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Nous avons vu que la mobilité de l'arsenic est contrôlée par de nombreux processus. Dans la suite de ce travail, nous étudierons plus particulièrement le processus d'adsorption qui

solide/liquide. En effet, l'adsorption étant réversible (désorption), elle donne un effet retard à la contamination des eaux en permettant à un élément de se fixer à la surface du solide, puis d'être remobilisé aux faveurs de conditions physico-chimiques différentes. L'adsorption est un processus d'immobilisation naturel dans les écosystèmes. Ce processus se retrouve dans les eaux de rivière ou souterraines chargées en particules, dans les sols ou les sédiments. L'étude de l'adsorption de l'arsenic sur différentes phases solides est donc un des paramètres importants pour estimer le risque encouru de contaminations naturelles ou pour mettre en

œuvre un système de dépollution à bas coût et à faible échelle.

a. Les oxydes de fer, de manganèse et d'aluminium

Les oxyhydroxydes de fer, d'aluminium et de manganèse composent avec les argiles une fraction importante du complexe d'altération. Les éléments les composant sont libérés au cours des différents processus d'altération, sous forme soluble et complexée, et peuvent évoluer plus ou moins vite vers des formes insolubles, amorphes ou cristallisées. Ils peuvent également s'associer aux autres éléments du complexe d'altération en particulier les argiles (Duchaufour, 1997). Ils sont présents en abondance sous forme amorphe ou cristalline dans la majorité des sols et jouent un rôle prépondérant dans la sorption des ions métalliques de par leur faible solubilité dans les conditions ordinaires de pH (Sposito, 1994). Les études de Duchaufour et Sposito portent toutes deux sur la compréhension des sols. En toute logique, nous prendrons donc en considération ces observations car les eaux de rivières et les sédiments que nous étudierons dans ce travail ne sont que l'héritage de processus d'érosion, d'altération, d'échanges et de transports d'un milieu continental émergé vers un milieu fluviatile.

- Oxydes de fer

Les oxydes de fer sont des colloïdes à charge variable ce qui signifie que leur charge de surface est déterminée par les paramètres de la solution avec lesquels ils s'équilibrent (pH, nature et concentration des électrolytes). Selon le pH, leur surface peut être chargée positivement, négativement ou neutre permettant ainsi l'échange d'anions ou de cations. Le point isoélectrique des oxydes de fer se situe aux alentours de pH 8-9 ce qui contribue à leur attribuer, dans la plupart des écosystèmes, la capacité de posséder des sites de surface participant à l'échange d'arsenic et d'anions en général.

L’adsorption de l’arsenic sur ces phases minérales est décrite par des phénomènes de complexation de surface. Dans ce type de réaction, l’arsenic va se fixer à la surface du

minéral sur les groupements acido-basiques de types «S–OH » présents sur cette surface (Bissen and Frimmel, 2003). Les oxydes de fer sont surtout impliqués dans les phénomènes d'adsorption spécifique. Contrairement à l'échange ionique de nature purement électrostatique, l'adsorption spécifique implique une réaction chimique par échange de ligands et modifie le point de charge nulle de l'oxyde.

La sorption de l'arsenic sur des oxydes de fer plus ou moins bien cristallisés à largement été étudiée aussi bien pour comprendre la migration de l'arsenic dans les sols que pour utiliser

ces phases minérales dans un but de traitement de l’eau. Ainsi on notera les études sur :

- les oxydes de fer hydratés (HFO) ou ferrihydrite (hydroxyde de fer amorphe) (Pierce and Moore, 1982; Dzomback and Morel, 1990; Raven et al., 1998; Jain and Ali, 2000; Lenoble, 2003).

- La goethite (Manning et al., 1998; Mamindy-Pajany et al., 2009)

- D’autres oxydes de fer cristallisés tels que l’hématite et la lépidocrocite, trois

polymorphes cristallins de FeOOH : α (goethite), (akaganéite), (lépidocrocite), un hydroxyde de fer granulaire proche de l’akaganéite (Bowell, 1994; Driehaus et al., 1995).

Ainsi, en synthétisant l’ensemble des résultats de ces auteurs, on peut indiquer qu’à température ambiante l’adsorption sur les oxydes de fer est très rapide et dépendante du pH. Le pH optimum d’adsorption se situe entre 4 et 5. Puis l’adsorption diminue avec l’augmentation du pH (Pierce and Moore, 1982). Il est aussi indiqué que l’adsorption de l’arséniate est supérieure à l’adsorption de l’arsénite pour une large gamme de pH toutefois la tendance s’inverse pour des pH supérieurs à 8. L’adsorption sur ces solides décroit selon

goethite > lépidocrocite > hématite. La comparaison avec les oxydes de fer amorphes montre

un pourcentage de fixation de l’arsenic nettement plus important que celui impliquant des

oxydes de fer cristallisés, ce qui est en accord avec des surfaces spécifiques plus élevées.

- Oxydes de manganèse

Les oxydes et hydroxydes de manganèse sont capables d’adsorber l’arsenic, mais le processus d’adsorption diffère de celui des oxydes de fer. En effet le phénomène d’adsorption

l’arsenic et de réduction du manganèse (Driehaus et al., 1995; Manning et al., 2002). L’oxyde

de manganèse en lui-même favorise l’oxydation d’As(III) en As(V) mais ne possède pas de

forte capacité d’adsorption. Dans le cadre d’un traitement d’eau polluée, pour favoriser la rétention de l’arsenic, il faut améliorer le procédé en enrobant un sable (procédé de traitement

utilisé par Volvic) ou utiliser un minerai de manganèse ferrugineux (Blard, 2003). Lenoble et al. (2004), étudièrent plus particulièrement ce type d’oxyde et utilisèrent une résine recouverte de MnO2 pour obtenirune forte rétention d’As(III) et d’As(V) via la combinaison de deux

mécanismes, l’adsorption sur les sites de MnO2 et l’immobilisation dans un précipité

d’arséniate de manganèse.

- Oxydes d’aluminium

Les oxydes d’aluminium sont également de bons candidats pour la rétention de l’arsenic.

De la même manière que les oxydes de fer, le mécanisme de rétention passe par les groupements acido-basiques de surface « S-OH ». Manning and Goldberg (1997) ont montré

que le maximum d’adsorption sur des hydroxydes d’aluminium amorphes est maximum entre

pH 5,5 et 9 pour As(III) et pH 7,5 et 9,5 pour As(V). Plus récemment, Youngran et al. (2007)

ont montré que l’adsorption d’As(V) sur les oxydes de fer était supérieure à celle sur les oxydes d’aluminium. De plus, les oxydes d’aluminium sont plus affectés par la présence d’anions compétiteurs tels que les sulfates, phosphates ou sélénates que les oxydes de fer.

b. Les carbonates

Les carbonates ont deux grands rôles principaux. D’une part ils contrôlent partiellement le

pH des sols et des eaux par leurs équilibres de dissolution. D’autre part, leur surface peut être

le siège de phénomènes de rétention par précipitation, adsorption ou absorption. Nous avons déjà vu que le pH est un paramètre très important dans la sorption de l’arsenic et qu’un pH trop alcalin ne favorise pas sa rétention sur les divers oxydes et hydroxydes et nous verrons

que ce n’est pas le cas pour les argiles non plus. So et al.(2008) indique que l’adsorption de l’arsenic sur de la calcite (carbonates de calcium) montre beaucoup d’ambigüité, plusieurs facteurs semblent contrôler en même temps le processus d’adsorption : la compétition pour les

sites de sorption entre les arséniates et les carbonates et/ou bicarbonates ; la spéciation des arséniates due au changement de pH et l’activité du calcium ; et la force ionique. Toutefois,

dans cette étude la rapide désorption des arséniates montre qu’ils ne sont pas absorbés, c'est-à-

dire incorporés à la matrice de la calcite. Ainsi la forte labilité des complexes de surface

l’adsorption des arséniates peut être très sensible aux changements de composition des eaux

souterraines (So et al., 2008). L’effet compétiteur des ions carbonates est également mis en avant par (Anawar et al., 2004), ils montrent que les ions carbonates peuvent former des

complexes sur les sites de surfaces des hydroxydes de fer et se substituer à l’arsenic sur la surface des minéraux et des sédiments, résultant ainsi d’une libération d’arsenic dans les eaux souterraines. A l’opposé, selon le rapport du BRGM (Laperche et al., 2003), dans le sol, aux pH élevés, la calcite semble favoriser l’adsorption de l’arsenic. Lorsqu’un sol est traité afin d’en éliminer le carbonate de calcium, il en résulte une diminution du pic d’adsorption de l’arsenic correspondant au domaine d’action de la calcite.

c. Silice

La silice est présente en abondance dans le milieu naturel. Elle peut être sous forme cristallisée (quartz principalement) ou sous forme amorphe. La silice présente des

groupements hydroxyles à sa surface, favorable pour la sorption de l’arsenic. Mais la faible

surface spécifique du quartz en fait un composé peu réactif à la rétention de l’arsenic. La

silice amorphe est plus réactive à la rétention de l’arsenic. Les ions silicates ont en revanche un rôle de compétiteur avec les ions arséniates pour la rétention sur d’autres phases minérales.

d. La matière organique

Le comportement de la matière organique sur la mobilité de l’arsenic est complexe et peu différencié. En effet, la matière organique naturelle peut avoir un rôle compétiteurs ( voir paragraphe « Compétitions ») permettant d’augmenter la libération de l’arsenic dans les solutions issues des sols et des sédiments. Mais la matière organique peut également servir de

phase adsorbante, réduisant ainsi la mobilité de l’arsenic. Les acides organiques peuvent réduire la mobilité de l’arsenic en servant de liant et/ou en formant des complexes insolubles, en particulier lorsqu’ils sont saturés avec des cations métalliques (Wang and Mulligan, 2006).

La complexation de l’arsenic avec la matière organique a souvent été étudié en association

avec une autre phase minérale adsorbante. Cornu et al. (1999) montre que la présence de

matière organique à la surface de la kaolinite augmente significativement l’adsorption d’arsenic et que la nature de la matière organique est un paramètre clef. La formation de

récente, Achard et al. (2013) identifient que la mobilité de l’arsenic est fortement reliée à la dynamique de la matière organique, dans un contexte de lixiviation de sédiments marins contaminés fraichement dragués.

e. Les argiles

Les argiles possèdent une grande capacité d’adsorption d’une part grâce à leur grande surface spécifique (en lien avec leur petite taille) ; et d’autres part grâce à leur forte réactivité physico-chimique liée à leur structure en feuillets et à la présence de charges négatives sur ces feuillets. La structure cristalline des argiles confère à ces particules leur capacité de rétention et permet également leur classification, qui sera détaillée dans les paragraphes suivants.

Les argiles (aussi appelé phyllosilicates) les plus fréquemment rencontrées dans les sols

sont la kaolinite, la montmorillonite, l’illite, la vermiculite et les chlorites. Ces phyllosilicates

présentent deux types de sites pouvant interagir avec les ions en solution. Le premier type

correspond aux sites d’échanges ioniques, présents dans l’espace inter-foliaire, qui attribuent

aux argiles la possibilité de substituer un cation interfoliaire par un autre de nature différente.

La quantité d’ions échangeables est appelée capacité d’échange cationique (CEC) et

représente de 10, 40 à 120 méq/100g, pour la kaolinite, l’illite et la montmorillonite respectivement. Le second type de sites est situé sur les bordures de feuillets, provenant de la coupure de feuillets et de la saturation des liaisons rompues par dissociation de molécule

d’eau. Il s’agit de groupements hydroxylés de types silanol SiOH et aluminol AlOH. Selon le pH de la solution au contact de l’argile, ces sites sont susceptibles de perdre ou d’accepter des

protons ce qui confère une charge positive ou négative aux bords de feuillets. En milieu acide, la plupart des argiles ne sont pas stables et se dissolvent, mais leur pH naturel en solution est légèrement alcalin (montmorillonite, illite) et correspond au pH des milieux étudiés.

La réactivité des argiles vis-à-vis de l’arsenic dépend donc de la quantité de sites en bordure de feuillets, de leur disponibilité et du pH de la solution.

2. Compétitions

En milieu naturel, de nombreux éléments sont présents dans la phase dissoute. Ces éléments peuvent être compétiteurs, complexants, neutres, favorisant ou inhibant la sorption

de l’arsenic. Parmi les compétiteurs capables d’inhiber la sorption de l’arsenic, on retrouve

notamment la présence de sulfates, de fluorures, de chlorure, de nitrates, de silicates ou de phosphates. Concernant les anions compétiteurs tels que F-, Cl-, NO3-, leur présence ne semble

pas affecter de façon significative l’adsorption des arséniates (Le Hécho et al., 2003). La

compétition des sulfates et silicates, à un degré moindre que les phosphates, a été montré sur des oxydes de fer amorphes (Wilkie and Hering, 1996; Goldberg, 2002), sur de la goethite et des argiles (Manning and Goldberg, 1996; Lenoble, 2003).

Enfin, le rôle de la matière organique reste ambigu. Selon les auteurs et les cas d’études, elle peut avoir une grande influence sur le comportement de sorption de l’arsenic en interagissant avec les surfaces minérales et/ou avec l’arsenic lui-même. Elle peut jouer un rôle significatif dans la libération de l’arsenic issu de sols ou de sédiments vers le compartiment

aqueux. Selon Wang and Mulligan (2006), qui se sont focalisés sur les effets de la matière

organique naturelle envers la libération de l’arsenic de sols ou de sédiments ; la présence de

matière organique naturelle peut augmenter la libération d'arsenic principalement à travers la compétition pour les sites d'adsorption disponibles, la formation de complexes aqueux, et en

modifiant la chimie redox des sites de surfaces et des espèces d’arsenic.

En accord avec ces conclusions, Bauer and Blodau (2006) travaillant sur la mobilisation de

l’arsenic par la matière organique dissoute (DOM) d’oxydes de fer, de sols ou de sédiments ; ont montré que la DOM a un fort potentiel pour libérer l’arsenic issu de la goethite, de sol

naturel et de sédiment sur une courte période et par des interactions purement chimiques. En prenant en compte uniquement la compétition pour les réactions de sorption, les sédiments

dans les eaux riches en DOM peuvent relarguer jusqu’à trois fois plus d’arsenic que les

sédiments dans une eau pauvre en DOM. Dans les conditions environnementales naturelles,

ce processus à la capacité d’élever la concentration en arsenic à des niveaux excédant les

normes de potabilité.

A l’opposé, Bauer et Blodau (2006) apportent qu’outre les anions dissous qui forment des éléments compétiteurs à l’arsenic on peut trouver le calcium dissous qui favorise la sorption de l’arsenic. L’adsorption de l’arsenic en présence de calcium est favorisée par la présence de

ponts calciques formant un système ternaire argiles ou oxyhydroxydes - calcium - arsenic (Wilkie and Hering, 1996; Smith et al., 2002; Cornu et al., 2003; Arai, 2010).