PARTIE 1 Agromine du nickel,
4. Le génie pédologique pour valoriser des déchets métalliques
4.2. La construction de sol
extrêmement toxiques pour les organismes. Le recyclage des métaux issus de ces déchets peut
être une nouvelle voie d’approvisionnement en métaux et les plantes pourraient être les acteurs
de ce recyclage. La récupération par voie biologique nécessite de trouver une issue pour cultiver
les plantes sur ces déchets. La mise au point de substrat à partir de ces déchets est une solution.
Même si la réhabilitation in situ de site miniers ou la végétalisation de site industriels ont déjà été
testées, la formulation de sols à partir de déchets confinés n’a pas été expérimentée. C’est une des
pistes de recherche développée dans le projet LORVER. L’élaboration d’un substrat pour
l’agromine requiert différentes caractéristiques : des propriétés chimiques et physiques
permettant le développement des plantes, soit une fertilité chimique, physique et la présence de
métaux disponibles. La première piste à envisager est la culture des plantes sur le matériau seul.
Par ailleurs, il faut sélectionner des plantes aptes à se développer sur ces matrices originales et
capables de récupérer et concentrer les métaux d’intérêts. Les connaissances de la végétalisation
de sites fortement contaminés et de la construction de sol appuient le développement de ces
nouveaux substrats aux propriétés extraordinaires.
4.2. La construction de sol
L’élaboration de substrats fait appel à l’ingénierie pédologique et, en particulier, à la
construction de sol. Cette ingénierie a été développée récemment, s’appuyant sur l’utilisation de
terres et déchets industriels (Séré 2007) et de déchets urbains (Rokia 2014). Le sol construit est
formulé en fonction des usages auxquels il est destiné et donc des services attendus. Un service
d’approvisionnement en biomasse, dans le cadre de l’agromine, nécessite un substrat fertile, i.e.
avec des propriétés agronomiques favorables au développement des végétaux, telles que le
contenu en matières organiques et le pH, d’autres paramètres tels que le C total, P disponible et la
CEC peuvent être mesurés (Rokia 2014; Yilmaz et al. 2016).
Trois projets de recherche ont successivement permis de développer des connaissances et des
expériences sur la construction de sol : BIOTECHNOSOL, SITERRE et LORVER. Le projet
BIOTECHNOSOL (BIOdiversité et fonctionnement d’un TECHNOSOL construit utilisé dans la
restauration de friches industrielles), financé par Gessol, a étudié la dynamique de colonisation
d’un technosol par les organismes vivants et leurs effets sur la pédogénèse de celui-ci. Une parcelle
d’1 ha a été construite en 2007 sur la plateforme expérimentale du GISFI suite à un procédé
développé dans le cadre d’un partenariat entre le Laboratoire Sols et Environnement et le Groupe
TVD (Séré 2007). Le Technosol a été élaboré à partir de sous-produits papetiers, de terre
industrielle traitée et de compost (Séré et al. 2008) Le programme de recherche SITERRE
(Procédé de construction de Sols à partir de matériaux Innovants en substitution à la TERRE
végétale et aux granulats de carrière), porté par Plante & Cité et financé par l’ADEME, s’est déroulé
de 2011 à 2015 et a donné lieu à un ouvrage (Damas et Coulon 2016). Ce projet a développé une
démarche de génie pédologique pour parvenir à la construction de sols avec deux
objectifs recherchés: fertilité et portance du substrat. À partir du Catalogue Européen des Déchets,
les matériaux sont sélectionnés en fonction de leurs propriétés et selon différents critères (Figure
8). Au final, onze matériaux sont retenus : compost, déchets verts, boue de station d’épuration,
sous-produits papetiers, déchets de balayage de rue, deux terres excavées (acide et basique),
béton, briques, déchets de bâtiments et ballasts. Ils sont agencés par deux ou trois afin de proposer
des formulations adaptées aux usages en milieux urbains, squares et parcs urbains d’une part, et
fosses de plantation d’arbre d’alignement d’autre part.
43
Figure 8 _ Synthèse des étapes de sélection des matériaux dans le cadre du projet SITERRE(Rokia
2014)CED : Catalogue Européen des Déchets
Dans le cadre du projet LORVER, l’objectif est de valoriser les sous-produits par la construction
de sol afin de produire de la biomasse pour différents usages (cf. Introduction générale et Figure
9). Des sols ont été construits d’abord à l’échelle de petites parcelles (15*15 m) puis d’autres
parcelles à l’échelle supérieure (plus de 1 ha), en vue de produire de la biomasse à vocation
industrielle (peuplier, chanvre, ortie). Les petites parcelles sont contaminées en métaux lourds et
ont pour objectif d’observer le transfert ou non des contaminants dans la biomasse et si les
propriétés des végétaux sont modifiées du fait de la présence de métaux (Kanso 2016). Les plus
grandes parcelles sont exemptes de contaminants et vont permettre de produire de la biomasse à
usage non alimentaire et démontrer la faisabilité d’un approvisionnement en biomasse produite
sur des sols construits. L’ensemble des formulations s’appuie sur la volonté d’employer des
sous-produits délaissés et de créer des sols durables pour les décennies à venir.
Figure 9 _ Schéma conceptuel du projet LORVER, de la construction de sol à la valorisation de la
biomasse produite
Dans le cadre de cette thèse et comme évoqué ci-avant, le travail aura pour objectif de répondre à
cette dernière production (hydrométallurgique). Le substrat élaboré contiendra donc des métaux
et sa durée de vie sera celle de l’exploitation de son contenu en métal. Ainsi, un seul horizon est
44
élaboré pour permettre la croissance et le développement des plantes. Le choix des matériaux et
la formulation du substrat sont donc effectués en fonction des services attendus (Figure 10).
Figure 10 _ Schéma conceptuel des objectifs de la construction de sol
Les sols ainsi créés dans ces projets, étant donné la présence importante de matériaux
technogéniques, sont classés parmi les Technosols selon la classification World Reference Base
for Soil Resources (WRB). Si les processus pédogénétiques peuvent être comparés entre ces sols
et les sols naturels (Huot et al. 2013), l’association de ces processus au sein du même Technosol
peut s’avérer originale du fait de l’assemblage de matériaux aux propriétés physico-chimiques
particulières, ainsi qu’à la forte hétérogénéité présente (Séré et al. 2010; Huot et al. 2015b).
L’altération des matériaux technogéniques, tels que les déchets industriels, est rapide et intense
(Zevenbergen et al. 1999) et entraine une évolution plus rapide et intense des Technosols dans
les premiers temps après leur mise en place que dans les sols naturels (Séré 2007). Les propriétés
des Technosols sont fortement liées à celles des matériaux parents (Zikeli et al. 2004; Huot et al.
2014; Rokia et al. 2014). Dans le cadre de production de biomasse, le type de matière organique
peut ainsi jouer un rôle essentiel (Vidal-Beaudet et al. 2016). Ainsi, lors de la construction de sol,
le choix des constituants initiaux est primordial.
Cette démarche s’applique à sélectionner des matériaux délaissés, sous- produits ou matériaux
secondaires non valorisés ou bien des déchets non ré-employés. Elle constitue ainsi une
alternative à l’utilisation des ressources non renouvelables (terre agricole, tourbe). La
combinaison de matériaux complémentaires permet d’améliorer le potentiel de fertilité du
substrat. Ainsi, sur une terre traitée le développement racinaire est meilleur en présence d’un
amendement (Séré et al. 2008). Les déchets utilisés peuvent être classés en différentes catégories
selon leurs propriétés et leurs avantages d’utilisation :
les matériaux grossiers participent à l’aération du substrat (déblais, gravats, briques,
granulats…) ;
les matériaux avec une importante capacité de rétention en eau constituent une réserve
d’eau dans le substrat améliorant le développement des plantes (boues de papeterie, compost) ;
les composés organiques augmentent les capacités de rétention des éléments et diffusent
des nutriments pour le développement des plantes (biochar, compost…).
Les matériaux délaissés représentent un gisement non négligeable de ressources non valorisées.
Par exemple, à l’échelle de la Lorraine, plusieurs dizaines de milliers de tonnes de matériaux sont
Formulation d’un substrat à partir de délaissé(s) Créer un écosystème pérenne Créer un substrat temporaire pour la phytoextraction Objectifs en termes de service écosystémique Formuler un horizon de surface, avec 2 objectifs : optimiser la fertilité et optimiser la
phytodisponibilité des métaux
LORVER Création d’un sol structuré en différents horizons BIOTECHNOSOL SITERRE Recyclage de déchet Végétalisation Infiltration de l’eau Biodiversité Recyclage de déchet Production de biomasse contenant des métaux
Dans le document
Hyperaccumulation du nickel sur des substrats élaborés pour l’agromine
(Page 52-55)