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Les mesures de variation de section ecace de photodétachement en champ électrique ont débuté dans les années 80. Les expériences ont été réalisées en onde p (sur H [BMS87] ou Au [GDL93]) ainsi qu'en onde s (sur Rb [FBH78], Cl et S [BSG92]). Les spectres font apparaître des diérences avec les mesures en champ nul (cf. Fig. 31) :

 le seuil de détachement est abaissé en raison de la modication de la barrière de potentiel subie par l'électron ;

 outre cet abaissement de seuil, le détachement peut se produire en dessous du seuil par eet tunnel. Le démarrage de la variation de section ecace est moins abrupt qu'en champ nul ;

 à plus haute énergie de détachement, le prol de la section ecace présente des oscillations qui dépendent du champ électrique F et de l'énergie de l'électron .

4.3 - Photodétachement en champ électrique 95

Figure 31  Variation de la section ecace de photo-détachement de S en champ électrique en fonction de la longueur d'onde du laser, gure tirée de la référence [GGM01]. Diérents modèles, traitant essentiellement le cas de l'hydrogène, [RW88, WRG88, DD88b,Fa89a], s'accordent de manière qualitative avec les données expérimentales. En général, la section ecace en champ électrique s'exprime simplement en fonction de celle en champ nul : σF = H(, F )σF=0, H étant une fonction oscillante de  et F . Cette formule généralise la loi de Wigner en champ électrique.

Durant les années 90, plusieurs expériences se déroulèrent dans le but d'explorer les propriétés du photodétachement d'ions non-hydrogénoïdes en champ électrique. S'agis-sant de S et de Cl, des désaccords entre la théorie et les données ont subsisté quelque temps. Le perfectionnement des techniques expérimentales permit d'établir un accord convenable (cf. Fig. 31) [GGM01], permettant de valider les modèles [DFS93, Fa94]. Plus récemment, l'eet tunnel et la modulation de la section ecace ont été étudiés sur les spectres obtenu par LPT dans le groupe d'Haugen, notamment sur C [SBB98,BH01]. L'eet tunnel et les oscillations présentes sur les spectres de photodétachement en champ électrique ont en réalité été observés quelque temps auparavant sur les spectres de photoïonisation [FEB78, LDB81, BCD85]. En 1980, Fabrikant interpréta dans l'ap-proximation semi-classique ces oscillations comme un phénomène d'interférences [Fa80]. Dans les deux cas, les trajectoires des électrons en champ électrique présentent diérents chemins pour se rendre du noyau à un autre point de l'espace. La superposition des tra-jectoires provoque l'oscillation de la section ecace totale. Ce phénomène d'interférence peut se manifester en diérents points de détection possibles. Plus précisément, on peut prévoir l'existence d'une gure d'interférence dans un plan perpendiculaire au champ constant. C'est ainsi que Fabrikant d'une part, Demkov, Kondratovich et Ostrovskii

Figure 32  Schéma de principe de l'expérience de microscopie de photoïonisation ou de détachement [KO90].

d'autre part, publièrent une série d'articles au début des années 80 démontrant la possi-bilité d'observer ces interférences dans le cas des ions négatifs (cf. Fig. 32). L'expérience alors proposée est interférométrique, les franges claires et sombres à enregistrer corres-pondent aux ventres et aux noeuds de la fonction d'onde du photo-électron. Les montages réalisés sur ces principes permirent l'observation macroscopique de phénomènes quan-tiques d'échelle microscopique : il s'agit des microscopes de photodétachement [BDD96] et de photoïonisation [NOV02].

5 La microscopie de photodétachement

Les relations et formules relatives au microscope de photodétachement ont largement été décrites dans les thèses du groupe [Du96, Va99, Go03, Ch06]. Il faut aussi mention-ner les travaux de thèse de C. Bracher [Br99] et de T. Kramer [Kr03], menés sous la direction de M. Kleber. Ces théoriciens ont developpé un formalisme original et com-plet conduisant à la description de la propagation des ondes de matière produites par une source quantique. Leurs théories dépassent le cadre de l'interprétation des interféro-grammes de photodétachement, elles s'étendent par exemple à la description de la chute d'un condensat de Bose-Einstein sous l'eet de la gravité ou à la microscopie par eet tunnel [KBK02].

5.2 - Courant électronique créé par une source ponctuelle libre 97

A noter par ailleurs que la microscopie de photoïonisation a été mise en évidence en 2002 [NOV02] sur l'atome de Xénon. Les interférogrammes présentent une structure plus complexe en raison de l'interaction coulombienne. La distribution spatiale des pho-toélectrons issus de l'ionisation de l'hydrogène en champ électrique n'a été calculée que récemment [ZD10a,ZD10b].

5.1 Problématique : un interféromètre à deux ondes obtenu par

chute libre

Dans le paragraphe précédent j'ai rappelé comment la réaction de photodétachement par laser permettait de créer une source d'électrons ponctuelle et mono-énergétique. On place ensuite les photo-électrons dans un champ de force constant, ici électrique. Il s'agit du problème le plus simple de mécanique classique après celui traitant du mouvement d'une particule libre. A énergie xe, chaque point d'un détecteur peut être atteint par deux trajectoires paraboliques (cf. Fig.33.a). Bien sûr, une telle expérience réalisée avec des billes (non cohérentes) évoluant sous l'eet de la gravité ne conduit pas à observer un système d'interférences ! !

Le point clef dans l'expérience est que la source produite par photodétachement est cohérente, et l'énergie d'émission est xée par la longueur d'onde du laser. Plus préci-sément, le temps de cohérence de la source doit être supérieur à la diérence de temps classique entre les deux chemins. Lorsque le photodétachement se produit en onde sphé-rique (onde s), toutes les trajectoires paraboliques sont remplies d'une densité de courant électronique constante. A une distance z0, l'onde directe et l'onde rééchie par le champ électrique se rejoignent et en raison de la symétrie cylindrique imposée, le système de franges est une série d'anneaux sombres ou clairs. Comme pour les expériences d'in-terférences électroniques obtenues par un système de fentes d'Young [MD56], l'électron détaché est détecté en un seul point : la construction de l'interférogramme résulte de l'accumulation d'électrons sur le détecteur. Ici l'élément qui permet la séparation du front d'onde est immatériel, il s'agit du champ électrique. Enn, il faut noter que l'expé-rience de microscopie de photodétachement illustre particulièrement bien comment les mécaniques, quantique et classique, sont reliées via l'action classique qui intervient le long des trajectoires.

5.2 Courant électronique créé par une source ponctuelle libre

5.2.1 Grandeurs caractéristiques et expression de la densité de courant

Diérents paramètres classiques ou quantiques interviennent dans les relations per-mettant de décrire la densité de courant observée sur le détecteur. Je récapitule dans

Figure 33  a) En présence d'un champ électrique uniforme, les deux trajectoires classiques possible du photo-électron provenant d'une source isotrope S conduisent à des interférences observées sur un détecteur placé à une distance macroscopique z0 (gure tirée de [BDK05]). b) Densité de courant théorique en fonction de la distance au centre de l'interférogramme.

la table 3 ces diérentes grandeurs en donnant leur nom, leur notation, leur expression (dans l'approximation du détecteur éloigné) et l'ordre de grandeur typique dans nos conditions expérimentales.

Dans une approche quantique rigoureuse, la distribution électronique en r, avec r = px2+ y2+ z2, d'une source ponctuelle d'électron localisée à l'origine évoluant dans un champ constant et monoénergétique  est la fonction de Green G(r, 0; ) du problème. Étant donnée la symétrie cylindrique, la solution s'exprime naturellement en coordonnées paraboliques, ξ = r + z et η = r − z. Ce système de coordonnées permet la séparation du mouvement d'un électron dans un champ électrique créé par la somme d'un champ constant et d'un champ coulombien. Ces coordonnées interviennent donc aussi dans la description de l'atome d'hydrogène en champ électrique et permettent de rendre compte de l'eet Lo Surdo-Stark dans les spectres continus [ADS91] ou réalisés au dessus de la limite d'ionization [LKB79]. La fonction de Green est la transformée de Fourier temporelle du propagateur K(r, 0; t) qui, lui, décrit plutôt la propagation à partir d'une source impulsionnelle émise à l'instant initial.

La forme exacte analytique de la fonction de Green d'une particule uniformément accélérée a été établie en 1976 [DS76] et redémontrée en 1998 [BBG98] dans le cadre du formalisme des sources quantiques introduites dans l'équation de Schrödinger. Ce formalisme très général permet aussi pour notre expérience de calculer le courant créé par des distributions de moments angulaires non nuls, i.e. avec des ondes partielles avec l supérieur à zéro [BKK03] et de prendre en compte l'extension spatiale de la source [KBK02]. A partir de la fonction de Green, la théorie exprime la dépendance du

5.2 - Courant électronique créé par une source ponctuelle libre 99

Nom Notation Expression Ordre de grandeur

Hauteur de chute z0 - 0,514 m

Champ électrique F - 150 - 450 V/m

Energie cinétique de l'électron  - 0,4 - 2 cm−1

Vitesse de l'électron V0 m2 4,2 - 9,4 km.s−1

Hauteur de remontée a qF 0,3 - 1,65 µ m

Rayon classique ρcl 2√az0 0,4 - 1,8 mm

Temps de chute moyen T¯ q2mz0

qF 100 - 200 ns

Diérence extrême des temps de vol ∆T 2qF2m 100 - 700 ps

Vitesse de chute moyenne < v > z0

T 2,6×103 - 4,5×103 km.s−1 Longueur d'onde caractéristique λ0 ( ~2

2mqF)(1/3) 45 - 60 nm

Table 3  Grandeurs usuelles intervenant dans la description théorique de la micro-scopie de photodétachement. Les lettres q, m et ~ désignent respectivement la valeur absolue de la charge de l'électron, sa masse et la constante de Planck réduite.

courant total produit et la distribution spatiale des électrons en fonction de l'énergie. Dans l'approximation du détecteur éloigné (z0 >> a), le courant en −z0 admet une intensité oscillante qui ne dépend que de la distance à l'axe ρ :

jz0 ∝ Ai2 1 λ0  ρ2 4z0 − a  (29) où Ai désigne la fonction d'Airy. On représente sur la gure 33.b cette distribution radiale de courant pour des valeurs usuelles utilisées lors de l'expérience.

5.2.2 Commentaires sur l'expression de la distribution spatiale de courant La nature quantique de la distribution de courant apparaît dans les oscillations représentées sur la gure 33.b. On remarque aussi que les électrons peuvent être détectés au delà du rayon classique maximum ρcl, dans une région classiquement interdite. La présence d'électrons, avec une probabilité exponentiellement décroissante au delà de cette limite, est interprétée comme étant un eet tunnel [BBG98]. Sur la gure 34.a, on représente l'évolution de l'interférogramme en fonction de l'énergie du photo-électron. Pour de grands arguments en valeur absolue de la fonction d'Airy, on peut écrire :

j ∝ 1 + cos[43 2m3 ~qF (1− ρ2 ρ2 cl)3/2π 2] 2πρ2 cl q 1− ρ2 ρ2cl (30) Le terme enest la signature de la loi de seuil de Wigner dans la densité de courant. La phase maximum de la structure oscillante, ∆ΦM ax, est la plus grande au centre. Son

expression : ∆ΦM ax = 4 3 √ 2m3 ~qF (31)

fait apparaître une variation en 3/2. Ainsi, compter le nombre d'anneaux de l'interféro-gramme (qui varie donc en 3/2) est une méthode plus sensible que de mesurer le diamètre de la tache (qui change en 1/2) pour déterminer l'énergie du photo-électron. Cette sen-sibilité vis-à-vis de l'énergie explique pourquoi la microscopie de photodétachement est la méthode la plus précise à ce jour pour déterminer les anités électroniques.

Il est aussi intéressant de noter que l'on peut retrouver, à un facteur de normalisation près, les modulations de section ecace en réintégrant la distribution spatiale :

σ∝ Z +∞ 0 Ai2 1 λ0  ρ2 4z0 − a  2πρdρ (32)

On retrouve ainsi la variation de section ecace en champ électrique, comme sur la gure 34.b. La section croît en 1/2 tout comme le prédit la loi de seuil. On constate à nouveau que les oscillations de section ecace en champ sont liées au phénomène d'interférence qui engendre la modulation spatiale de la densité de courant. De manière quantitative, le nombre de minimums observés (5 sur la gure 34.b pour une énergie de 1,2 cm−1) est le même que le nombre de noeuds de la distribution radiale à une même énergie et un même champ (cf. Fig. 33.b).

Figure 34  a) Modication de l'interférogramme en fonction de l'énergie du laser ou de manière équivalente de celle du photo-électron(gure tirée de [BDK05]). b) Calcul de la variation de section ecace de photodétachement dans un champ électrique F=423 V.m−1 calculée à partir de l'équation 32.

L'expression de la distribution de courant permet aussi de déterminer des critères permettant de trouver les conditions d'observation des anneaux d'interférences. Histori-quement [BDD96], ce travail a abouti à un diagramme de faisabilité qui a montré dans quel domaine l'expérience était réalisable. L'analyse de ces critères est parfois encore nécessaire lorsque nous souhaitons varier notablement les paramètres de l'expérience :