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La condition préalable à la définition d’une stratégie de contrôle moteur est la compréhension de sa dynamique vis-à-vis d’une sollicitation extérieure, telle que la variation d’un paramètre de commande. Celle-ci peut s’étudier en termes de réponse (valeurs acquises par des paramètres clés de sortie une fois le moteur à nouveau en régime permanent), temps de réponse (temps au bout duquel ces paramètres atteignent un pourcentage défini des valeurs attendues) et temps de retard à la réponse (temps qui s’écoule entre la variation du paramètre d’entrée et la répercussion de cette variation sur les paramètres de sortie clés).

Dans le cas d’un vol hypersonique propulsé par un superstatoréacteur, il existe deux consignes à respecter, d’une part ne pas dépasser une température limite donnée sur la face chaude de la paroi de la chambre de combustion (afin d’éviter la dégradation de ses structures) et d’autre part assurer la poussée voulue. Il est alors possible de considérer ces deux paramètres comme les deux grandeurs clés de sortie caractérisant le système. Par ailleurs, en termes de contrôle du véhicule, il existe actuellement une seule commande envisagée : le débit d’alimentation de carburant. Ce dernier représente donc, dans ce contexte, le paramètre de commande dont analyser les effets en termes de réponse dynamique du système.

43 La définition d’une stratégie de contrôle et de régulation du moteur pour un superstatoréacteur refroidi par son carburant représente un défi majeur. En effet, le refroidissement régénératif met en jeu des phénomènes très complexes et fortement couplés, surtout en cas de décomposition thermique du combustible.

Un premier couplage, chimique, apparaît entre la pyrolyse et la combustion du fluide refroidisseur car la décomposition du carburant, qui est endothermique, se produit du fait qu’en absorbant une partie de l’énergie thermique mise en jeu par sa propre combustion, ce dernier se réchauffe à des températures suffisamment élevées pour que les réactions de décomposition aient lieu. Or, la décomposition du combustible en affecte directement la combustion (et en conséquence l’énergie que celle-ci libère) car la cinétique de combustion dépend fortement des espèces constituant le mélange injecté en chambre. Evidemment, la composition de ce mélange dépend, entre autre, du flux thermique évacué par le fluide refroidisseur avant son injection en chambre. La boucle étant ainsi refermée, le couplage apparaît alors (24) (56).

Ce couplage entre le canal de refroidissement et la chambre de combustion rend la définition d’une stratégie de contrôle du moteur très compliquée, dû à la difficulté de prévoir l’effet transitoire observable sur chacun des deux paramètres clés de sortie (température en paroi et poussée). Cela est illustré par la figure 6 ci-après.

Figure 6. Possibles effets de la régulation de débit de carburant en termes de poussée délivrée par le moteur (57)

Pour accroître la poussée, une augmentation du débit de combustible à injecter en chambre paraîtrait possible. Cependant, cette augmentation de débit entraînerait une diminution du temps de séjour du fluide refroidisseur dans les canaux de refroidissement. En conséquence, supposant le flux thermique constant, le refroidissement des parois de la chambre de combustion serait plus efficace mais en même temps la quantité d’énergie thermique stockée par unité de masse

44 par le carburant serait moins importante. Le risque serait alors d’obtenir un taux de conversion plus faible et d’alimenter en chambre un mélange ayant un délai d’auto-inflammation plus grand.

Cela décalerait la combustion dans le temps et donc dans l’espace vers l’aval. Le risque serait de ne pas assurer une combustion complète avant la sortie du carburant du moteur. Dans ce cas, le flux thermique échangé entre les gaz de combustion et la paroi de la chambre se réduirait, ce qui, à son tour, pourrait faire encore décroître le taux de conversion du fluide refroidisseur. Le délai d’auto-inflammation du mélange injecté en chambre s’accroîtrait ainsi peu à peu et la poussée délivrée par le moteur serait de plus en plus faible, jusqu'à ce que la combustion ne soit plus assurée et le moteur ne s’éteigne ; sauf à trouver un nouveau point d’équilibre stable (fonctionnement dégradé). Ainsi, l’effet contraire à celui recherché serait obtenu (43).

La dynamique du système à l’étude est d’autant plus complexe que d’autres couplages existent. En négligeant, pour simplifier la compréhension, le phénomène de l’effusion du fluide refroidisseur à travers la paroi de la chambre, il est évident que le refroidissement régénératif implique les trois modes de transfert thermique, respectivement par convection (entre les gaz chauds et la paroi « chaude » de la chambre et entre le fluide refroidisseur et la paroi « froide » de la chambre), par conduction (dans la paroi) et par rayonnement (entre les gaz chauds et la paroi « chaude » de la chambre8). Ces transferts de chaleur dépendent tant des propriétés physiques des fluides et des matériaux (qui dépendent elles même de leurs températures) que de l’écoulement des fluides. En conséquence, un autre couplage, physique, apparaît entre les écoulements des fluides et les transferts thermiques.

En même temps, dû aux réactions de décomposition qui se produisent dans les canaux de refroidissement et aux réactions de combustion qui se produisent en chambre, il est possible d’identifier deux autres couplages. Il existe d’une part un couplage entre la chimie et les écoulements des fluides et, d’autre part un couplage entre la chimie et les transferts thermiques.

Le couplage entre chimie et écoulements des fluides apparaît évident dans le canal de refroidissement, où l’écoulement du fluide est affecté par sa composition qui, à son tour, est affectée par le temps de séjour du fluide dans les canaux et donc par son écoulement. Il en est de même pour la chambre de combustion, où la fluidique, dû à la grande vitesse de l’écoulement, affecte fortement le temps de séjour et le mélange des réactifs, donc la réactivité.

8 Le rayonnement entre le fluide refroidisseur et la paroi « froide » de la chambre est normalement négligeable.

45 Le couplage entre chimie et transferts thermiques est, lui aussi, clair. La cinétique chimique de pyrolyse dépend fortement des transferts thermiques entre la chambre de combustion et les canaux de refroidissement (56). En même temps, elle influence directement ces transferts, par exemple par le biais de la formation de dépôts carbonés qui ont, eux, un effet d’isolation thermique qui en réduit l’efficacité.

Une représentation schématique des couplages physiques et chimiques caractérisant une chambre de combustion refroidie par son propre carburant est donnée en fig. 7.

Figure 7. Schéma représentant les couplages physiques et chimiques caractérisant une chambre de combustion refroidie par son propre carburant

Les phénomènes physiques et chimiques en jeu ont chacun leurs temps caractéristiques de stabilisation. Il est évident que leur détermination est une condition indispensable pour l’étude du système. Ces temps, qui diffèrent parfois entre eux de plusieurs ordres de grandeur, peuvent également varier pour le même phénomène de plusieurs ordres de grandeurs selon les conditions opérationnelles. Par exemple, le délai d’auto-inflammation du carburant varie de plusieurs ordres de grandeurs en fonction de la composition et de la température.

46 La connaissance de ces temps caractéristiques permettrait de comprendre quels sont, selon les conditions opératoires, les phénomènes qui pilotent la dynamique du système. Cela est essentiel à la réalisation d’un modèle simplifié de la dynamique du moteur.

Dû à cet écart existant entre les temps caractéristiques de stabilisation des phénomènes physiques et chimiques impliqués et notamment entre ceux des transferts de chaleur par convection, par conduction et par rayonnement, des phénomènes d’hystérésis thermique peuvent se produire. Spécifiquement le moteur peut, pour les mêmes valeurs des paramètres de commande, atteindre des points de fonctionnement stables légèrement différents, qui dépendent de son évolution antérieure (24). Cette hystérésis, qui rend la définition d’une stratégie de contrôle encore plus compliquée, confirme la nécessité d’une analyse rigoureuse de l’évolution transitoire que le système subit si une sollicitation externe s’applique.

Les phénomènes en jeu sont régis par des équations aux dérivées partielles non linéaires à coefficients non constants, car les propriétés des matériaux et des fluides varient en fonction des conditions opératoires donc du point de fonctionnement du moteur. Ces équations étant complexes, leur résolution semi-analytique (66) (67) et/ou numérique constitue un travail de recherche à part entière qui ne s’inscrit pas dans le cadre de cette thèse. L’objectif de la présente étude est plutôt de développer, par l’analyse des variations temporelles de certains paramètres pertinents et de leurs niveaux respectifs en fonction de sollicitations externes, un modèle de comportement global du système qui puisse être accessible à l’homme pour sa bonne compréhension du système en vue plus tard de pouvoir disposer de simulations complètes sur lesquelles agir de manière ciblée et volontaire.

Cette approche permettra d’obtenir des relations semi-empiriques simples à utiliser pour modifier des paramètres de commande (non seulement le débit de combustible, qui reste le plus important, mais aussi d’autres éventuellement, tels que le rapport entre le débit de combustible et le débit d’air et la pression d’alimentation du fluide refroidisseur aux canaux de refroidissement) afin de produire une poussée donnée tout en évitant de dépasser une température de seuil en paroi de chambre.