• Aucun résultat trouvé

Philosophie et réminiscence

Quiconque cherche à vérifier la présence de la notion de réminiscence dans la sphère de l’esprit absolu, et croit y voir une notion capitale pour la définition de l’absoluité spirituelle, se heurte à la difficulté suivante : l’exposition systématique de l’esprit absolu, dans Y Encyclopédie, ne fait aucunement mention de la notion de réminiscence. Cela ne montre-t-il pas que cette no- tion se trouve confinée à la doctrine de l’esprit subjectif, plus particulièrement de l’esprit théori- que se représentant ses intuitions immédiates ? Qu’elle est partant superflue au niveau de l’esprit

1M. PROUST, Le temps retrouvé, p. 177. 2 Ibid., p. 202.

absolu, qui plus est au niveau philosophique non de la représentation, mais du concept ? Non, car d’autres textes, et non des moindres, établissent un lien direct entre « réminiscence » et « absoluité ». Le texte très spéculatif du « savoir absolu », au terme de la Phénoménologie de

l’Esprit, pense explicitement l’absoluité du savoir philosophique à partir de la notion de rémi-

niscence. Aussi, la section « Religion » de ce même ouvrage, qui couvre les sphères systémati- ques de l’art et de la religion, renvoie à quelques reprises à cette notion1. Enfin, des textes moins

« officiels » mais tout de même fiables, à savoir les leçons, laissent entendre que l’absoluité de l’Esprit est envisageable comme un acte de réminiscence. À preuve, le passage suivant des Le-

çons sur l’esthétique :

Der Geist als wahrer Geist ist an und für sich und dadurch kein der Gegenständlichkeit abs- traktjenseitiges Wesen, sondern innerhalb derselben im endlichen Geiste die Erinnerung des We- sens aller Dinge : das Endliche in seiner Wesentlichkeit sich ergreifend und somit selber wesentlich und absolut. Die erste Form nun dieses Erfassens ist ein immittelbares und eben da- rum sinnliches Wissen, ein Wissen in Form und Gestalt des Sinnlichen und Objektiven selber, in welchem das Absolute zur Anschauung und Empfindung kommt. Die zweite Form sodann ist das

vorstellende Bewußtsein, die dritte endlich das freie Denken des absoluten Geistes1 2.

Dans cet extrait, Hegel ne fait pas qu’affirmer que l’Esprit en sa vérité (comme esprit ab- solu) n’est pas un au-delà de la fmitude, mais il ajoute qu’il est la « réminiscence de l’essence de toutes les choses dans l’esprit fini ». L’esprit absolu n’est pas l’autre de l’esprit fini, mais c’est l’esprit fini lui-même qui devient absolu en se saisissant en son essentialité. Voilà une autre preuve à l’appui du fait que c’est la véritable infinité (auto-assomption de la fmitude) qui carac- térise la fmitude de l’Esprit (cf. § 3. B). Ceci montre également que l’esprit absolu n’est pas étranger à l’esprit fini, mais qu’il est l’esprit fini qui s’élève à son essentialité ou, ce qui est la même chose, l’Esprit qui assume sa propre fmitude. Ce devenir absolu, dont la voie est la rémi- niscence, se réalise suivant trois formes. La première forme de cette réminiscence est immé- diate. C’est un savoir sensible qui amène à l’intuition et à la sensation l’absolu, c’est-à-dire cette essentialité : l’art. La deuxième forme est la religion : une conscience figurative se représentant l’absolu. Enfin, la troisième forme de réminiscence de l’essence des choses est celle qui a lieu à

1 Cf. PHÄ, 516, 531, 548 et 557. 2 VÄI, 139.

hauteur du concept et de la libre pensée : la philosophie. Ce passage suggère donc que Γabsoluité de l’art, de la religion et de la philosophie se constitue sur la base d’une réminis- cence. Je me limiterai ici à dégager la signification de la réminiscence au sein de la philosophie. Il serait possible de faire le même travail pour l’art et la religion, à propos desquels je ne dirai ici qu’un simple mot.

La fonction d’éternisation que nous avons décrite précédemment est bel et bien présente dans l’œuvre d’art. À plusieurs endroits, Hegel souligne que l’art exprime une victoire sur ce qui est passager, par là sur le temps et sa force de néantisation. L’art accorde effectivement à tout ce qui est passager une « durée » qui est absente dans l’extériorité sensible1. De plus, Hegel remar- que que la tâche de l’art est de saisir son contenu en son universalité et d’écarter ce qui en lui est purement extérieur et contingent1 2 ; ce qui constitue un autre trait essentiel de la réminiscence.

L’exemple du portrait, déjà cité, est probant. Le portrait n’est pas une reproduction, mais un travail de monstration de ce qui, dans le modèle, est général et essentiel, par-delà les traits parti- culiers de celui-ci. Mais l’œuvre d’art de manière générale peut être comprise comme un por- trait, comme une réminiscence3.

Pour ce qui concerne maintenant la religion, soulignons seulement que c’est dans le phé- nomène du culte de la « communauté » (Gemeinde) que s’exprime le plus nettement l’œuvre de la réminiscence, plus précisément dans le culte de la communauté chrétienne4. Dans la Phéno­

1 Cf. VÄ I, 215-216 : « Dadurch nun erhebt sie [die Kunst] durch diese Idealität zugleich die sonst wertlosen Ob- jekte, welche sie ihres unbedeutenden Inhalts unerachtet für sich fixiert und zum Zweck macht und auf das unsere Teilnahme richtet, woran wir sonst rücksichtslos vorübergehen würden. Dasselbe vollbringt die Kunst in Rücksicht auf die Zeit und ist auch hierin ideell. Was in der Natur vorübereilt, befestigt die Kunst zur Dauer ; ein schnell verschwindendes Lächeln, einen plötzlichen schalkhaften Zug um den Mund, einen Blick, einen flüchtigen Li- chtschein, ebenso geistige Züge im Leben der Menschen, Vorfälle, Begebenheiten, welche kommen und gehen, da sind und wieder vergessen werden - alles und jedes entreißt sie dem augenblicklichen Dasein und überwindet auch in dieser Beziehung die Natur. » — Cf. aussi Ibid., 21-22, 49 ; et surtout VÄ II, 226-227, à propos de ce dépasse- ment de la temporalité dans l’art classique (l’art proprement absolu).

2 Cf. VÄ I, 217 : « Hier nun ist es die Aufgabe des Kunstwerks, den Gegenstand in seiner Allgemeinheit zu ergrei- fen und in der äußeren Erscheinung desselben dasjenige fortzulassen, was für den Ausdruck des Inhalts bloß äußer- lieh und gleichgültig bleiben würde. » Cf. aussi Ibid., 205-206.

3 Cf. M.-A. RICARD, La mort de l’art chez Hegel comme autoportrait de la subjectivité, en part. p. 408, où l’auteure soutient que « l’art est souvenir » (au sens de la réminiscence) et que « toute œuvre d’art pour Hegel est une sorte de portrait ».

4 Dans son interprétation du christianisme, Hegel insiste fréquemment sur le rôle de la réminiscence dans la consti- tution de la communauté chrétienne, comme Ta fait remarquer C. Bouton. Cf. op. cit., p. 267 : « L’interprétation hégélienne du christianisme met l’accent sur les rôles déterminants de VErinnerung et de la communauté dans la constitution de la conscience religieuse. » L’efficace de la réminiscence dans les autres religions est cependant moins évidente dans l’analyse hégélienne. Si la religion en général est une sphère de l’esprit absolu, seule la reli- gion chrétienne est la religion absolue. Ceci explique que la réminiscence soit apparemment confinée à la vie de la communauté chrétienne.

ménologie de l’Esprit1, Hegel pense le phénomène de la résurrection à partir du phénomène de

la réminiscence. La résurrection du Christ ne signifie pas une résurrection de sa chair, mais son « devenir comme communauté » ( Werden zur Gemeinde)1 2 3. La mort du Christ est transfigurée en

ceci qu’elle passe du non-être de !’individualité singulière (la mort de Jésus comme individu naturel) à l’universalité de l’Esprit qui vit dans sa communauté, meurt en elle chaque jour et ressuscite. C’est ainsi dans et par l’acte de réminiscence, opéré par la communauté, que le Christ dépasse la négativité du temps comme existence spirituelle. « La communauté instaurée par la religion chrétienne est une communauté de 1’Erinnerung1 », écrit à juste titre Bouton. Cette ré- miniscence religieuse de la communauté chrétienne peut être interprétée plus précisément comme une commémoration : le culte chrétien se définit par la mémoire du Christ, de sa Pas- sion, de son enseignement, de ses actes, etc.

Mais revenons à la philosophie. Est-il vrai, comme je l’ai laissé entendre et comme l’affirme Vieillard-Baron, que « pour Hegel l’anamnèse est l’acte philosophique qui introduit au savoir absolu4 » ? Oui, et c’est le chapitre sur le « savoir absolu » de la Phénoménologie de

l’Esprit, où Hegel aborde le lien entre « réminiscence » et « philosophie », qui nous servira ici

de référence. Mais il convient d’abord de dire un mot sur l’expression « savoir absolu ». Cette expression ne désigne rien d’autre que la philosophie, comprise en sa vérité, non pas comme simple amour du savoir et de la vérité, mais comme savoir effectif de la vérité5. La philosophie est qualifiée de savoir absolu non pas au sens où elle serait un savoir non relatif, autosuffisant, hors de l’histoire et du temps. Elle n’est pas non plus un savoir absolu parce qu’elle désignerait une sorte d’omniscience, de savoir de tout sur tout6. Elle n’est pas davantage un savoir totale- ment « objectif », qui porterait sur l’objet suprême que serait l’absolu. Si la philosophie est qua- lifiée de savoir absolu, c’est plutôt parce qu’elle rend possible et actualise une identité à soi uni-

verseile de l’Esprit. La philosophie est une modalité de l’esprit absolu, et même la modalité la

1 Cf. PHÄ, 555 sq.

2 Cf. Ibid., 570. — B. Mabille a observé, dans son Hegel. L ,épreuve de la contingence, que Hegel ne parle jamais d’une résurrection de la chair, mais exclusivement d’une résurrection spirituelle : Jésus revit spirituellement dans le souvenir de la communauté des croyants qui se remémorent son enseignement, qui agissent en mémoire de lui et propagent la Bonne Parole. En somme, les chrétiens ressuscitent l’essentiel de ce que fut Jésus dans son existence naturelle. Le silence de Hegel sur la résurrection de la chair indique, me semble-t-il, qu’il n’y croyait tout simple- ment pas et qu’il interprétait sa « vérité » à partir de la notion de réminiscence.

3 C. BOUTON, op. cit.,p. 268.

4 Hegel et l’idéalisme allemand, p. 150. 5 Cf PHÄ, 14.

6 Pour une critique définitive de ce préjugé grossier contre le savoir absolu, cf E. CSIKÓS, Absolutes Wissen - Ab- soluter Geist, p. 270-272.

plus haute de celui-ci, parce qu’en elle l’Esprit se saisit tel qu’il est en son essence. La philoso- phie est donc le « lieu » où l’Esprit est le plus pleinement présent à lui-même en tant qu’Esprit. Comme l’éternité désigne, ainsi que nous l’avons vu, la présence à soi dans l’altérité temporelle, alors la philosophie en est !’actualisation supérieure.

Or, cette absoluité de la philosophie, cette identité à soi de l’Esprit qu’elle réalise, Hegel la pense explicitement dans la Phénoménologie de l’Esprit à partir de la notion de réminis- cence1. Plus exactement, il y décrit l’absoluité de la philosophie et de l’Esprit à partir de son historicité. La longue finale de son ouvrage s’ouvre sur des considérations sur l’histoire1 2. L’histoire, y affirme-t-il, comme devenir sachant et se médiatisant, représente !’extériorisation temporelle de l’Esprit au sein de laquelle ce dernier se connaît progressivement tel qu’il est et accomplit sa fin, qui consiste à se connaître parfaitement tel qu’il est, bref à réfléchir intégrale- ment sa substance. C’est alors qu’apparaît la notion de réminiscence. Tandis que l’histoire est !’extériorisation (Entäusserung) de l’Esprit, la réminiscence représente à l’inverse l’entrée en soi

1 Voici le passage complet auquel je me réfère, en PHÄ 590-591 : « Die andere Seite aber seines Werdens, die

Geschichte, ist das wissende, sich vermittelnde Werden - der an die Zeit entäußerte Geist ; aber diese Entäußerung ist ebenso die Entäußerung ihrer selbst ; das Negative ist das Negative seiner selbst. Dies Werden stellt eine träge Bewegung und Aufeinanderfolge von Geistern dar, eine Galerie von Bildern deren jedes, mit dem vollständigen Reichtume des Geistes ausgestattet, eben darum sich so träge bewegt, weil das Selbst diesen ganzen Reichtum seiner Substanz zu durchdringen und zu verdauen hat. Indem seine Vollendung darin besteht, das, was er ist, seine Substanz, vollkommen zu wissen, so ist dies Wissen sein Insichgehen, in welchem er sein Dasein verläßt und seine Gestalt der Erinnerung übergibt. In seinem Insichgehen ist er in der Nacht seines Selbstbewußtseins versunken, sein verschwundenes Dasein aber ist in ihr aufbewahrt ; und dies aufgehobene Dasein - das vorige, aber aus dem Wis- sen neugeborene - ist das neue Dasein, eine neue Welt und Geistesgestalt. In ihr hat er ebenso unbefangen von vom bei ihrer Unmittelbarkeit anzufangen und sich von ihr auf wieder großzuziehen, als ob alles Vorhergehende für ihn verloren wäre und er aus der Erfahrung der früheren Geister nichts gelernt hätte. Aber die Er-Innerung hat sie aufbewahrt und ist das Innere und die in der Tat höhere Form der Substanz. Wenn also dieser Geist seine Bildung, von sich nur auszugehen scheinend, wieder von vom anfängt, so ist es zugleich auf einer höheren Stufe, daß er anfangt. Das Geisterreich, das auf diese Weise sich in dem Dasein gebildet, macht eine Aufeinanderfolge aus, wo- rin einer den anderen ablöste und jeder das Reich der Welt von dem vorhergehenden übernahm. Ihr Ziel ist die Offenbarung der Tiefe, und diese ist der absolute Begriff ; diese Offenbarung ist hiermit das Aufheben seiner Tiefe oder seine Ausdehnung, die Negativität dieses insichseienden Ich, welche seine Entäußerung oder Substanz ist, - und seine Zeit, daß diese Entäußerung sich an ihr selbst entäußert und so in ihrer Ausdehnung ebenso in ihrer Tiefe, dem Selbst ist. Das Ziel, das absolute Wissen, oder der sich als Geist wissende Geist hat zu seinem Wege die Erin- nerung der Geister, wie sie an ihnen selbst sind und die Organisation ihres Reichs vollbringen. Ihre Aufbewahrung nach der Seite ihres freien, in der Form der Zufälligkeit erscheinenden Daseins ist die Geschichte, nach der Seite ihrer begriffenen Organisation aber die Wissenschaft des erscheinenden Wissens ; beide zusammen, die begriffene Geschichte, bilden die Erinnerung und die Schädelstätte des absoluten Geistes, die Wirklichkeit, Wahrheit und Gewißheit seines Throns, ohne den er das leblose Einsame wäre ; nur -

aus dem Kelche dieses Geisterreiches schäumt ihm seine Unendlichkeit. »

2 Ce que Hegel nomme ici simplement « histoire » (Geschichte), il le nomme ailleurs « histoire mondiale » ( Weltgeschichte). Il s’agit de la même chose, puisqu’il présente ici l’histoire de l’Esprit comme extériorisation au temps qui s’effectue comme devenir sachant et se médiatisant, ce qui converge avec la définition de l’histoire mon- diale que nous avons déjà rencontrée. Cf. § 1. A.

(Insichgehen) de l’Esprit dans l’élément du savoir. Elle désigne !’intériorisation de cette extério- risation1. Autrement dit, Hegel nous apprend que l’Esprit intériorise philosophiquement son extériorisation temporelle, se connaît dans l’élément de la pensée et du concept par un acte de réminiscence. L’Esprit se reprend de son extériorisation temporelle par réminiscence : il con- serve en lui-même son passé comme une « galerie d’images » où sont exposées ses figures anté- Heures. Ces figures sont sans doute mortes d’un point de vue naturel, mais elles « parlent » tou- jours la langue du concept et trouvent une place dans « la nuit de la conscience de soi ». L’esprit grec a disparu, mais la compréhension de soi à laquelle l’esprit universel est parvenu à cette époque a été conservée dans le souvenir de cet esprit qui s’est réfugié dans le monde romain. Et la philosophie a assimilé les « découvertes » grecques et les a intégrées à son propre horizon.

La réminiscence, que Hegel qualifie même de « forme supérieure de la substance », est donc constitutive de l’absoluité de la philosophie, puisque la philosophie se définit pour Hegel comme autoréminiscence de l’Esprit. 1) Elle permet de nier la négativité du temps qui engloutit tout dans le néant, en conservant le sens de ce qui fut. Plus haut dans le chapitre sur le « savoir absolu », où le temps est déterminé comme le concept étant-Ià, Hegel dit que l’Esprit apparaît nécessairement dans le temps aussi longtemps qu’il ne saisit pas son concept, c’est-à-dire aussi longtemps qu’il n’anéantit (tilgt) pas le temps1 2. Et il ajoute que lorsque l’Esprit saisit son con- cept, lorsqu’il parvient au savoir absolu, celui-ci assume (aufhebt) sa forme temporelle. La no- tion de réminiscence permet de saisir le sens de cet anéantissement (Tilgung) du temps qui con- siste en vérité en une assumption (Aufhebung) du temps. En intériorisant son extériorisation temporelle de manière intégrale, soit en parvenant à la pleine connaissance de soi, l’Esprit as- sume la négativité du temps : il rentre en lui-même dans un temps propre à lui, dans un présent où le passé ne passe plus, mais vit sous le mode de l’avoir-été3.

1 Dans ses leçons sur Platon, Hegel dit pareillement que la réminiscence exprime un mouvement d’entrer en soi et de « se rendre intérieur ». Ce mouvement éclaire l’activité de la connaissance de l’universel, donc de la connais- sanee de soi de l’Esprit, dont le savoir absolu est un savoir proprement universel. Cf. VGP Π, 44-45 : « In dem einen Sinne ist Erinnerung ein ungeschickter Ausdruck, und zwar in dem, daß man eine Vorstellung reproduziere, die man zu einer anderen Zeit schon gehabt hat. Aber Erinnerung hat auch einen anderen Sinn, den die Etymologie gibt, den : Sich-innerlich-machen, Insichgehen ; dies ist der tiefe Gedankensinn des Worts. In diesem Sinne kann man sagen, daß das Erkennen des Allgemeinen nichts sei als eine Erinnerung, ein Insichgehen, daß wir das, was zunächst in äußerlicher Weise sich zeigt, bestimmt ist als ein Mannigfaltiges, - daß wir dies zu einem Innerlichen machen, zu einem Allgemeinen dadurch, daß wir in uns selbst gehen, so unser Inneres zum Bewußtsein bringen. Bei Platon hat jedoch, wie nicht zu leugnen ist, der Ausdruck der Erinnerung häufig den empirischen, ersten Sinn. » 2 Cf. PHÄ 584.

3 Cf. C. BOUTON, op. cit., 276 : « Abolir le temps revient dès lors à supprimer le temps comme négativité vide et purement abstraite, à dépasser !’abstraction même du temps. » ; et p. 282 : « Ainsi est-ce la théorie de Y Erinnerung

2) Dans la réminiscence l’Esprit vit en identité avec soi non pas en niant abstraitement son historicité, mais sur la base de celle-ci. « Le savoir absolu est » certes « la victoire sur l’historicité », mais « opérée par !’historicité même1. » Il est évident en effet que la philosophie

n’est pas la négation pure et simple de l’historicité, mais sa compréhension conceptuelle (qui est une awtocompréhension de l’Esprit) comme « réminiscence des esprits ». Les dernières lignes de la Phénoménologie de l’Esprit en témoignent. La philosophie, aussi absolue soit-elle, demeure intrinsèquement liée à l’histoire. Sa tâche se trouve effectivement définie par Hegel par la notion

à’histoire conçue {begriffene Geschichte), laquelle renvoie à l’opération de la réminiscence. Si

l’histoire mondiale est !’extériorisation de l’Esprit dans le temps, l’histoire conçue constitue pour sa part !’intériorisation de cette extériorisation dans la subjectivité spirituelle par réminis- cence philosophique. Elle forme l’unité de l’histoire mondiale, saisie dans la forme de l’événementialité contingente, et de la science du savoir apparaissant, la Phénoménologie de l’Esprit. Elle n’est rien d’autre que la lecture de l’histoire mondiale dans son développement vers le savoir absolu. Cette histoire conçue ne vise pas à narrer ce qui fut, mais à montrer ce qui est vrai dans la venue à soi historique de l’Esprit. Une remarque de Hegel au début de la Doc-