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CARACTERISATION DE LA VARIABILITE PHARMACOCINETIQUE DU MIDAZOLAM

5.1.2 Pharmacocinétique de population

5.1.2.1 Variabilité

L'administration d'une dose identique d'un médicament à divers individus peut conduire à des concentrations plasmatiques très variables et à des effets d'intensité ou de durée très différents. Les facteurs démographiques (âge, poids, genre), génétiques, environnementaux, physiopathologiques et médicamenteux constituent les principales sources de la variabilité interindividuelle observée sur la pharmacocinétique et la pharmacodynamie des médicaments. La caractérisation de la variabilité inter- et intraindividuelle est importante, afin d'éviter les échecs thérapeutiques ou la survenue d'effets indésirables et de pouvoir individualiser la posologie de manière optimale.

Les études pharmacocinétiques réalisées pendant le développement d'un produit cherchent à déterminer le profil pharmacocinétique moyen chez un petit nombre de volontaires sains ou chez des sujets sélectionnés selon des critères préférentiels, peu représentatifs de la population générale. Certains sous-groupes de patients comme les nouveau-nés ou les sujets âgés sont souvent exclus de ce type d'études pour des raisons éthiques et logistiques. Par conséquent, ces études ne permettent pas d'estimer la variabilité pharmacocinétique d'un médicament dans la population générale. Dans ce but, une nouvelle approche appelée pharmacocinétique de population a été développée au début des années septante. L'approche de la pharmacocinétique de population permet à la fois d'estimer les paramètres pharmacocinétiques moyens chez les sujets représentatifs de la population-cible d'un médicament et d'explorer la variabilité inter- et intraindividuelle. [Steimer 1994; Rowland 1995]

5.1.2.2 Méthodes pour l'approche de pharmacocinétique de population

On distingue principalement deux méthodes permettant l'estimation des paramètres pharmacocinétiques moyens d'une population et la quantification de la variabilité: les méthodes en deux étapes (Two-Stage Approach) et en une étape (One-Stage Approach ou Nonlinear Mixed-Effects Modelling Approach).

5.1.2.2.1 Two-Stage Approach

Lors de la première étape, les paramètres pharmacocinétiques individuels de chaque patient sont estimés par régression non linéaire sur la base des concentrations

variabilité sont obtenus dans une seconde étape par le calcul de la moyenne, la variance et la covariance des estimations individuelles. L'influence de covariables sur la variabilité pharmacocinétique peut être déterminée par une analyse statistique classique (régression linéaire).

L'évaluation des paramètres est relativement facile avec un bon nombre de logiciels informatiques. La possibilité d'inclure des covariables dans le modèle est un autre avantage de cette méthode. Cependant, cette approche n'est valable que si les données par sujet sont nombreuses et de bonne qualité. D'autre part, si l'estimation des paramètres populationnnels moyens est souvent correcte, la variance est surestimée par le fait qu'elle contient à la fois la variabilité inter- et intraindividuelle.

[Steimer 1985]

5.1.2.2.2 One-Stage Approach

Cette méthode en une étape constitue la pharmacocinétique de population au sens strict du terme. [Sheiner 1985, 1992; Steimer 1985, 1994] Le modèle utilisé comprend à la fois une partie pharmacocinétique et une partie pharmacostatistique. Cette approche permet d'analyser simultanément les paramètres populationnels moyens et la variabilité inter- et intraindividuelle dans un groupe de sujets traités par un médicament. Un jeu de données de concentrations individuelles est analysé de manière globale, le nombre de mesures effectuées par patient étant habituellement peu élevé et les mesures collectées à des temps variables.

Le modèle populationnel utilisé comprend des effets dits fixes et d'autres dits aléatoires. Les effets fixes sont les facteurs pouvant être déterminés ou mesurés, comme les valeurs moyennes des paramètres pharmacocinétiques et les caractéristiques identifiables des patients (âge, pathologie, comédications…). Les effets aléatoires comprennent les facteurs inconnus responsables de la variabilité interindividuelle (génétique, environnement) et de la variabilité résiduelle, comprenant la variabilité intraindividuelle et l'erreur résiduelle (erreur analytique, modèle pharmacocinétique inapproprié). La réponse observée pour un individu (i) au sein de la population à un moment donné (j) dépend de la valeur moyenne du paramètre dans la population (θ), de la variabilité interindividuelle de l'individu (ηi) et de la variabilité résiduelle de l'individu au moment de l'observation (εij). Elle peut être formulée de la manière suivante:

yij = fij ((θθθθ + ηηηηi), x ij) + εεεεij

Le modèle populationnel est l'ensemble des modèles obtenus pour chaque observation individuelle.

La variabilité interindividuelle appelée η est la différence entre la valeur du paramètre pharmacocinétique d'un individu et la valeur typique de ce paramètre pour la population. La valeur des η pour tous les sujets d'une population a une moyenne égale à 0, la distribution étant normale et décrite par la variance ω2. La valeur de η est différente pour chaque individu mais constante au sein d'un même individu. [Figure 5.1]

La variabilité résiduelle appelée ε est la différence entre les concentrations mesurées et prédites par le modèle. La valeur des ε pour toutes les concentrations mesurées chez un individu a une moyenne égale à 0, la distribution étant normale et décrite par la variance σ2. La valeur de ε est différente à chaque nouvelle observation. [Figure 5.1]

Fig. 5.1 Effets fixes et aléatoires influençant la réponse observée [Sheiner 1992]

Abréviations: ω = écart type caractérisant la variabilité interindividuelle η / σ = écart type caractérisant la variabilité résiduelle ε / RF = fonction rénale / = valeur réelle pour l'individu i / ! = valeur moyenne de la populationprédite par le modèle / " = concentration C mesurée au temps t pour l'individu i

Les paramètres pharmacocinétiques d'un individu comme la clairance (CLi) et le volume de distribution (Vdi) sont modélisés à partir des valeurs moyennes de la population caractérisées par des constantes de proportionnalité (θ) et de la variabilité interindividuelle (ηi) de l'individu sur le paramètre. Le modèle tient parfois compte également de covariables influençant le paramètre de manière significative.

CLi = θθθθ1 + ηηηηiCL

ou par ex. Cli = θθθθ1 + θθθθ2RFi + ηηηηiCL

RF: fonction rénale

Vdi = θθθθ3 + ηηηηiVd

ou par ex. Vdi = θθθθ3 + θθθθ4poidsi + ηηηηiVd

poidsi: poids du patient

La modélisation de la concentration observée (C) pour un individu tient compte de la concentration théorique prédite (Cpred) en fonction des paramètres pharmacocinétiques individuels et de la variabilité résiduelle (ε).

Cij = Cpred + εεεε ij

La méthode du maximum de vraisemblance (Maximum Likelihood Method) est utilisée pour déterminer la valeur moyenne des paramètres populationnels en fonction des données observées. Ce maximum de vraisemblance est déterminé à partir de paramètres initiaux par régression non-linéaire et itérations successives jusqu'à l'obtention du minimum de la fonction objective, égal à –2 * LL (-2LL), LL étant le logarithme de la fonction de vraisemblance (LL = log likelihood) (Figure 5.2). La valeur obtenue permet d'évaluer la qualité de l'ajustement des courbes aux données et de comparer divers modèles. Un autre test appelé le test du critère d'information d'Akaike (AIC) permet également la comparaison de modèles. La qualité de l'ajustement des courbes aux données dépend notamment du modèle d'erreur choisi pour la pondération des données (Tableau 5.3).

Fig. 5.2 Minimum de la fonction objective

Tableau 5.3 Modèles d'erreur interindividuelle et résiduelle Modèle d'erreur Modélisation de la variabilité

interindividuelle ηηηη (Ex.)

Modélisation de la variabilité résiduelle ε additif

(variance constante)

CL = θ1 + θ2RF + η1 C = Cpred + ε

proportionnel (CV constant)

CL = (θ1 + θ2RF) * (1 + η1) C = Cpred* (1 + ε)

exponentiel (CV constant, distribution log-normale)

CL = (θ1 + θ2RF) * expη1 C = Cpred* expε Abréviations: CV = coefficient de variation / RF = fonction rénale

Minimum

La détermination de la variabilité au sein d'une population n'est pas une fin en soi. La quantification de cette variabilité et la connaissance des covariables impliquées permettent dans un second temps de préciser et de justifier la posologie qui entraînera une efficacité maximale tout en limitant les effets secondaires pour un individu donné.

La détermination des paramètres pharmacocinétiques pour un individu sur la base d'un modèle populationnel est possible grâce à une estimation bayésienne. A une information initiale a priori portée par les paramètres pharmacocinétiques de la population se substitue une information individuelle actualisée a posteriori en fonction des covariables et des concentrations plasmatiques du sujet à adapter (Figure 5.3).

Fig. 5.3 Schéma général de la pharmacocinétique de population [Steimer 1994]

Divers logiciels informatiques ont été développés pour l'analyse de pharmacocinétique de population. Les programmes NONMEM et P-PHARM se différencient par l'algorithme utilisé pour la détermination du maximum de vraisemblance. P-PHARM utilise un algorithme EM (Expectation-Maximization) itératif en deux étapes. Lors de l'étape E, les données manquantes sont estimées sur la base des paramètres individuels connus, avec l'hypothèse d'une distribution et d'une variance connue. Lors de la deuxième étape M, les paramètres moyens de la population (moyenne et variance) sont estimés par linéarisation à partir des paramètres individuels calculés dans l'étape E. La valeur calculée par P-PHARM pour le maximum de vraisemblance correspond à LL. P-PHARM ne fournit aucune indication de la précision de l'estimation. NONMEM permet d'utiliser les algorithmes FO ou FOCE (First Order Conditional Estimates) itératifs reposant sur la linéarisation du modèle

pharmacocinétique au voisinage des moyennes des paramètres de population. La valeur calculée par NONMEM pour la fonction objective correspond à -2LL.

NONMEM fournit une indication de la précision de l'estimation de chaque paramètre (SE = erreur type). Les deux programmes permettent de déterminer les paramètres individuels à partir des données de la population (analyse bayésienne). [Mentré 1995;

Bennett 1996]