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Les inconvénients de la décomposition endothermique d’un endocarburant

1.2 Le refroidissement du moteur : techniques de refroidissement passif et actif

1.2.3 Les inconvénients de la décomposition endothermique d’un endocarburant

Un premier inconvénient auquel faire face pour pouvoir profiter des avantages de la décomposition endothermique d’un endocarburant concerne le fait que, pour connaître la poussée délivrée par le moteur, il est nécessaire de connaître le débit et la composition du carburant injecté en chambre de combustion. Or, en raison de la décomposition du carburant, ni les propriétés physiques et chimiques ni le débit du mélange multi-espèces entrant en chambre ne sont connues (40) (51) (52).

La mesure du débit de combustible injecté en chambre de combustion est nécessaire car, en général, ce débit ne correspond pas à celui alimenté au moteur. En effet, les parois des canaux de refroidissement étant poreuses, il existe un débit de fluide qui passe directement dans la chambre, sans atteindre les mâts d’injection (53) (54) (55). Même si les matériaux composites utilisés ont des perméabilités très faibles (leurs perméabilités de Darcy étant entre 10-17 m2 et 10-16 m2), dû à l’écart de pression entre les canaux et la chambre (selon le cas spécifique, 20 à 40 bar), environ 10 % du fluide refroidisseur peut transpirer à travers la paroi poreuse dans la chambre (56) (57). Le carburant qui a transpiré dans la chambre, une fois à l’intérieur, forme une couche qui s’entrepose entre les parois et les gaz chauds, en réduisant les échanges thermiques convectifs et radiatifs entre les gaz de combustion et la surface de ces parois, ce qui contribue à leur protection thermique (figure 5) (56)6.

6 En effet, dans de nombreux cas il est possible d’exploiter les avantages de cette transpiration en utilisant, pour la fabrication des structures dont la chambre de combustion se constitue, des matériaux métalliques ou composites micro-perforées. L’on parle alors de refroidissement par effusion (ou par film mince), une technique de refroidissement moteur très étudiée (54). Dans le cadre de ce travail de thèse, nous nous limiterons à faire allusion à ce phénomène de transpiration en termes de réduction de débit de combustible alimenté au moteur.

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Figure 5. Effusion du fluide refroidisseur à travers la paroi poreuse du canal de refroidissement (59)

La pyrolyse du combustible-refroidisseur rend la mesure du débit de carburant injecté dans la chambre de combustion très difficile, car selon la pression d’alimentation de l’hydrocarbure, il est possible qu’il soit à la suite de l’échauffement à l’équilibre liquide-vapeur où même à l’état supercritique. Le débit massique d’un fluide en une seule phase peut être mesuré même sans en connaître la composition par l’utilisation d’un débitmètre de Coriolis. En revanche, aucune méthode de débimétrie à l’heure actuelle ne permet d’obtenir le débit massique d’un fluide multiphasique ou à l’état supercritique (56).

Cette difficulté de mesurer le débit de carburant entrant en chambre de combustion a été déjà étudiée de façon détaillée dans le cadre du projet COMPARER (COntrôle et Mesure des PARamètres d’un Ecoulement Réactif). Ce projet, dont les travaux ont fait l’objet de plusieurs publications, visait à identifier des paramètres permettant de caractériser l’écoulement du fluide refroidisseur sur un statomixte refroidi par son combustible et à développer des méthodes de mesure adaptées aux besoins en termes de contrôle moteur d’un vol hypersonique (51) (52).

Une autre difficulté vient du fait que le refroidissement régénératif met en jeu plusieurs phénomènes, physiques et chimiques, simultanément (transferts de quantité de mouvement, transferts de chaleur par conduction, convection et rayonnement, transferts de matière par convection et diffusion, adsorption, désorption, réactions de décomposition, réactions de combustion) (40). De plus, ces phénomènes sont fortement couplés, ce qui rend la compréhension de la dynamique du moteur, condition préalable à la définition d’une stratégie de contrôle et de régulation, très complexe.

En effet, il est très difficile de comprendre la manière dont chacun des phénomènes impliqués peut influer sur les autres car il est très difficile d’isoler l’influence d’un facteur parmi d’autre lorsque ces phénomènes agissent simultanément, avec des temps caractéristiques différents (24) (50) (56) .

41 La difficulté de définir une stratégie de contrôle moteur pour un statoréacteur refroidi par un carburant endothermique, surtout en présence de phénomènes de pyrolyse, est l’un des points clés de ce travail et fera l’objet du paragraphe 1.3.

Enfin, une dernière problématique reste à résoudre. La décomposition thermique des hydrocarbures entraîne normalement la formation d’espèces plus hydrogénées que le produit initial, comme l’hydrogène et le méthane ; en conséquence, elle s’accompagne souvent de la formation d’un dépôt carboné. Ce phénomène, connu sous le nom de cokage, a fait l’objet de plusieurs travaux de recherche, surtout dans les domaines de l’industrie pétrolière et de la pétrochimie, où la formation de dépôts carbonés affecte négativement de nombreux procédés, et dans les domaines aéronautiques et spatiales, où la formation de dépôts carbonés s’observe surtout suite à l’échauffement d’endocarburants à haute température (20) (42) (58) (59) (60) (61) (62) (63).

Certaines de ces études ont permis de mieux comprendre les mécanismes de formation de ces dépôts. Elles ont montré que leur génération passe par la formation d’intermédiaires tels que l’acétylène, le benzène et puis les hydrocarbures aromatiques polycycliques. Ces derniers composés peuvent, selon de nombreux chercheurs, être considérés comme les véritables précurseurs du coke (20).

Ces travaux ont attesté la complexité des chemins réactionnels impliqués, se caractérisant par des réactions de déshydrogénation, d’addition (surtout de molécules acétylène) et de cyclisation. D’autres travaux, plus applicatifs, ont permis de mieux comprendre l’influence sur ce phénomène de paramètres influents tels que la nature de l’hydrocarbure, la pression et la température du fluide qui pyrolyse, la densité de flux thermique absorbée, son état, son régime d’écoulement (20) (61) (63).

L’effet catalytique de surface du réacteur et l’effet d’éventuelles impuretés dissoutes dans le combustible ont également été analysés, ce qui a permis observer qu’en présence de composés oxygénés, même en de très faibles concentrations, un dépôt carboné peut se former à des températures auxquelles les hydrocarbures sont habituellement thermiquement stables7 (20).

L’effet du temps de séjour a été, lui aussi, étudié. Ces études ont toutes montré que l’accumulation de carbone est d’autant plus importante que le temps de séjour est grand (20) (40). D’autres recherches encore ont permis de distinguer, selon leurs propriétés physiques et chimiques, plusieurs formes de coke, ce qui permet de distinguer des dépôts carbonés

7 Ce type de coke est dit oxydatif.

42 pyrolytiques, catalytiques et asphaltiques, ces derniers présentant une forte présence de composés aromatiques volatiles (61).

Les conséquences négatives de la formation de coke sur un moteur refroidi par le carburant sont de deux types principalement : thermique (l’effet isolant des dépôts accumulés sur les surfaces réduit l’échange thermique entre les gaz brûlés et le carburant) et hydraulique (le rétrécissement local de la section de passage des canaux de refroidissement peut entraîner une augmentation de la perte de charge et même le bouchage des canaux de refroidissement). De plus, d’autres effets néfastes peuvent se produire, comme une réduction de l’endothermicité des réactions de pyrolyse et, une diminution de l’efficacité du refroidissement par effusion (par accumulation de particules de coke de l'ordre de 10 μm dans les pores du composite constituant la paroi et conduisant à son bouchage) (20) (56).

Or, l’exploitation de l’effet chimique de décomposition endothermique des endocarburants pour en accroître la capacité d’évacuation de chaleur passe par la maîtrise de leur pyrolyse.

Surtout, il est nécessaire d’être capable de maximiser la formation d’espèces légères hautement réactives tout en limitant la production de coke.