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Comme nous l’avons vu, pour Peirce, tout signe doit être envisagé comme une combinaison de trois signes. Mais ces signes ne valent rien sans les fonctions qui leur sont associés :

La manifestation de quelque chose.

La figuration de ce quelque chose en lieu et place d’autre chose, ou représentation. La définition du lien qui unit ces deux choses, ou interprétation.

METHODE DE LA RECHERCHE « MERE »

Figure 7. L’exploration du signe dans son fonctionnement

Si l’on représente par « / » le concept « par rapport à », on retrouve bien à travers ces fonctions la priméité (manifestation = R), la secondéité (représentation = O/R) et la tiercéité (explicitation de la représentation = I/[O/R]).

Parce que representatem, objet et interprétant sont eux-mêmes des signes, relevant donc d’une triple dimensionnalité, les fonctions peuvent être subdivisées à leur tour en trois modes de manifestation, de représentation, d’explicitation, suivant le protocole mathématique. La signification – la manière dont le signe fait signe de – peut ainsi être étudiée à travers neuf phénomènes distincts, ou « phanérons » comme les appelle Peirce. Leur théorisation constitue la « phanéroscopie », phénoménologie dont l’utilisation permet d’envisager le signe non plus comme naissant d’une simple relation triadique mais émergeant de la « tricoexistence » (le terme est de Peirce) de trois phanérons (Deledalle, 1979).

Ainsi, tout signe peut être subdivisé en trois trichrotomies :

La trichotomie du representatem (manifestation)

Cette dimension analyse comment le representatem fait lui-même signe.

 Si le representatem le fait en raison d’une qualité qui lui est propre, le signe produit est un qualisigne (exemple : l’idée de rougeur).

 Si le representatem est une manifestation concrète et singulière, le signe est qualifié de sinsigne (exemples : telle image, tel son).

 Si le representatem est la manifestation d’une convention, d’une règle, il s’agit d’un

légisigne (exemples : un panneau routier, le signal sonore de fermeture des portes

d’un train, une croix).

La trichotomie de l’objet (représentation)

Cette dimension – qui a été convoquée par Igor Babou pour sa démonstration, et valorisée ici en orange – rend compte de la relation établie entre l’objet et son representatem.

Representatem

Objet

Interprétant

Manifestation  Explicitation de la représentation = interprétation

SIGNE

Représentation

 Si l’objet est associé à un representatem en raison de sa ressemblance formelle ou conceptuelle, le signe produit est une icône (exemple : le dessin d’un homme non identifiable)

 Si c’est en raison d’une relation de contigüité, de causalité, le signe produit est un

indice (exemples : une empreinte de pas, signe d’un homme ; la fumée, signe d’un feu

dans cette forêt ; telle photographie, signe de tel événement).

 Si c’est en raison d’un usage courant, d’une convention, d’une règle, le signe est un

symbole (exemple : mettre une croix dans une case  pour signifier l’adhésion).

La trichotomie de l’interprétant (explicitation)

Cette dimension précise comment l’interprétant explique la liaison entre le representatem et l’objet.

Si le signe est compris comme la mise en avant possible d’une qualité, d’une propriété

de l’objet, le signe est un rhème (exemple : un échantillon-témoin).

Si le signe est compris comme expliquant l’identité, la singularité de l’objet, le signe est un dicisigne (exemple : une date sur une photographie renvoyant à tel événement).

Si le signe est compris à travers la mise en évidence de son caractère de signe, de

code,, le signe est un argument (exemples : le code de la route qui renvoie à des

panneaux eux-mêmes codés ; la case  qui renvoie à l’usage de la case à cocher ).

Protocole

mathématique R Nature du representatem O/R Nature de la relation representatem-objet I/[O/R] Nature de la mise en relation interprétant- objet

I = priméité Qualisigne Icône Rhème

Domaine du

possible (général) Tout attribut, toute qualité faisant signe.14 Représente l’objet en raison de ressemblances formelles

ou conceptuelles.

Désigne l’interprétation comme relevant d’une possibilité.

II = secondétité Sinsigne Indice Dicisigne

Domaine de l’existant

(particulier)

Toute réalité faisant signe dans son identité et sa singularité.

Représente l’objet en raison d’une liaison de contiguïté ou de causalité.

Désigne l’interprétation comme relevant d’une réalité concrète.

III = tiercéité Légisigne Symbole Argument

Domaine de la

règle (général) Toute convention, règle, usage, faisant signe. Représente l’objet en raison d’une habitude, d’une convention d’une règle.

Désigne l’interprétation comme relevant d’un usage, d’un code.

Tableau 1. La grille phanéroscopique

14 L’expression « faisant signe » que nous employons entend démarquer le representatem du signe qu’il

METHODE DE LA RECHERCHE « MERE »

La grille obtenue est susceptible de produire 27 combinaisons analytiques (3x3x3). Mais considérant que la priméité ne comprend qu’elle-même, que la secondéité implique la priméité, que la tiercéité implique la priméité et la secondéité, Peirce jugera qu’il n’existe que dix classes de signes.

La présentation de ces différentes classes nécessitant un développement inapproprié au regard des enjeux et perspectives de ce stage tutoré, nous renvoyons le lecteur curieux à l’ouvrage de Nicole Everaert-Desmedt (1995).

Il est important toutefois de préciser que, pour Peirce comme pour ses commentateurs, fonctions et classes de signes n’ont de sens que comme outil d’analyse, et ne consistent aucunement en une taxonomie figeant un signe dans un processus de signification particulier :

« Il ne s’agit donc pas, malgré les apparences, d’aller chercher des instances qui correspondent à chacun des types de signes. Chaque classe définit non pas un « type » mais un mode de fonctionnement. Tout système signifiant concret est une composition complexe des trois dimensions distinguées par Peirce. » (Veron, 1980, p. 67)

La phanéroscopie n’est qu’« une méthode dialectique à visée heuristique » (Deledalle, 1979, p. 95, p. 200). C’est d’ailleurs cet objectif de connaissances que nous visons à travers notre propre recherche.

Envisageons maintenant comment Igor Babou s’est servi de cet appareillage conceptuel pour répondre à sa question de recherche.

A

AANNNAAALLLYYYSSSEEEDDDEEELLLAAARRRTTTIIICCCLLLEEEAAAUUU

RRREEEGGGAAARRRDDDDDDUUUCCCAAADDDRRREEE

T

TTHHHEEEOOORRRIIIQQQUUUEEEEEETTTDDDEEESSS

OOOBBBJJJEEECCCTTTIIIFFFSSS

DDDEEE

RRREEECCCHHHEEERRRCCCHHHEEE

a sémiotique de Peirce se révèle appropriée pour étudier la contextualisation signifiante des images numériques puisque le contexte – circonstances et conditions – est justement pris en compte dans le modèle peircien du signe. Néanmoins, ce cadre théorique, très vaste, nécessite d’être resserré à l’objet de notre recherche, afin de pouvoir mettre en œuvre un protocole approprié.

D’où la nécessité, à ce stade de notre travail, de retourner à l’article d’Igor Babou afin de déterminer plus précisément les étapes qu’il suit et les outils sémiotiques qu’il emploie pour réaliser sa démonstration.