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CHAPITRE I. Synthèse bibliographique et questionnement

5. Les sulfonamides : focus sur le Sulfamethoxazole (SMX)

Les sulfonamides sont des composés organosulfurés, c’est-à-dire qu’ils comportent au moins

un atome du soufre, contenant le radical amine SO

2

NH

2

. Les membres de cette famille

diffèrent par la substitution de différents groupes R. La figure 7 montre la structure de base

des sulfonamides et différents antibiotiques appartenant à cette famille ainsi que ses groupes

R.

Leur usage remonte aux années 1930. Les sulfonamides ont une structure similaire à l'acide

p-aminobenzoïque et inhibent la synthèse d'acides nucléiques en bloquant la transformation

de l’acide p-aminobenzoïque en acide dihydrofolique (une forme réduite de l'acide folique)

(Sköld, 2000). Leur action est principalement bactériostatique. Elles ont un large spectre

d'action, mais le développement généralisé de leur résistance et les effets secondaires

occasionnés ont considérablement réduit son utilisation (Cetecioglu et al., 2013; Schauss et

al., 2009).

Les SA sont mal absorbées dans l'intestin, de sorte qu’entre 50% et 100% de la dose

administrée est excrétée sous forme inchangée dans les urines et les matières fécales (Mojica

and Aga, 2011; Schauss et al., 2009). La composition des SA excrétées peut contenir environ

30 - 95% des composés de base, et entre 5% et 60% des conjugués acétylés (métabolites). De

plus, les métabolites des SA peuvent être reconvertis en leurs composés parents pendant le

stockage et l'épandage de fumier sur le sol (Mojica and Aga, 2011).

La sorption des SA dans le sol est complexe. A ce propos, Bialk et Pedersen, (2008) ont

montré que les SA sont capables de former des liaisons covalentes avec les substances

humiques, en formant ce qu’on appelle une fraction résiduelle. Leur sorption devient plus

prononcée avec un temps de contact prolongé avec l’adsorbant. Elle est également influencée

par divers facteurs tels que le pH, la force ionique du sol et la présence de métaux (Mojica and

Aga, 2011; Morel et al., 2014a; Schauss et al., 2009).

La présence de matière organique présente par exemple dans le fumier ou les boues

d’épuration pourrait aussi influer sur son devenir. La matière organique dissoute (MOD)

présente dans le fumier, réduit l'affinité des SA avec le sol et induit un transport colloïdal

facilité (Mojica and Aga, 2011). Les SA peuvent être immobilisées en raison de leurs liaisons

avec des matières organiques comme le compost, les acides humiques et des adsorbants

inorganiques tels que les 'hydroxydes de fer ou des minéraux argileux.

En général, les SA ont une grande solubilité dans l'eau et des faibles valeurs de Kd

(coefficient de partage sol-eau). Les valeurs signalées de K

d

pour cette famille d’antibiotiques

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vont de 0.6 à 4.9 L kg

-1

. Ce qui indique qu’ils peuvent être mobiles dans les sols et sont

susceptibles d'être présents dans les écosystèmes aquatiques de surface et les eaux

souterraines. Ainsi, des SA ont déjà été détectées dans les eaux des rivières, les eaux

souterraines, les eaux usées, les eaux de puits, et même dans l'eau potable (Kümmerer, 2009;

Mojica and Aga, 2011; Tamtam et al., 2008). Plusieurs auteurs ont observé que le K

d

des SA

varie selon la texture et les caractéristiques minéralogiques et chimiques des sols (Boxall et

al., 2002; Lertpaitoonpan et al., 2009; Thiele-Bruhn S and Aust MO, 2004).

Figure 7 Structure de base des sulfonamides et différents antibiotiques appartenant à cette famille

d’antibiotiques (modifié d'après: Figueroa-Diva et al., 2010).

Cependant, d’autres auteurs ont observé que les SA peuvent persister pendant de longues

périodes dans les sols (Schauss et al., 2009) en raison d’une biodégradabilité lente, et cela

même dans des substrats ayant une communauté microbienne élevée (Mojica and Aga, 2011).

Concernant ces effets, il a été signalé que certaines SA ont une incidence sur l’activité

microbienne en général et sur la structure des communautés bactériennes. Par exemple, un

incrément de la biomasse des champignons au détriment des bactéries a été observé en

présence de cette famille d’antibiotiques (Thiele-Bruhn and Aust, 2004; Zielezny et al., 2006).

Parmi les SA, le SMX est couramment détecté dans les milieux naturels (aquatiques et

terrestres) (Hoa et al., 2011 ; Alighardashi et al., 2008; Gibs et al., 2013; Giger et al., 2003;

Hoa et al., 2011; Hu et al., 2010; Karthikeyan and Meyer, 2006; Kemper, 2008; Kim et al.,

2011; Leung et al., 2012; Li et al., 2013; Martínez-Carballo et al., 2007; Michael et al., 2013;

Mojica and Aga, 2011; Tamtam et al., 2008; Zuccato et al., 2010). Ce qui est en lien avec ses

propriétés intrinsèques mais aussi à sa consommation assez courante en médicine humaine et

animale.

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5.1Présence du SMX et devenir dans les milieux naturels.

En thérapie humaine le SMX (en association avec le TMP) est une des prescriptions les plus

couramment utilisées en raison de son large spectre d’action et son faible coût. Le nom

systématique du SMX est la 4-amino-N-(5-méthylisoxazole-3-yl)benzènesulfonamide (Figure

8).

Environ 45-70% de la dose administrée est excrétée sous forme inchangée dans l’urine dans

les 24h suivant le traitement (McEvoy, 2006). Pour ce qui est des métabolites, environ 50%

de la dose administrée chez les humains peut être excrété comme le métabolite N

4

-acetylsulfamethoxazole (Michael et al., 2013).

Figure 8 Structure moléculaire de l’eantibiotique Sulfamethoxazole (SMX).

Le SMX est partialement dégradé dans les STEP. Ainsi, Peng et al., (2006) ont observé un

taux d’élimination de 100% dans une STEP en Chine. Tandis que, Yu et al., (2009) ont

observée des taux d’élimination de l’ordre de 65 à 96% dans une STEP taïwanaise.

Sa sorption dépend principalement de ses propriétés moléculaires (structure, potentiel

d’ionisation, solubilité, K

d

), des propriétés de l’adsorbant (contenu en argile, hydroxydes,

oxydes, matière organique (MO)) et des caractéristiques de la phase liquide (notamment le

pH, la teneur en eau du milieu adsorbant et la force ionique).

Le SMX est une molécule ionisable (Figure 10) qui présente un comportement variable en

fonction du pH de la solution dans laquelle elle se retrouve ce qui affecte sa sorption dans les

sols. Elle contient deux protons échangeables (pKa1 =1.6; pKa2 = 5.7) (Srinivasan et al.,

2013). La figure 9 montre la spéciation pH-dépendante du Sulfamethoxazole.

Dans l'environnement, le SMX est présent le plus souvent sous des formes neutre (non

chargée) et anionique (déprotonée), cette dernière étant plus abondante à des valeurs de pH

plus élevées. Les mécanismes d'interaction possibles de cette molécule organique chargée

sont : les échanges ioniques, les interactions polaires et les transferts de charge ainsi que les

interactions de van der Waals (Calvet, 1989; Dı́az-Cruz et al., 2003; Kim et al., 2011;

Srinivasan et Sarmah, 2014; Srinivasan et al., 2013; Srinivasan et al., 2014).

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Figure 9 Spéciation pH-dépendante du Sulfamethoxazole (Modifié à partir de: Srinivasan et al., 2013). pKa1 :

1.7. pKa2 : 5.6.

La teneur en MO, le pH et la capacité d'échange cationique sont des paramètres du sol qui

influent fortement sur l’adsorption du SMX. Il a aussi été observé que l’adsorption du SMX

tend à être supérieure dans les sols avec des teneurs élevées en oxydes d’Al et Fe (Leal et al.,

2013). En outre, Morel et al., (2014) ont montré que la sorption du SMX augmente fortement

en présence du cuivre due à la formation de complexes SMX-Cu. La partition hydrophobe

peut aussi jouer un rôle important dans la sorption du SMX. Srinivasan et al., (2014) ont

observé que la sorption du SMX dans les sols est due principalement à des interactions

hydrophobes médiées par le carbone organique du sol.

A part la sorption, les processus de dégradation abiotique et biotique peuvent aussi influencer

le devenir du SMX. En effet, cette molécule étant photosensible (dans la gamme entre 240 et

310 nm) elle pourrait être soumise au processus de photodégradation (Abellán et al., 2009).

Cela a été observé par Andreozzi et al., (2003) et Trovó et al., (2009).

Boreen et al., (2004) ont constaté que le SMX est dégrade principalement par photolyse

directe. Tandis que Ryan et al., (2011) ont observé un taux de photolyse directe d'environ

48% dans des eaux usées. Il a été montré qu’à des valeurs de pH environnementaux le SMX

est plus stable à la dégradation photochimique. Boreen et al., (2004) et Moore et Zhou, (1994)

ont observé que le SMX se dégrade plus rapidement dans sa forme neutre et cationique, tandis

que la forme anionique (forme la plus répandue à des valeurs de pH environnementaux) se

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dégrade beaucoup plus lentement. Bahnmüller et al., (2014) ont observé (sous lumière

naturelle simulé) que le SMX réagi principalement par phototransformation directe mais avec

une certaine contribution de phototransformation indirecte. Ryan et al., (2011) ont constaté

que la photolyse indirecte était un processus de dégradation importante pour le SMX dans les

eaux usées. Niu et al., (2013) ont montré que les acides fulviques diminuent le taux de

photodégradation du SMX. Le même effet a été observé pour les sédiments en suspension, les

valeurs de pH plus élevées et la présence de substances synthétiques (Niu et al., 2013).

D’autre part, certains auteurs ont observé que la biodégradation pourrait jouer un rôle

important dans sa dissipation en conditions naturelles (Srinivasan and Sarmah, 2014b; Xu et

al., 2011). Cetecioglu et al., (2013) ont étudié la biodégradabilité anoxique du SMX dans des

boues et sous différents conditions (nitrato-réductrices, sulfato-réductrices et

méthanogéniques). Le taux d’élimination observé dans la phase liquide a été de 70%, la

plupart de l’antibiotique étant éliminé pendant les 60 premiers jours. Au contraire,

Bertelkamp et al., (2014) ont montré que le SMX est peu ou non biodégradable dans le sol.

5.2Résistance bactérienne aux Sulfonamides (SA)

La résistance bactériene aux SA peut être gouvernée par une variété de mécanismes comme

par exemple (Huovinen, 2001) :

i) perméabilité des parois bactériennes et ou pompes à efflux,

ii) insensibilité des enzymes cibles

iii) modifications des enzymes cibles par mutation ou recombinaison

iv) résistance acquise (grâce à des enzymes cibles résistantes)

Köhler et al., (1996) ont démontré que le pompes à efflux sont un mécanisme conférant de la

résistance au SMX chez Pseudomonas aeruginosa. La résistance aux sulfonamides contrôlée

par mutation ou recombinaison a été observée chez de nombreuses bactéries d’importance

clinique tels que Escherichia. coli, Staphylococcus. aureus, Staphylococcus. pyogenes,

Staphylococcus haemolyticus, Neisseria meningitidis, Campylobacter jejuni et Helicobacter

pylori (Huovinen, 2001). Le transfert des gènes de résistance aux sulfonamides entre les

bactéries E. coli et Shigella est un exemple de résistance acquise. Akiba et al., (1960) l’ont

prouvé lors de la mise en contact de différents souches de Shigella (non-résistants) avec des

souches multi-résistants de E. coli ce qui a produit l’apparition des clones multi-résistants de

Shigella.

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La résistance acquise aux SA est contrôlée par les gènes « sul1 », « sul2 » et « sul3 » codant

pour le Dihydropteroate synthase (DHPS) et conférant une insensibilité aux sulfamides.

L’origine exacte de ces gènes reste inconnue (Perreten and Boerlin, 2003; Sköld, 2000).

L’identité en acides aminés entre les DHPS codées par les gènes « sul1 » et « sul2 » est de

seulement 57% (Huovinen, 2001; Huovinen et al., 1995). L’existence du gène « sul3 » a été

mis en évidence par Perreten and Boerlin, (2003).

Les gènes « sul1 » et « sul2 » ont été retrouvés en grande quantité dans les milieux naturels

par certains auteurs (Binh et al., 2008; Heuer et al., 2008). En outre, Bartoloni et al., (2006)

ont observé ces mêmes gènes de résistance chez des enfants en bonne santé en Bolivie, ce qui

prouve l’existence d’une problématique de résistance bactérienne aux sulfonamides dans le

pays où se trouve notre site d’étude. .