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Chapitre 1 : Etat de l’art de la surface de Mars, des minéraux et des processus possibles

4.2 Le Phyllosien / Noachien

Les terrains d’âge phyllosien, qu’ils soient les premiers formés sur la planète ou non, sont les plus anciens aujourd’hui observables à la surface de Mars. Ils montrent de nombreux indices d’une activité passée liée au volcanisme et à l’eau, qui a aujourd’hui fortement diminué, voire cesser. Tout d’abord, la découverte d’un champ magnétique résiduel dans ces seuls terrains montre que ce champ magnétique a disparu à la fin de cette période (Connerney et al., 1999). Ce champ magnétique devait protéger l’atmosphère des vents solaires et ainsi diminuer l’échappement des particules de l’atmosphère vers l’espace. De plus, la découverte de phyllosillicates dans ces terrains suggère une ère où l’eau liquide était stable (Poulet et al., 2005 ; Bibring et al., 2006 ; Chevrier et al., 2007). La présence d’eau sous forme liquide

signifie que les conditions atmosphériques étaient suffisantes pour dépasser la température du point triple de l’eau. L’absence de tels minéraux dans les terrains plus récents, signifie que les conditions de surface de Mars ne permettaient plus la stabilité de l’eau en surface. Une dernière caractéristique distingue les terrains d’âge phyllosien des autres sols de la planète : leur cratérisation. En effet, comme sur la Lune, ces terrains sont les plus cratérisés et étaient donc présents lors du bombardement tardif il y a environ 3,8 milliards d’années, à peu près au moment où le Phyllosien / Noachien prend fin (Hartmann, 2005, Bibring et al., 2006, Carr and Head, 2010).

Certaines caractéristiques de cette période sont encore mal définies. Tout d’abord la composition et l’abondance des éléments constituant l’atmosphère sont vivement débattues (Kasting et al., 1984 ; Kahn, 1985 ; Bibring et al., 2006 ; Fairen, 2010). Néanmoins, en

considérant que l’atmosphère primitive était riche en CO2, celle du Noachien ne devait pas être

si différente. De plus, le CO2 est un excellent gaz à effet de serre, phénomène nécessaire à

l’obtention de conditions favorables à la présence d’eau liquide à la surface de Mars. Enfin, l’activité volcanique de la planète a dû libérer des gaz de compositions similaires à ceux rejetés durant la formation de la planète, en même temps que des laves enregistrant un champ

magnétique existant autour de la planète. Cependant, la présence de CO2 dans l’atmosphère de

la planète en contact avec une solution aqueuse issue de l’altération chimique des laves solidifiées conduirait à la formation de roches carbonatées comme celles observées sur Terre à notre époque. Si des carbonates ont bien été identifiés dans les SNC (Gooding et al., 1988) ainsi que dans la poussière martienne (Bandfield et al., 2003), leur abondance reste minime (Christensen et al. 2001). Plus récemment, des systèmes carbonatés ont été découverts au pôle Nord de la planète par la mission Phoenix (Boynton et al., 2009) et dans des endroits profonds (Ehlmann et al. 2008, Palomba et al., 2009). Toutefois, seuls les minéraux carbonatés identifiés à Nili Fossae (Ehlmann et al., 2008), accompagnés de phyllosilicates et d’olivine, correspondent à des carbonates qui auraient pu précipiter durant le Noachien. Ehlmann et al. (2008) concluent en affirmant que les conditions qui ont suivi la fin du Noachien ont épargné la région de Nili Fossae, préservant ainsi les carbonates. Une autre hypothèse peut être envisagée selon laquelle des matériaux d’origine volcanique ont recouvert les terrains formant aujourd’hui Nili Fossae, les préservant des conditions du Théiikien ayant pu déstabiliser les carbonates, avant qu’un phénomène tel qu’un impact ou de l’activité interne vienne déchirer cette couverture pendant l’Amazonien et porte les carbonates à l’affleurement jusqu’à aujourd’hui.

La dernière caractéristique inconnue du Noachien concerne les raisons de la fin de cette époque. En effet, les terrains d’âge plus jeunes que le Noachien ne présentent aucune des caractéristiques développées précédemment, ce qui signifie qu’au moins un évènement majeur a complètement réorienté l’activité martienne. Le problème vient du fait que plusieurs événements interviennent à la même époque à l’échelle de la planète. En premier lieu, le champ magnétique de la planète s’annule (Solomon et al., 2005 ; Carr et Head, 2010), ce qui laisse l’atmosphère à la merci des vents solaires. Le bombardement tardif n’intervient qu’après la fin de l’activité du champ magnétique, car la plupart des bassins d’impacts ne présente pas de champ magnétique résiduel. Ensuite il est possible que le bombardement tardif ait provoqué des pertes de matière par dégazage dans l’espace. Un puissant volcanisme aurait ensuite recouvert une partie des terrains d’âge Noachien et aurait changé la composition de l’atmosphère pour lui donner celle qu’elle aura durant les millions d’années à venir (Phillips et al., 2001 ; Carr et Head, 2010). Cette hypothèse n’est pas entièrement satisfaisante. Par exemple, l’interrogation la plus connue est relative à la présence des phyllosilicates exclusivement sur les terrains les plus élevés topographiquement. En effet, par gravité, l’eau a tendance à s’écouler vers les points les plus bas et aurait donc dû entraîner les phyllosilicates et produire des accumulations d’argiles dans les points topographiques les plus bas. Mais les terrains martiens de basse altitude ne montrent aucune évidence de la présence de phyllosilicates. Outre la question du relief entre les terrains du Phyllosien, plus hauts, et ceux des périodes postérieures, plus bas, la question du changement de minéralogie entre ces périodes induit par un changement d’atmosphère reste également inexpliquée. Plusieurs études ont tenté d’expliquer ce phénomène par un volcanisme,

notamment à SO2, intense dans la durée et dans l’ampleur, qui aurait remodelé à la fois la

surface et l’atmosphère (Bibring et al., 2006). Cependant, aucun mécanisme connu ne semble expliquer comment les gaz éjectés lors du volcanisme, processus présent durant le Noachien depuis la formation de la planète, ont pu changer de composition pour permettre la précipitation importante de sulfates aux dépens des phyllosilicates. De plus, compte tenu de la composition

de l’atmosphère actuelle de Mars, principalement composée de CO2, se pose la question d’un

second changement.

Afin de répondre à ces interrogations, certains auteurs (Wilhelms et Squyres, 1984 ; Andrews-Hanna et al., 2008 ; Marinova et al., 2008 ; Nimmo et al., 2008) évoquent la possibilité qu’un ou plusieurs impacts géants aient percuté Mars au niveau de la calotte polaire Nord, emportant une partie de la croûte et des gaz de l’atmosphère. Cet impact ou ces impacts, d’une puissance énorme, seraient le facteur déclencheur de l’arrêt du champ magnétique

martien (Nimmo et al., 2008), ce qui expliquerait également pourquoi des résidus de champ magnétique sont encore observables dans les grandes plaines du Nord. Ensuite, peu après, le bombardement tardif a redessiné la surface martienne avec des impacts comme Hellas ou Utopia. Avec le refroidissement de la croûte, une nouvelle calotte polaire est apparue composée de glace d’eau pure alimentée par l’atmosphère.