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PARTIE 1 Agromine du nickel,

2. Prélèvement du métal par la plante, transport et stockage

2.1. La phytodisponibilité

2. Prélèvement du métal par la plante, transport et stockage

L’optimisation de la phytoextraction implique la compréhension des mécanismes. Pour être

prélevé par la plante, le métal doit être présent dans le sol et phytodisponible. Les concepts de

mobilité, bio et phytodisponibilité sont définis dans la première partie. À partir de là, les influences

de certains paramètres abiotiques ou biotiques sur le prélèvement du métal par la plante seront

décrites. On s’intéressera ensuite à la translocation du métal vers les parties aériennes, aux formes

chimiques du métal transporté et à sa localisation dans les tissus. Enfin, les plantes

hyperaccumulatrices produisent des métabolites secondaires, pouvant jouer un rôle sur la

spéciation du métal et susceptibles d’avoir un intérêt appliqué.

2.1. La phytodisponibilité

Les plantes n’ont pas accès à la totalité du métal présent dans un sol. La connaissance de la

concentration totale d’un métal ne permet pas de prévoir la concentration disponible pour la

plante. Même si une relation positive est observée entre les concentrations pseudo totales de Ni

et Co dans le sol et celles dans la plante (Galardi et al. 2007b), la toxicité ou l’hyperaccumulation

ne peuvent être déduites directement de la concentration totale. Les notions de mobilité et de

biodisponibilité sont fondamentales.

La mobilité d’un métal peut se définir comme sa capacité à être transféré de la phase solide du

sol à la solution. Il pourra alors être transporté par l’eau et, dans certains cas, passer dans les

organismes vivants. La mobilité du Ni et des ETM en général dépend de la spéciation, gouvernée

par les interactions bio-physico-chimiques en phases hétérogènes (e.g. précipitation/dissolution,

sorption/désorption) et en phase aqueuse (dissociation, complexation, oxydo-réduction). La

biodisponibilité d’un élément correspond à sa disponibilité pour les organismes vivants,

c’est-à-dire qu’il peut être transféré dans cet organisme (Bourrelier et Berthelin 1998). La

phytodisponibilité d’un élément, c’est-à-dire sa capacité à être transféré du sol vers la plante

correspond aux métaux en solution et à la fraction des métaux légèrement adsorbés et

désorbables pendant la croissance des plantes (Figure 3).

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Ainsi la phytodisponibilité dépend de trois processus successifs (Bourrelier et Berthelin 1998). Le

premier est l’offre du sol en l’élément vers la solution du sol, gouvernée par les interactions

bio-physico-chimiques citées plus haut. Le second concerne le transport de l’élément vers les surfaces

racinaires par diffusion ou advection. Le troisième est le prélèvement de l’élément par les cellules

racinaires suivi du transport et de la distribution dans la plante.

La mobilité et la biodisponibilité d’un métal donné dépendent du sol et des processus induits par

les conditions climatiques, la faune et la flore et les pratiques agricoles (Morel 1996). On peut

classer les paramètres d’influence en deux catégories : abiotique et biotique, même si les deux

sont interdépendants.

Les paramètres abiotiques majeurs sont :

le pH et le potentiel redox (Eh) (Brown et al. 1994; Chardot 2007; Jean 2007): leur rôle

combiné sur la spéciation d’un élément donné peut être visualisé par un diagramme potentiel-pH,

comme par exemple celui relatif au Ni (Figure 4). Dans l’ensemble, un pH faible favorise la forme

Ni

2+

. Toutefois, le pH et le potentiel redox gouvernent aussi la spéciation des autres métaux. Ainsi,

de faibles valeurs d’Eh favorisent la solubilisation des minéraux porteur de Ni (hydroxydes de Fe

et de Mn). En conditions d’aération limitante (inondation, battement de nappe), les

(oxy)hydroxydes de Fe et Mn sont réduits et solubilisés, et libèrent les éléments métalliques qui

leur sont associés (Davranche et Bollinger 2000; Jean 2007). Les variations de pH entrainent une

modification de la spéciation des éléments métalliques. Sur des sols très acides, l’augmentation de

pH provoque une diminution de la solubilité des cations métalliques (Mellis et al., 2004 ; Jean,

2007). Le pH du sol est optimum pour la mobilité et donc la disponibilité du Ni lorsqu’il est

modérément acide, entre 6 et 7. Cependant, en culture hydroponique, le pH des solutions est

souvent ajusté à des pH plus acides, entre 5,5 et 6 (Hu et al. 2013; Deng et al. 2014). Bien qu’il

soit conseillé de maintenir le pH entre 4,5 et 6,2 (Chaney et al. 1998), un pH en dessous de 4,6

peut entrainer une diminution de la biomasse produite (Robinson et al. 1999). Par ailleurs, la

modification du pH, selon le réactif employé, peut être défavorable au transfert du métal, même

dans une gamme de pH modérément acide (Robinson et al. 1999). Le potentiel redox intervient

dans la mise en solution du Ni. De faibles valeurs d’Eh favorisent la solubilisation des minéraux

porteur de Ni (hydroxydes de Fe et de Mn) et contribuent donc à l’augmentation de la

concentration en solution de Ni.

 La capacité d’échange cationique (CEC) caractérise la capacité d’un sol à stocker et

restituer les éléments minéraux sur le complexe argilo-humique. Lorsque les particules fines

d’argile sont chargées négativement et que la CEC est élevée, elles adsorbent les particules de

charges opposées. De ce fait, les cations métalliques peuvent se fixer à la surface des particules

d’argile, entrainant une baisse de leur disponibilité (Barillot 2012). La disponibilité dépend aussi

des minéraux auxquels est lié le Ni, particulièrement dans les contaminations d’origine

anthropique (Massoura et al. 2006). Les oxydes, hydroxydes et (oxy)hydroxydes de fer, sont

présents en abondance dans les sols. Ils interviennent dans les réactions d’oxydo-réduction et

dans les réactions d’échange cationique. Ils possèdent une forte capacité d’adsorption et jouent

alors un rôle prépondérant dans la sorption des ions métalliques.

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Figure 4 _ Diagramme potentiel pH du Ni pour c=10

-2

mol L

-1

(d’après

http://lycees.ac-rouen.fr/galilee/images/nickelpotentielpH.jpg)

Ces paramètres donnent des tendances mais ne suffisent pas à prédire la spéciation des métaux

ni leur répartition entre les phases aqueuse, solide et colloïdale. Dans les cas les plus simples, la

spéciation peut être calculée à l’aide d’un code géochimique comme CHESS (développé par l’École

des Mines de Paris, J. van der Lee et L. De Windt, 2002,

http://chess.geosciences.mines-paristech.fr/) ou PHREEQC (développé par l’United States Geological Survey).

Les paramètres biotiques peuvent aussi moduler la disponibilité des polluants.

Les rhizodépôts peuvent jouer un rôle important dans la solubilisation des métaux : les

acides organiques de faible masse molaire influencent l’acquisition du métal, en formant des

complexes avec le métal et en diminuant le pH à proximité des racines (Nascimento et Xing 2006).

Ainsi, les rhizodépôts ont une action directe sur la phytoextraction en augmentant la

biodisponibilité du métal, et un effet indirect en agissant sur les bactéries qui vont augmenter la

biodisponibilité du métal.

Les microorganismes du sol produisent des métabolites tels que des biosurfactants, des

acides organiques ou des sidérophores, qui facilitent la biodisponibilité du métal dans le sol en

libérant le Ni des phases non solubles (Rajkumar et Freitas 2008; Ma et al. 2009). Ainsi, les

microorganismes du sol augmentent la biodisponibilité en agissant i) directement sur les

complexes du sol, et ii) sur les plantes, et donc indirectement sur les métaux. Par ailleurs, les

bactéries interagissent avec les plantes en diminuant le stress de la plante lié au métal et/ou en

stimulant sa croissance. L’action des racines peut dissoudre certaines phases porteuses de métaux

dans le sol (Fellet et al. 2009).

La disponibilité dépend d’un grand nombre de processus couplés et ne peut être prédite

simplement. En revanche, elle peut être mesurée par extraction avec certains complexants. Pour

le Ni, trois extractants sont majoritairement utilisés en raison de la forte corrélation entre le Ni en

solution extrait de la matrice sol par l’extractant, et celle dans les parties aériennes : l’acétate

d’ammonium (Proctor et Woodell 1975; Robinson et al. 1997b), l’acide diéthylène tri-amine

penta-acétique ou DTPA (Lindsay et Norvell 1978; Echevarria et al. 1998) et le nitrate de

strontium (Madden 1988; Siebielec et Chaney 2006). Ces extractions donnent une bonne