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Phylogénie et conservation des éléments du changement de type sexuel dans le clade des

I. Introduction

I.10 Phylogénie et conservation des éléments du changement de type sexuel dans le clade des

Les Nakaseomyces forment un clade de levures proches phylogénétiquement de

S. cerevisiae (Figure 18).)

Figure 18. Arbre phylogénétique de 22 espèces des Saccharomycotina (d’après (Gabaldón et al., 2013)). L’arbre a été construit par la méthode de maximum de vraisemblance par l’alignement concaténé des 603 gènes orthologues un à un. Les gènes orthologues choisis sont partagés par les 22 espèces. Les espèces écrites en rouge représentent des espèces pathogènes de l’être humain. Les événements d’évolution importants comme la duplication complète du génome (WGD pour Whole genome duplication) ou la transition du code génétique (CTG) dans le clade Candida sont notés sur l’arbre. Les espèces faisant parties du clade des Nakaseomyces sont écrites en caractères gras. * : espèces pathogènes opportunistes de l’être humain.

55 Ce clade contient des espèces qui se différencient à la fois par leur mode de vie et leur mode de reproduction. Cinq des Nakaesoymces sont uniquement isolés sous forme de cellules haploïdes de type sexuel MATalpha ou bien MATa, alors que l’espèce

Nakaseomyces bacillisporus est diploïde (Fabre et al., 2005). Le fait que quatre espèces

des Nakaseomyces portent en nom de genre « Candida » ne signifie pas un lien de parenté proche avec les autres espèces pathogènes Candida incluant C. albicans. Ainsi,

C. nivariensis, C. glabrata, C. bracarensis et C. castelli portent le nom de genre Candida

uniquement en raison de leur apparente asexualité. Ce nom, donné avant que l'on ne séquence des génomes de levure, ne décrit ainsi pas un clade monophylétique, et est distribué sur tout l'arbre des Saccahromycetales. Ce nom devrait être abandonné (sauf pour le clade de C. albicans, le seul à le conserver), à la suite de l'établissement d'arbres basés sur la phylogénie moléculaire, mais il est néanmoins largement utilisé, ce qui justifie que nous l'utilisions nous-mêmes. N. bacillisporus, N. delphensis et C. castelli sont trois espèces environnementales : elles n’ont été isolées que dans l’environnement (arbres, fleurs, fruits, respectivement) alors que C. nivariensis, C. glabrata et C.

bracarensis sont des pathogènes opportunistes de l’être humain : elles ont été décrites à partir de prélèvements humains. Néanmoins, certaines souches de C. glabrata sont isolées dans des environnements non humains mais anthropisés (Brisse et al., 2009). Ces pathogènes sont responsables de candidoses et notamment de candidémies (infection du sang causées par des espèces Candida) (Angoulvant et al., 2015). Le plus connu, C. albicans, est une espèce commensale qui colonise de manière asymptomatique l’être humain sain mais peut aussi causer des infections superficielles des muqueuses (mycoses orales ou vaginales) chez des individus sains (Poulain, 2015), le plus souvent suite à un déséquilibre de la flore microbienne, par exemple après une prise d’antibiotiques. Cette espèce peut devenir invasive et causer des infections systémiques chez des patients immunodéprimés chez lesquels le taux de mortalité peut aller jusqu’à 40 % (Kett et al., 2011). Il a été établi par des méthodes de typage moléculaire, que dans la majorité des cas d’infections chez des personnes immunodéprimées, l’infection était causée par la souche déjà portée par la personne.

56 Chez ces patients-e-s, une combinaison entre une maladie sous-jacente (personnes atteintes de cancers et traitées par chimiothérapie ou encore atteintes du SIDA, par exemple) et des procédures médicales invasives comme, la chirurgie, entraîne le développement de la levure en tant que pathogène (Voss et al., 1994).

Le génome des six Nakaseomyces a été séquencé et il contient, pour toutes les espèces, les gènes majeurs impliqués dans la reproduction sexuée ainsi qu’un gène

HO, identifiés par homologie de séquence à partir des gènes de S. cerevisiae (Gabaldón

et al., 2013; Butler et al., 2004b). Pourtant, seules deux espèces environnementales réalisent un cycle sexué, toutes les autres sont considérées comme asexuées. Le génome des six Nakaseomyces contient également un gène homologue au gène HO de S. cerevisiae ainsi que les trois locus sexuels HML, MAT et HMR (appelés MTLs pour

Mating-type-like loci) qui varient en nombre et position (Gabaldón et al., 2013). Les Nakaseomyces portent le(s) locus HMR sur un chromosome différent de celui portant

les locus HML et MAT à l’exception de N. delphensis qui porte les trois sur le même chromosome, comme S. cerevisiae. Quant à C. nivariensis, le génome de cette levure porte deux copies du locus HMR, chaque copie étant sur deux chromosomes différents. La duplication du locus HMR et/ou sa localisation sur un autre chromosome que celui de HML et MAT n’est pas spécifique au clade des Nakaseomyces mais existe chez d’autres levures (Hanson and Wolfe, 2017).

En ce qui concerne le changement de type sexuel, il est connu chez N. delphensis et le laboratoire où j’ai effectué ma thèse a récemment démontré qu’il était dépendant de la protéine Ho (Gabaldón et al., 2013; Li et al.). Chez N. bacillisporus, les travaux préliminaires de l'équipe ont montré que les spores isolées de la méiose donnent naissance à des cellules diploïdes, laissant supposer un mécanisme de changement de type sexuel (Résultats non publiés).

Ainsi, malgré les ressemblances/différences génomiques que partagent ou non ces espèces, il est impossible aujourd’hui de déterminer seulement par génomique comparée la capacité d’une espèce à réaliser ou non un changement de type sexuel ou un cycle sexuel hétérothallique ou homothallique.

57 La conservation des gènes et des éléments impliqués dans la reproduction sexuée et dans le changement de type sexuel chez les espèces ne montrant ni cycle sexué ni changement de type sexuel spontané soulève plusieurs questions évolutives. Est-ce que, chez ces espèces, l’induction du changement de type et/ou la reproduction se fait dans des conditions différentes de S. cerevisiae ou de N. delphensis/N.

bacillisporus et qui resteraient à déterminer ? Est-ce que ces gènes et ces éléments ont

acquis d’autres fonctions, chez ces espèces, qui resteraient à identifier et caractériser ? Mes travaux de thèse se sont inscrits dans cette perspective évolutive et, par des approches de génomique fonctionnelle, j’ai essayé de mieux caractériser le changement de type sexuel chez le pathogène opportuniste C. glabrata.

I.11 Induction du changement de type sexuel chez Candida glabrata