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CHAPITRE 5 : F ORMATION ET ÉTUDE PHYSICO - CHIMIQUE DE COMPLEXES DE

IV. Étude photophysique résolue en temps

1) Fluorescence résolue en temps

Le signal de fluorescence à 660 nm de la porphyrine libre H2T3(4-Py)P en solution dans le 1,2-C2H4Cl2, excitée à 420 nm, suit un déclin mono-exponentiel de constante de temps

τ

S de 8,4 ns, correspondant à la durée de vie de l’état singulet S1 de la porphyrine (Figure 5. 8). En effet, l’excitation à 420 nm correspond à la formation de l’état singulet S2, qui se désexcite très rapidement, par des processus de conversion interne, vers l’état singulet S1. L’ordre de grandeur obtenu pour la durée de vie de l’état S1 de cette porphyrine est en accord avec celles figurant dans la littérature pour les porphyrines de structure semblable H2TPP ou H2TTP dans divers solvants organiques.9-14 L’ajout de 1 équivalent de {CoSiW11} à la solution initiale de porphyrine conduit à un déclin de fluorescence bi-exponentiel (Figure 5. 8). La composante lente de ce déclin est identique à celle obtenue pour la porphyrine seule alors que la composante courte

τ

Scomplexe est de l’ordre de 60 ps.

Figure 5. 8. Déclins de fluorescence de la H2T3(4-Py)P en milieu 1,2-C2H4Cl2 (6,25 × 10-6 mol.L-1) (▬) en l’absence de POM ; () en présence de 1 équivalent de {CoSiW11} ; () en présence de 3 équivalents de {CoSiW11} et () en présence de 8 équivalents de {CoSiW11}. λexc = 420 nm ; λem = 660 nm.

En augmentant la concentration en POM, cette constante de temps court ne varie pas, indiquant bien qu’il s’agit d’un piégeage statique de la fluorescence.15 Par contre, l’augmentation de la quantité de POM entraîne une augmentation de la contribution de ce temps court ainsi qu’une diminution de celle du temps long, en accord avec l’existence d’un équilibre entre la porphyrine libre et la porphyrine complexée au POM (Tableau 5. 3). En effet, le temps long peut toujours être attribué à l’état S1 de la porphyrine libre et le temps court à celui de la porphyrine complexée. Un tel comportement a déjà été observé par F. D’Souza et al. pour un complexe de coordination entre la 5,10,15,20-tétraphénylporphyrine

de magnésium (MgTPP) et un fullerène substitué par un groupe imidazole (C60Im), pour lequel les temps long et court sont de 5,0 ns et 90 ps, attribués respectivement à la porphyrine libre et la porphyrine coordinée, avec également une augmentation de la proportion du temps court lorsque le rapport [C60Im] / [MgTPP] augmente.16 Par ailleurs, l’étude de composés covalents de type porphyrine-fullerène a au contraire montré l’existence d’un seul temps court, entre 50 et 500 ps, l’absence du temps long propre à la porphyrine libre étant due à l’absence d’équilibre dans le cas de ces composés covalents (réaction totale entre la porphyrine et le fullerène).17,18

Un résultat similaire est obtenu pour un mélange de H2T3(3-Py)P et de {CoSiW11}, pour lequel un déclin bi-exponentiel est également observé (Figure 5. 9. A). Le temps long

τ

S

de 8,3 ns est toujours attribué à l’état S1 de la porphyrine libre et est identique à la constante de temps du déclin mono-exponentiel obtenu pour la porphyrine H2T3(3-Py)P en l’absence de POM. Le temps court

τ

Scomplexe de 70 ps correspond, quant à lui, à cet état lorsque la porphyrine est complexée.

Figure 5. 9. Déclins de fluorescence A) de la H2T3(3-Py)P (6,25 × 10-6 mol.L-1) et B) de la H2T3(2-Py)P (6,25 × 10-6 mol.L-1) (▬) en l’absence de POM et (▬) en présence de 3 équivalents de {CoSiW11}. Solvant : 1,2-C2H4Cl2 ; λexc = 420 nm ; λem = 660 nm.

Cependant, pour un même nombre d’équivalents de POM par rapport à la porphyrine (3/1), la proportion de temps court est plus faible dans le cas de la H2T3(3-Py)P (41%) que de la H2T3(4-Py)P (77%), montrant que la coordination se fait plus facilement lorsque la porphyrine est en position para de la pyridine que lorsqu’elle est en position méta (Tableau 5. 3). En effet, l’encombrement stérique entre le POM et la porphyrine est plus important avec la H2T3(3-Py)P qu’avec la H2T3(4-Py)P, défavorisant la complexation. Ceci

est en accord avec le fait que la constante de formation déterminée précédemment pour le complexe H2T3(3-Py)P–{CoSiW11} est d’un ordre de grandeur plus faible que celle obtenue pour le complexe H2T3(4-Py)P–{CoSiW11}.

En ce qui concerne la H2T3(2-Py)P, le déclin reste mono-exponentiel après ajout de {CoSiW11}, de constante de temps

τ

S de 8,6 ns correspondant à celle de la porphyrine non complexée (Figure 5. 9. B). Cela confirme l’absence de coordination avec cette porphyrine, comme cela a déjà été prédit avec les résultats de fluorescence stationnaire puisque aucune extinction de fluorescence n’avait été observée après ajout de POM à la solution de H2T3(2-Py)P.

Composé Rapport

[porphyrine]/[POM]

Durées de vie de fluorescence (ps), et, entre parenthèses, proportions (%) H2T3(4-Py)P 8400 (100) H2T3(4-Py)P / {CoSiW11} 1/0,5 8400 (74), 60 (26) 1/1 8400 (55), 60 (45) 1/3 8400 (23), 60 (77) 1/8 8400 (9), 60 (91) H2T3(4-Py)P / {NiSiW11} 1/3 8500 (15), 60 (85) H2T3(3-Py)P 8300 (100) H2T3(3-Py)P / {CoSiW11} 1/3 8300 (59), 70 (41) H2T3(3-Py)P / {NiSiW11} 1/3 8300 (45), 40 (55) H2T3(2-Py)P 8600 (100) H2T3(2-Py)P / {CoSiW11} 1/3 8600 (100) H2T3(2-Py)P / {NiSiW11} 1/3 8600 (100)

Tableau 5. 3. Durées de vie de fluorescence des trois porphyrines étudiées (6,25 × 10-6 mol.L-1) et de différents mélanges de porphyrines et de POM. Solvant : 1,2-C2H4Cl2 ; λexc = 420 nm ; λem = 660 nm.

L’addition de {NiSiW11} à des solutions de H2T3(4-Py)P, H2T3(3-Py)P ou H2T3(2-Py)P donne des résultats similaires au cas du POM {CoSiW11}, à savoir observation d’un déclin bi-exponentiel avec apparition d’une constante de temps courte de l’ordre de quelques dizaines de picosecondes uniquement dans le cas des complexes H T (4-Py)P–{NiSiW } et H T (3-Py)P–{NiSiW } (Tableau 5. 3). Cependant, là encore, la

proportion du temps court est plus faible dans le cas de H2T3(3-Py)P que de H2T3(4-Py)P, alors que les constantes de formation de ces deux complexes ont été estimées du même ordre de grandeur contrairement aux complexes formés avec {CoSiW11}.

Ce piégeage de la fluorescence dans les complexes étudiés peut alors être dû soit à un transfert d’énergie, soit à un transfert d’électron entre la porphyrine dans son état singulet S1

et le POM. Cependant, un transfert d’énergie entre l’état S1 de la porphyrine et l’état LMCT du POM paraît peu probable, dans la mesure où cet état S1 de la porphyrine fluoresce dans le visible entre 600 et 800 nm tandis que l’état LMCT du POM absorbe dans l’UV, en dessous de 350 nm. Pour savoir si au contraire un transfert d’électron entre la porphyrine excitée dans son état S1 et le POM à l’état fondamental est plus favorable, nous pouvons calculer la variation d’enthalpie libre ∆G de ce transfert par la relation de Rehm-Weller :

) porph ( POM/POM /porph porph E réd ES0 S1 E G= − −∆ •+ (en eV)

où Eporph•+/porph correspond au potentiel redox de la première vague d’oxydation de la porphyrine, EPOM/POMréd correspond au potentiel redox de la première vague de réduction du POM, tous deux déterminés grâce aux voltampérogrammes cycliques présentés au paragraphe II ; et où ∆ES0-S1(porph) représente la différence d’énergie, exprimée en eV, entre l’état fondamental S0 et le premier état singulet excité S1 de la porphyrine, déterminée à partir du spectre d’absorption. Cependant, pour les deux porphyrines donnant lieu à la formation de complexes, cette différence d’énergie ∆ES0-S1(porph) est estimée à 2,0 eV, ce qui conduit à des variations d’enthalpie libre ∆G proches de 0 pour chacun des quatre complexes étudiés. Il est ainsi difficile de conclure quant à un éventuel transfert électronique entre la porphyrine et le POM au sein de ces complexes de coordination.

Néanmoins, même si la nature du transfert entre la porphyrine et le POM reste indéterminée, sa constante de vitesse kt peut tout de même être évaluée à partir des durées de vie de fluorescence. En effet, dans les complexes, le transfert entre la porphyrine et le POM (kt) entre en compétition avec les autres voies de désexcitation de l’état S1 se produisant déjà pour la porphyrine non complexée (kporph = 1/

τ

S, correspondant aux processus radiatifs et non radiatifs). Si nous faisons l’hypothèse que ces processus correspondant à kporph ne sont pas modifiés au sein des complexes, la durée de vie de l’état S1 de la porphyrine dans les complexes

τ

Scomplexe s’écrit :

t porph complexe Scomplexe 1 k k k = + =

τ

Soit : S S t 1 1 complexe

τ

τ

= k

Le rendement quantique du transfert

Φ

t entre la porphyrine et le POM peut également en être déduit : S S S S S porph t t t complexe complexe complexe 1 1 1 1

τ

τ

τ

τ

τ

− = − = + = k k k Φ

Les constantes de vitesse ainsi que les rendements quantiques des transferts entre les porphyrines et les POM obtenus pour les différents complexes étudiés sont regroupés dans le Tableau 5. 4. Complexe Constante de vitesse du transfert kt (s-1) Rendement quantique du transfert

Φ

t H2T3(4-Py)P–{CoSiW11} 1,7 × 1010 0,99 H2T3(4-Py)P–{NiSiW11} 1,7 × 1010 0,99 H2T3(3-Py)P–{CoSiW11} 1,4 × 1010 0,99 H2T3(3-Py)P–{NiSiW11} 2,5 × 1010 0,99

Tableau 5. 4. Constantes de vitesse et rendements quantiques des transferts des quatre complexes de

coordination étudiés.

Ces valeurs de constantes de vitesse et de rendements quantiques sont comparables à celles obtenues par F. D’Souza pour les complexes de coordination entre des porphyrines et des fullerènes.16 Cependant, dans notre cas, elles sont certainement surévaluées du fait de la présence d’atomes lourds dans les POM. En effet, ces atomes lourds vont entraîner une augmentation des processus de désexcitation non radiatifs (autres que kt) modifiant kporph, contrairement à l’hypothèse qui a été faite.