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Physiopathologie de la toxine STb

L’équipe de notre laboratoire a montré l’internalisation de la toxine STb dans des cellules épithéliales intestinales et fibroblastiques de rat, de porc et de souris (Labrie et al., 2002 ; Penel et al., 2005 ; Dubreuil, 2006a) et la perméabilisation qui en résulte (Beausoleil et al., 2002 ; Gonçalves et al., 2007). Le modèle des anses ligaturées de rat a révélé que l’internalisation de STb est essentielle à l’expression de sa toxicité et donc à la diarrhée (Labrie et al., 2002). La lignée cellulaire épithéliale HT-29, issue du colon humain, a également permis de mettre en évidence la liaison de STb à la membrane cellulaire et sa distribution dans le cytoplasme (Chao et Dreyfus, 1997).

Récemment, nous avons pu observer par analyse en cytométrie en flux l’internalisation de STb dans des cellules mammaires humaines (Albert et Dubreuil, non-publié). À l’aide de vésicules de la bordure en brosse de jéjunum de porcelets, la formation de pores non-spécifiques par cette toxine a aussi pu être démontrée (Gonçalves et al., 2007). Beausoleil et al. (2002) avaient déjà constaté l’internalisation accrue du bleu de Trypan via ces pores dans des cellules en culture traitées par STb, dont les HT-29. Cette même lignée cellulaire répondait à STb par une augmentation de calcium intracellulaire comme cela a également été démontré

Toxines et fonctions cholinergiques neuronales et non neuronales 103 chez des cellules de chien (Madin-Darby Canine Kidney)

et de rat (cellules pituitaires primaires) (Dreyfus et al., 1993). Pour que STb agisse, il doit donc reconnaître son récepteur, le sulfatide, et être ensuite internalisé probablement après la formation de pores transitoires non-spécifiques. Ces données confirment encore la présence du récepteur et les effets biologiques de la toxine STb, non seulement chez des cellules d’espèces animales différentes dont l’Homme, mais aussi chez des cellules d’origines tissulaires différentes.

Dans les chambres de Ussing, Weikel et al. (1986) ont observé que le surnageant d’une culture de la souche porcine P16 qui produit exclusivement STb n’est pas actif sur l’iléon prélevé chez l’Homme adulte (deux individus).

Ils ont conclu de cette observation limitée, que l’iléon humain adulte ne peut répondre à STb, cela dû à l’absence de récepteur spécifique à l’entérotoxine dans ce tissu. Les tests n’ont cependant pas été réalisés chez l’enfant ou sur d’autres sections de l’intestin adulte. Chez le rat en effet, l’intensité des sécrétions varie selon le segment intestinal traité (Harville et Dreyfus, 1995).

Maintenant que la nature chimique du récepteur pour STb et sa présence au niveau des cellules épithéliales de l’intestin humain sont connus, ces résultats seraient à reconsidérer.

L’entérotoxine STb peut causer l’accumulation de fluides dans les anses ligaturées de porcelets (Whipp, 1987) ainsi que de poulet (Akashi et al., 1993), de lapin (Burgess et al., 1978), de rat et de souris ( Whipp, 1990;

Fujii et al., 1995 ; Harville et Dreyfus, 1995). Ce phénomène est observé chez des animaux autres que le porc et le poulet, par l’ajout à la préparation de STb testée, d’anti-trypsine, inhibiteur de la dégradation de la toxine par les protéases endogènes présentes dans la lumière intestinale en quantité variable selon l’espèce animale. Il faut cependant mentionner que cet ajout est nécessaire lorsqu’un surnageant de culture ou une préparation purifiée de STb est testé, mais non dans le cas d’une souche productrice de STb (Okamoto et al., 1993). In vivo, l’étape préalable à l’infection par les ETEC est l’adhésion intime à l’épithélium intestinal avant la sécrétion localisée de facteurs de virulence comme les toxines. Il est donc probable que dans ces conditions, les toxines sécrétées soient protégées des enzymes intestinales par l’attachement intime de la bactérie aux entérocytes et qu’elles induisent malgré tout les perturbations cellulaires.

Au cours des nombreuses productions et purifications de la toxine STb réalisées dans notre laboratoire, nous avons observé fréquemment l’apparition rapide de diarrhée aqueuse chez les personnes dédiées à cette tâche. Malgré les mesures adoptées pour éviter ces intoxications, il semble que la manipulation de grandes quantités de toxine (plusieurs mg) a souvent pour conséquence la contamination des laborantins. Bien que d’autres causes soient possibles, cette observation quoique anecdotique pourrait plaider en faveur d’un rôle de STb dans la diarrhée humaine. Elle laisse penser que STb peut agir même en présence de protéases intestinales. Toutefois, des doses très élevées de toxine étaient en cause, pouvant expliquer qu’une certaine quantité n’était pas hydrolysée par les enzymes protéolytiques. Cette quantité de toxine résiduelle serait alors libre d’interagir avec l’épithélium intestinal.

Conclusion

Au cours de l’évolution, les bactéries ont développé un éventail de facteurs de virulence leur permettant de

s’adapter à divers hôtes et de les coloniser. La toxine STb est un facteur de virulence exprimé par les E.coli infectant et causant la diarrhée aqueuse chez le porc.

Chez l’Homme, les toxines LT et STa sont des déterminants de virulence importants. Par contre, le faible taux de souches de E. coli isolées chez l’Homme atteint de diarrhée et ne produisant que la toxine STb semble aller à l’encontre d’un tropisme particulier de STb pour les tissus humains. L’homologie de séquence entre la toxine retrouvée dans les isolats diarrhéiques humains et celle associée au porc étaye également l’hypothèse que l’Homme n’est pas la cible préférentielle des E. coli exprimant STb. La contamination humaine à partir d’un réservoir animal est donc plus vraisemblable. La prévalence de l’adhésine AIDA-I chez le porc, un facteur de colonisation porcin ayant une grande homologie de séquence primaire avec AIDA-I humain, suggère notamment qu’une souche AIDA-I/STb pourrait être facilement transmise de l’animal à l’Homme et permettrait l’expression de la toxicité de STb chez l’humain. La toxine sécrétée rencontrerait son récepteur présent à la surface de l’épithélium intestinal de l’Homme. Elle entraînerait la diarrhée aqueuse, après internalisation, formation de pores non-spécifiques et effets intracellulaires dont une augmentation de calcium, comme observé in vitro avec la lignée HT-29 issue du colon humain.

En conclusion, on ne peut nier l’implication occasionnelle de la toxine STb comme agent causal de diarrhée chez l’Homme. Les études récentes apportent une meilleure compréhension des mécanismes impliqués et confirment que l’humain est une cible potentielle des E. coli exprimant STb.

Remerciements. Nous remercions Jacinthe Lachance pour le travail infographique.

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Présence d’un variant de la toxine STb d’Escherichia coli chez