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Partie II Théorie spectrale et principe d’amplitude limite pour

8.3 Un phénomène de résonance

Après avoir établi le comportement asymptotique du terme e−iA tU0: solution du problème de Cauchy homogène, regardons maintenant séparément l’asymptotique du terme source φω(A, t)f

en supposant que la condition initiale U0 associée à notre problème de Cauchy est nulle. Ainsi l’équation (8.1) devient :

U (t) = φω(A, t)f . (8.6)

Théorème 8.3.1 Soit une source f ∈ H vérifiant l’hypothèse (H2) et une pulsation ω ∈ R.

Si Ωe = Ωm et ω = ±λp alors pour tout V ∈ H,

(U (t), V ) = t e−i ωt(E({ω}) f , V )H+ o(t), ∀V ∈ H,

En revanche si Ωe 6= Ωm ou ω 6= ±λp,

(U (t), V ) = o(t), ∀V ∈ H.

Preuve. D’après (8.6), le terme (U (t), V ) se réécrit sous la forme

(U (t), V )H= (φω(A, t)f , V )H.

En appliquant le théorème spectral 7.3.6, il vient : (φω(A, t)f , V )H =

Z

λ∈R

φω(λ, t) d (Eλf , V ) . (8.7)

Tout comme dans la démonstration de la proposition 8.2.1, la nature de la mesure (Eλf , V )

dépend des paramètres Ωe et Ωm.

• Si Ωe = Ωm, la décomposition de l’espace H⊥0 est donnée par (8.5). Ainsi comme f ∈ H⊥0, la mesure spectrale est de la forme

d (Eλf , V ) = θλ(f , V ) dλ + (E({λp}) f , V )Hδλp + (E({−λp}) f , V )Hδ−λp,

avec θλ(f , V ) ∈ L1(R). Ainsi le terme (8.7) se reformule de la façon suivante :

(φω(A, t)f , V )H = φω(λp, t) (E({λp}) f , V )H+ φω(−λp, t) (E({−λp}) f , V )H +

Z

R

φω(λ, t) θλ(f , V ) dλ.

Montrons à l’aide du théorème de convergence dominée que t−1

Z

R

φω(λ, t) θλ(f , V ) dλ → 0. En

effet, on a d’une part (cf. (8.2)),

t −1 φω(λ, t) θλ(f , V ) ≤ |θλ(f , V )| ∈ L 1 (R), et d’autre part t−1φω(λ, t) θλ(f , V ) → 0 presque partout.

8.3. Un phénomène de résonance 169

Concernant la partie ponctuelle de la mesure, deux comportements sont alors alors possibles selon que ω ∈ {±λp} ou ω /∈ {±λp}. Ceci est dû au fait que la fonction φω(λ, t) est bornée en

temps :

|φω(λ, t)| ≤

2

|λ − ω| = o(t) pour λ 6= ω, alors qu’elle satisfait

φω(ω, t) = t e−i ω t

en λ = ω. La partie absolument continue de la mesure étant négligeable devant t, le développe- ment asymptotique en temps de l’expression 8.7 découle alors immédiatement de cette dernière propriété.

• Si Ωe 6= Ωm, H⊥0 = Hac, la mesure spectrale (Eλf , V ) est donc ici absolument continue. En

reprenant le raisonnement effectué dans le cas précédent sur la partie continue de (Eλf , V ), on

déduit aisément que :

(U (t), V )H = o(t).

Le théorème précédent a permis de mettre en évidence un phénomène de résonance aux fréquences ±λp, appelées communément fréquences plasmons en électromagnétisme. En effet,

lorsque’on excite le système en ω = ±λp, la solution U (t) n’est plus bornée lorsque t → ∞

et croît linéairement en temps dès que la source f n’est pas orthogonal au sous-espace propre associés à ω = ±λp. Notons que l’originalité de ce phénomène de résonance est qu’il se produit

pour un domaine de propagation non borné, ils sont usuellement plus faciles à observer lorsque le domaine est borné. Il est lié à la présence de valeurs propres non nulles dans le spectre de l’opérateur de Schrödinger A. Remarquons enfin qu’un tel phénomène ne pourrait exister si l’on remplaçait le matériau de Drude par un deuxième diélectrique, car le spectre ponctuel de l’opérateur de Schrödinger ne contiendrait alors que 0 (cf. [113]).

Remarque 8.3.2 Notons ici que dans des milieux ouverts d’autres phénomènes de résonance

ont été mis en évidence avec un taux de croissance en temps moins rapide que la croissance linéaire. Par exemple, pour l’équation des ondes dans un guide cylindrique fermé, on observe un comportement ent e−iωt si ω est une fréquence de coupure du guide, autrement dit le seuil d’apparition d’un nouveau mode guidé (cf. [115]). Par contre, pour un guide plan (du type

R2×]0, 1[), la résonance est ici en log(t) e−iωt pour une telle fréquence (cf. [116]). Dans ces deux

cas, à la différence de notre problème, il ne s’agit pas de la présence d’une valeur propre en ω, mais d’un changement de multiplicité du spectre continu de l’opérateur en ce point.

Nous allons maintenant illustrer ce phénomène de résonance numériquement. Dans ce but, nous présentons des simulations effectuées par Valentin Vinoles, doctorant au sein de l’équipe POEMS, qui travaille sur les aspects numériques de la propagation des ondes dans les métama- tériaux. Dans ces simulations, on s’intéresse à la solution du problème de Cauchy (C) avec une condition initiale U0 nulle pour les paramètres physiques suivants : ε0 = µ0 = 1, Ωe= Ωm = 3.

Quant à la source F , elle est donnée par4

F (t) = f sin(λpt),

4. La solution associée à un tel second membre s’écrit comme la partie imaginaire de celle construite à partir de la source f ei λpt.

où f ∈ H0 est définie par f =−Jk0, 0, 0, 0 > avec Jk(x, y) = −e−25[(x+1) 2+y2 ], ∀(x, y) ∈ R2. (8.8) Ce jeu de paramètres implique que l’indice de réfraction est égal n =ε0µ0 = 1 dans le diélectrique et n = −ε0µ0 = −1 dans le matériau de Drude. Nous sommes donc dans des conditions similaires à celles utilisées dans la lentille de Pendry (cf [90]).

Remarque 8.3.3 Le problème étant posé dans un domaine non borné, il est nécessaire de

tronquer artificiellement le domaine de calcul. A cette fin, l’une des méthodes les plus populaires consiste à utiliser les fameuses couches absorbantes parfaitement adaptées, encore appelées PML (acronyme anglais pour Perfectly Matched Layers), introduites par Jean-Pierre Bérenger (cf. [15]). Malheureusement, les PML peuvent présenter des instabilités, notamment en présence d’ondes inverses (cf. [13]). Or, le matériau de Drude, qui se comporte comme un NIM à basses fréquences, induit l’existence d’ondes inverses dans les phénomènes de propagation (cf. sous- partie 7.1.3). Les PML dites "classiques" sont donc instables dans notre cas. Cependant, il est possible de construire des PML stables dans les NIM. Ceci sera détaillé dans l’article [14] en préparation.

Dans la figure 8.1, nous avons représenté l’évolution temporelle du champ uE(·) (composante

électrique de U (·)) sur le domaine [−10, 10] × [0, 10]. A partir de t = 0, la source émet dans le diélectrique, ce qui génère une onde qui se propage ensuite de part et d’autre de l’interface. L’indice optique du matériau de Drude étant négatif à la fréquence d’excitation λp, les ondes

sont inverses dans ce matériau. Ceci est difficilement visible sur les instantanés de la figure 8.1, mais on le constate aisément en regardant l’animation correspondante à cette simulation. La source F fait ici résonner les modes plasmoniques wλp, k, 1 localisés au voisinage de l’interface, nous notons donc surtout un accroissement au cours du temps du module de uE(·) dans cette

zone. La croissance linéaire, énoncée dans le théorème 8.3.1, est confirmée par la figure 8.3 qui représente l’évolution au cours du temps du champ uE(·) pour le point de l’interface (0, 0).

Différents tests numériques ont mis en évidence la nécessité de placer la source proche de l’interface pour exciter suffisamment les plasmons wλp, k, 1afin que le phénomène soit constatable numériquement. Ceci s’explique par le fait que les ondes plasmoniques sont exponentiellement décroissantes dans la direction transverse à l’interface, on les excite donc d’autant mieux quand la source est proche de cette dernière.

La simulation correspondant à la figure 8.2 consiste, tout en excitant à la fréquence de ré- sonance λp, à prendre une source spatiale f qui est dans l’orthogonal de l’image du projecteur

E({λp}). A la différence du cas précédent, le théorème 8.3.1 prédit qu’il n’y aura pas de crois-

sance linéaire en temps de la solution. Pour construire une telle source, il suffit de rendre la densité de courant Jk dans (8.8) impaire en x. En effet, pour tout V ∈ H↓, le produit scalaire (E({λp}) f , V )H est donné (cf. (7.94)) par

(E({λp}) f , V )H= Z |k|>kc D f , wλp, k, 1 E H D V , wλp, k, 1 E Hdk,

où la première composante de wλp, k, 1 est paire en x d’après la remarque 7.1.16. Il est donc nul pour un courant Jk impair. Ainsi, par densité de H↓ dans H, f appartient à Im(E({λp})⊥. De

manière à rendre Jk impaire en x dans 8.8, nous avons ici posé :

Jk(x, y) = −e−25[(x+1)

2+y2

] + e−25[(−x+1)2+y2

], ∀(x, y) ∈ R2.

Dans la figure 8.2, on observe alors que le module de uE(·) ne croît pas au cours du temps.

8.3. Un phénomène de résonance 171

Figure 8.1 – Évolution temporelle du champ électrique uE(·) pour Ωe = Ωm = 3 et ω = λp =

Figure 8.2 – Évolution temporelle du champ électrique uE(·) pour Ωe = Ωm = 3, ω = λp =

m/

8.3. Un phénomène de résonance 173

Figure 8.3 – Évolution temporelle du champ électrique uE(·) (décrit par la figure 8.1) au point

(0, 0) situé sur l’interface.

Figure 8.4 – Évolution temporelle du champ électrique uE(·) (décrit par la figure 8.2) au point

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