports d’autres outils issus des techniques du data-mining pourraient également être mis à profit, afin de mieux comprendre le mouvement humain et son contrôle. En particulier, il serait intéressant de mettre en œuvre ces méthodes sur cha-cune des classes de coordinations identifiées, par exemple, par la classification hiérarchique des données issues de l’ACP de la cinématique articulaire.

6.3.2 Application à d’autres sources de VM pour l’ergonomie du poste de travail

Le démonstrateur développé introduit une modulation du contrôle de l’HV pilotée par un modèle de fatigue. D’autres sources de VM sont également connues, notamment l’ap-prentissage et l’expertise, ou le vieillissement de l’opérateur. Dans le domaine de l’activité professionnelle, ces trois phénomènes de fatigue, d’apprentissage et de vieillissement sont d’ailleurs des défis sociaux majeurs : leur prise en compte est essentielle pour prévenir les risques liés aux sollicitations biomécaniques, à l’organisation du travail (turn-over) ou à la démographie (pyramide des âges). Cette question se pose en particulier dans le cadre du développement de l’Industrie 4.0, notamment pour l’interaction homme-robot : si la VM doit être préservée pour protéger l’appareil locomoteur des opérateurs, elle doit aussi être prise en compte et favorisée dans les situations robotique collaborative, donc leur contrôle doit pouvoir s’adapter à la VM de chaque opérateur. Cela constitue un défi scientifique et technique alors que la cobotique se déploie progressivement dans l’industrie manufacturière.