• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 2 : P HOTORÉDUCTION DE CATIONS MÉTALLIQUES PAR LES

III. Photoréduction d’autres ions métalliques

1) Photoréduction d’ions Au III

a) Observations

Une solution aqueuse à pH naturel contenant 8,0 × 10-6 mol.L-1 de ββ-{Co4P4W30}, 1,28 × 10-4 mol.L-1 de HAuCl4 (soit 16 équivalents d’ions AuIII par rapport au POM) et 0,13 mol.L-1 de propan-2-ol est préparée puis désoxygénée. Au cours de l’irradiation par de la lumière UV-visible, la solution prend progressivement une coloration grise, et l’absorbance de la solution augmente sur tout le domaine spectral (Figure 2. 13. A). Mais après 45 min

brutalement tandis qu’une bande de plasmon apparaît vers 530 nm. Ceci est caractéristique de la présence de nanoparticules d’or dans le milieu. Après 70 min d’irradiation, la solution devient ensuite progressivement violette, du fait de la réduction du POM. La bande d’absorption du POM réduit n’est cependant pas clairement visible, mais se traduit par une réaugmentation de l’absorbance et un léger décalage de la bande de plasmon vers les grandes longueurs d’onde du fait de la superposition de la bande d’absorption du POM réduit et de celle des nanoparticules d’or.

Figure 2. 13. A) Spectres d’absorption UV-visible au cours de l’irradiation lumineuse d’une solution aqueuse

désoxygénée contenant 8,0 × 10-6 mol.L-1 de ββ-{Co4P4W30}, 1,28 × 10-4 mol.L-1 de HAuCl4 et 0,13 mol.L-1 de propan-2-ol. B) Évolution temporelle de l’absorbance à 265, 555 et 700 nm. C) Cliché de microscopie électronique en transmission des nanoparticules d’or formées. D) Évolution des spectres d’absorption UV-visible durant 7 jours après arrêt de l’irradiation et en présence de dioxygène. Parcours optique : 1 cm.

Après arrêt de l’irradiation et réouverture de la cellule, la solution redevient rose, l’absorbance diminue à nouveau et la bande de plasmon se décale vers les plus petites longueurs d’onde (Figure 2. 13. D). Ceci caractérise la réoxydation du POM, mais aussi la stabilité des nanoparticules d’or en présence de dioxygène.

Ces nanoparticules d’or ont également été mises en évidence par microscopie électronique en transmission (Figure 2. 13. C). Les clichés font apparaître des nanoparticules essentiellement sphériques, de diamètre de l’ordre de 10 à 40 nm. Certaines apparaissent aussi sous la forme de nanobâtonnets.

b) Interprétation

Contrairement aux ions AgI pour lesquels la réduction ne met en jeu le transfert que d’un seul électron, il est plus difficile de proposer un mécanisme pour la réduction des ions AuIII, dans la mesure où le nombre d’électrons impliqués est plus important, et que la formation des agrégats d’or n’a jamais fait l’objet d’une étude aussi approfondie que celle des agrégats d’argent. Néanmoins, les différents changements de couleur observés au cours de la photoréduction des ions AuIII peuvent tout de même être interprétés, en s’appuyant notamment sur des travaux de réduction radiolytique d’ions AuIII effectués au laboratoire par H. Rémita et al.31

Comme dans le cas de la photoréduction des ions Ag+, nous pouvons envisager dans un premier temps l’oxydation du propan-2-ol en radical alcool par le POM excité. Ce radical alcool peut alors permettre la réduction des ions AuIII en ions AuII comme cela a déjà été proposé précédemment dans la littérature :31

AuIIICl4- + (CH3)2COH → AuIICl42- + (CH3)2CO + H+ (15) L’étape suivante consiste alors en la dismutation des ions AuII en AuIII et AuI :31 2 AuIICl42- → AuIIICl4- + AuICl2- + 2 Cl- (16)

D’un point de vue thermodynamique, les ions AuI peuvent ensuite être réduits en Au0 toujours par le radical alcool :31

AuICl2- + (CH3)2COH → Au0Cl22- + (CH3)2CO + H+ (17) Cependant, le fait que la coloration rose n’apparaisse qu’après un temps d’induction de 45 min suggère une compétition entre les réactions 15 et 17, au niveau de la réactivité du radical (CH3)2COH. Ainsi, la réaction 17 ne se produit pas du fait d’une cinétique trop lente par rapport à celle de la réaction 15, d’autant plus qu’en début d’irradiation, la concentration en ions AuIII est nettement supérieure à celle en ions AuI. Ce phénomène d’induction a déjà été observé au cours des expériences de radiolyse, où il a été montré que le retard à la réduction de AuI en Au0 doublait lorsque la concentration en ions AuIIICl - doublait.31 Il est à

noter par ailleurs que la dismutation des ions AuI en AuII et Au0 n’est pas favorable d’un point de vue thermodynamique, puisque les expériences de radiolyse ont permis de montrer que

E°(AuI/Au0) < E°(AuII/AuI).31 Il y a donc une stabilisation momentanée des ions AuI qui s’accumulent ainsi en solution. Ces ions AuI se complexent alors sans doute aux POM, formant de gros agrégats dont la diffusion se traduit par une coloration grise et une augmentation de l’absorbance sur tout le domaine spectral. Puis la proportion d’ions AuI par rapport aux ions AuIII augmente en cours de réaction, si bien qu’au bout d’un certain temps, les ions AuI, en quantité suffisamment importante, vont commencer à se réduire en Au0 par réaction avec le radical alcool. Ceci se traduit sur les spectres d’absorption par l’apparition d’un épaulement vers 560 nm. Ces quelques petits oligomères de Au0 vont pouvoir ensuite se complexer aux ions AuI, ce qui va entraîner une inversion des potentiels redox (E°(AuIAu0n/Au0n+1) > E°(AuIIAu0n/AuIAu0n)), et va par conséquent rendre possible la dismutation de AuI :31

2 (AuIAu0n)Cl- → (AuIIAu0n)Cl- + (Au0n+1)Cl- (18) Nous pouvons également envisager une complexation des ions AuI au POM, identique au cas de l’argent, ce qui pourrait également entraîner une inversion des potentiels redox, et donc une dismutation de AuI en AuII et Au0.

Puis par analogie avec le mécanisme de réduction des ions Ag+ monovalents, la formation des atomes ou des petits agrégats d’or est ensuite suivie par des processus rapides d’association, de dimérisation et d’agrégation conduisant à la formation de nanoparticules de plus grande nucléarité, se traduisant par l’apparition de la bande de plasmon et de la coloration rose de la solution.