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Chapitre 5   Vers une méthodologie de modélisation des traces numériques

5.3   Processus de modélisation générique

5.3.2  Phase de création du modèle de trace

La seconde phase du processus147 est la création du modèle proprement dit, et consiste à faire émerger

des descriptions de l’activité obtenues dans la phase précédente, des observés potentiels qui seront

sélectionnés puis typés afin de constituer un modèle de trace qui sera complété et consolidé.

5.3.2.1 Sélection des observés

La première étape consiste à sélectionner des observés parmi les observés potentiels que la première

phase de ce processus aura mis en évidence. À nouveau, cette sélection pourrait être faite de manière

arbitraire par le modélisateur, mais nous proposons de la réaliser par le biais d’une schématisation de

l’activité, par exemple sous forme de graphe. Le modélisateur procèdera de la façon suivante :

- Choisir plusieurs situations d’activité effective – des « extraits représentatifs » de l’activité. Les situations en question seront enregistrées pour être schématisées en détail par la suite.

- Schématiser la réalisation effective de ces « extraits » sous forme de graphes à partir des objets mis en évidence dans la synthèse de la phase précédente (Figure 5.6). Le graphe dont il est ques-tion ici ne doit pas comporter de contraintes particulières, il s’agit simplement d’un moyen de re-présentation. Les objets qui y sont représentés, qui s’articulent pour décrire l’activité, peuvent être de toute nature (objets de l’interface, opérations, actions, évènements ponctuels ou duratifs), tout comme les relations qui sont posées entre eux.

- Comparer les différents graphes descriptifs et y sélectionner des observés. La comparaison entre

les graphes amène à repérer des éléments qui sont communs ou au contraire ceux qui apparaissent

comme caractéristiques d’une opération. Dans les deux cas le modélisateur devra juger ceux qui

doivent constituer des observés potentiels, i.e. des éléments du niveau de description de l’activité

engagée. L’objectif est de déterminer quel « vocabulaire » serait nécessaire et suffisant à la des-cription de tous les extraits choisis.

Figure 5.6 : Sélection des observés par schématisation de l’activité.

Finalement, cette schématisation revient à créer, à la main, une trace modélisée « sans son modèle », une trace telle qu’il serait pertinent qu’elle soit générée par le SBT mis en place (et selon le contexte de modélisation bien sûr). Le choix des éléments qui seront explicitement représentés dans ces sché-mas, consiste en fait à sélectionner des observés potentiels parmi tous les éléments composants les descriptions de l’activité données par l’analyse.

Il est difficile de donner à ce stade un exemple simplifié, l’intérêt de cette étape étant de donner en

détail une description schématisée de l’activité. Cette étape sera toutefois illustrée dans le chapitre suivant, qui présentera notre travail de terrain. Concernant les recommandations que nous pouvons formuler sur cette étape, soulignons qu’il faut éviter de choisir de schématiser uniquement des

situa-tions particulièrement problématiques ou difficiles pour l’utilisateur. En revanche la comparaison entre une réalisation « normale » et une réalisation « extrême » peut être intéressante. De plus, pour entamer

ce type de schématisation, il est parfois plus simple de partir d’un événement local, une suite

d’opérations courtes, caractéristique de l’activité à schématiser, que l’on étend ensuite à l’ensemble de l’extrait choisi.

Soulignons le fait qu’il existe plusieurs manières d’exprimer les observés modélisés, leurs attributs et leurs relations. Le modélisateur peut choisir par exemple de ne modéliser que des actions (ou évène-ments), de sorte que la trace modélisée sera constituée d’une suite d’actions (les objets sur lesquels elles portent étant des attributs de l’action), ou au contraire des observés qui sont uniquement des ob-jets (entités), les actions portants sur eux étant alors attributs de l’objet. De même pour les relations, qui peuvent ne pas être explicites dans le formalisme utilisé : une relation peut-être un observé en elle-même, avec pour attributs les observés entre lesquels elle fait le lien, ou bien être implicite et n’être qu’un attribut commun aux deux observés mis en relation (avec une référence croisée). Il est inutile de détailler toutes les combinaisons possibles, mais attirons l’attention sur le fait que des expressions équivalentes avec une syntaxe différente peuvent avoir un impact sur l’interprétation de la trace modé-lisée visuamodé-lisée au final.

5.3.2.2 Typage et formalisation des observés et de leurs relations

Une fois les observés potentiels et leurs relations sélectionnés dans la schématisation précédente, l’étape suivante consiste à en établir des types qui constitueront le modèle de trace. Le principe se

rapproche de ce qui se fait en modélisation de connaissances dans une approche ascendante, i.e.

lors-qu’il s’agit de créer des types d’objets formalisés à partir de leurs instances (Bachimont, 2004).

Quel-le que soit la nature des éléments considérés (événement, action, entité, objet, ou relation), Quel-le modéli-sateur devra donc tenter de les regrouper, les comparer, afin de les généraliser, de les abstraire en

types d’observés. Pour chaque observé typé, le modélisateur se basera sur les caractéristiques des

ins-tances pour en déduire les attributs utiles et nécessaires148. Ce typage s’accompagne d’une

hiérarchi-sation des types d’observés créés (entités / évènements), dans la mesure où cette hiérarchisation est possible et cohérente. Selon la nature des observés retenus il se peut qu’une hiérarchisation complète (une hiérarchisation unique pour l’ensemble des types) ne soit en effet pas possible.

5.3.2.3 Consolidation du modèle

La dernière étape, du processus est ce que nous avons appelé la « consolidation du modèle » et qui comprend plusieurs opérations qui achèvent la mise en place du modèle de trace. Tout d’abord, la mise en place d’une ébauche de modèle peut faire apparaître des observés qui n’avaient pas été envi-sagés, ou ne s’étaient pas imposés dans la schématisation de l’activité. Cette étape marque également l’entrée en ligne de compte de manière plus concrète des contraintes liées à la collecte : il faut s’assurer que l’instanciation des types d’observés constituant le modèle est possible, même si celle-ci

implique la mise en place de règles d’instanciation complexes qu’il faut alors définir. L’ensemble des

règles d’instanciation des observés doivent être déterminées par ailleurs avec l’informaticien respon-sable de l’implémentation du SBT. Ces règles peuvent être plus ou moins complexe en fonction des

observés à obtenir. Même un observé simple en apparence peut exiger la mise en place de règles de collecte plus complexes. Par exemple définir que le type « document consulté » ne sera instancié sur un fichier que si celui-ci est visualisé plus de 30 secondes en premier plan ; règles d’instanciation des relations : par exemple deux observés de type « page web visitée » ne sont mis en relation par un lien « lien http » que si l’utilisateur a effectivement cliqué sur un lien de la page (et non le bouton retour). On peut marquer la fin du processus générique de modélisation au point où le premier modèle de trace

complet est produit. Avant d’être implémenté et intégré au SBT, il doit encore être validé en passant

par une « simulation de trace modélisée » réalisée à la main. Pour s’assurer de la cohérence et de la faisabilité du produit de sa modélisation, le modélisateur aura donc une dernière opération à effectuer. L’opération en question consiste à enregistrer149 une activité sur un court laps de temps, puis à « générer à la main » la trace modélisée en instanciant les observés du modèle ainsi que leur relation en suivant les règles qui y sont définies. Le résultat pourra être soumis et discuté avec les utilisateurs potentiels de la trace modélisée, ce qui permet également d’identifier leurs besoins en terme de présen-tations de la trace, besoins qui dépendent fortement du contexte d’usage de la trace que nous allons

évoquer dans les sections à suivre avec la spécialisation du processus générique de modélisation. En

attendant, nous allons clore la présentation du processus générique par deux dernières remarques.