CHAPITRE IV. Etude du devenir du Sulfamethoxazole (SMX) et des
2. Transfert réactif
2.3 Processus de dégradation du SMX et impacts sur les communautés
2.3.1 Photodegradation du SMX dans un environnement d’haute altitude
Le devenir et la transformation de produits pharmaceutiques dans les milieux naturels
dépendent, entre autres, des processus de dégradation biotiques et abiotiques. La dégradation
abiotique dans les eaux de surface peut se produire par hydrolyse et/ou photolyse. Les
produits pharmaceutiques sont en règle générale résistants à l'hydrolyse (Andreozzi et al.,
2003), c’est pourquoi le mécanisme de photolyse (directe et indirecte) est considéré comme la
voie principale de leur transformation abiotique.
Etant donné que l'intensité de la lumière naturelle dépend de la latitude et de l’altitude, on
attend que le SMX soit fortement photodégradé dans le contexte de l'Altiplano bolivien où le
rayonnement UV est particulièrement important en raison de son altitude élevée (> 3800 m)
ainsi que de sa localisation dans la ceinture tropicale. A La Paz en Bolivie, la puissance des
rayonnements solaires peut être supérieure à 500 W/m² durant les jours ensoleillés (Fanola et
al., 2012).
Dans ce contexte, le but de cette partie de la thèse a été d'étudier le processus de photolyse de
la molécule de SMX sous lumière naturelle dans les conditions de haute altitude de
l’Altiplano bolivien. Le but est d’évaluer le rôle de la photodégradation dans le devenir et la
persistance du SMX à l’échelle site d’étude. Ainsi, des expériences de photodegradation ont
été menées dans trois matrices d’eau différentes : i) eau pure, ii) eau chargé en ions avec un
fond ionique reconstitué et semblable au fond ionique au point de prélèvement (K : 34 mg L
-1,
Cl
-:154 mg L
-1, SO
4-: 31 mg L
-1, Na : 99 mg L
-1, Mg : 68 mg L
-1, les sels ioniques utilisés ont
été : K
2SO
4-, NaCl
-, MgCl
-, CaCO
3et KCl
-) et iii) eau de rivière (prélevé sur le cours d’eau
Seco après la décharge des eaux traités de la STEP du BV).
Résultats
La concentration en SMX a diminué dans toutes les matrices exposées à la lumière naturelle
du soleil, toutefois la diminution a été variable selon les matrices étudiées. La diminution la
plus importante a été observée dans l’eau pure où seulement 7.2% de la concentration initiale
du SMX était encore présente à la fin de l'expérience.
Une photodégradation plus faible du SMX a été observée dans l’eau pure chargée en ions
(lesquels) et dans l’eau de rivière, avec des bilans de masse en SMX de 82.5 et 79.5%,
respectivement (Figure 1). Dans le cas de l’eau de rivière, ces pourcentages sont surement dus
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à la présence de molécules organiques, qui ont la faculté d’absorber la lumière, réduisant ainsi
la photodégradation. Tandis que dans le cas de l’eau chargée en ions, il est connu depuis
longtemps que les sels inorganiques ont également la faculté d’adsorber la lumière (Buck et
al., 1954).
Figure 1. Cinétique de photodégradation du SMX dans différentes matrices aqueuses.
Chaque point représente la moyenne de deux prélèvements. Les carres représentent la cinétique dans l’eau pure, les rhombes représentent la cinétique dans l’eau de rivière et les tirets représentent la cinétique dans l’eau chargée en ions.
Cependant, une dégradation plus importante du SMX a été observée dans l’eau de rivière.
Cela suggère l’existence de mécanismes de photodégradation indirecte liée à la présence de
substances photosensibles, comme par exemple les acides humiques, produisant des espèces
actives générées au cours de l’irradiation (Andreozzi et al., 2003) lesquelles vont à leur tour
oxyder le composé étudié. Aucune dégradation n’a été observée dans l’échantillon de contrôle
pour l’eau chargée en ions maintenue dans l’obscurité (Récupération finale du SMX égale à
100%). Une légère décroissance a été observée dans l’échantillon de contrôle pour l’eau pure
ainsi que pour l’eau de rivière (2.8 et 5.2% respectivement) suggérant la présence d’autres
mécanismes (Hydrolyse…) impliqués dans la dissipation du SMX. Concernant le contrôle
dans l’eau pure, cette décroissance est probablement liée à la présence d’hydrolyse. La
décroissance observée dans l’échantillon de contrôle pour l’eau de rivière peut être due à
l’adsorption du SMX sur les matières en suspension, à sa décantation (car l’eau de rivière n’a
pas été filtrée) ou à l’hydrolyse. Cependant ces processus n’ont pas joué un rôle prépondérant
dans sa dissipation, comme le démontrent les faibles constantes de dégradation obtenues dans
les échantillons de contrôle.
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Une photodégradation du SMX similaire de 3.9% a été observée par Niu et al. (2013) dans
des échantillons d’eau usée avec du SMX maintenus dans l’obscurité, 1% de cette
décroissance étant reliée à l’adsorption du SMX sur les matières en suspension.
Les constantes de dégradation observées dans les différentes matrices, ainsi que les temps de
demi-vie obtenus sont consignés dans la table 1. La dissipation du SMX est bien décrite par
le modèle cinétique de premier ordre, avec des R² entre 0.73 et 0.98.
Etant donné qu’un taux de dégradation a également été observé pour les contrôles dans l’eau
pure et l’eau de rivière, les constantes de photodégradation pour ces matrices ont été
déterminées à partir de la différence entre les constantes de dégradation des contrôles à
l’obscurité et les échantillons exposés à la lumière (Zhang et al., 2012) (Table 1).
Les constantes de dégradation obtenues pour les échantillons de contrôle ont été inférieures de
5 (eau de rivière) à 22 (eau pure) ordres de grandeure en comparaison aux constantes de
dégradation observées dans les échantillons exposés à la lumière. Ceci suggère que les autres
processus de dégradation tels que l’hydrolyse, l’adsorption sur les matières en suspension et la
dégradation microbienne sont moins importants que la photodégradation et pourraient
éventuellement être négligés dans une modélisation globale.
Des taux de photodégradation supérieurs ont été observés par Murgolo et al. (2015) avec de la
lumière solaire simulée (0.132 et 0.35 h
-1dans l’eau pure et des effluents de STEP,
respectivement). De façon similaire, Ryan et al. (2011) ont observé des taux de dégradation de
0.68 et 0.4 h
-1dans des effluents de STEP et de l'eau pure respectivement et au même pH que
dans cette étude (pH8) avec de la lumière solaire simulée.
Les différences observées entre les taux de photodégradation obtenus dans ces études et a
nôtre pourraient être liées au fait que les échantillons d’eaux usées utilisés ont été
préalablement filtrés, contrairement aux nôtres. En effet, la filtration a pu diminuer la
présence de matériaux organiques (comme les algues), qui peuvent provoquer des
interférences dans les réactions de photodégradation (Murgolo et al., 2015).
Un autre point intéressant est que les taux de photodégradation observés dans ces études pour
l’eau pure sont plus faibles que dans les effluents de STEP. Ceci est expliqué par le fait que la
photolyse indirecte est plus importante dans les effluents de STEP due à la présence de
radicaux hydroxyles et de matières organiques à l’état de triplet excité (Ryan et al., 2011). Ce
constat soutient notre conclusion que la photolyse indirecte est moins importante que la
photolyse directe dans l’eau de rivière ou les concentrations en polluant sont généralement
plus faibles que dans les eaux usées.
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Table 1. Constantes de dégradation et constante de photodegradation du SMX en trois matrices d’eau
différentes.