Partie II Théorie spectrale et principe d’amplitude limite pour
7.2 Théorie spectrale de l’opérateur de Schrödinger
7.2.2 Famille modale de l’opérateur de Schrödinger
Soit U ∈ H et I ⊂ R. Relions d’abord E(I) au projecteur spectral ˆE(I) de l’opérateur A.ˆ L’opérateur A étant unitairement équivalent à ˆA : A = F−1A F , le calcul fonctionnel de A estˆ "transporté" par l’opérateur unitaire F :
f (A) = F−1f ( ˆA) F .
En particulier, les projecteurs spectraux E(I) et ˆE(I) vérifient donc
E(I) = F−1E(I) F .ˆ (7.86)
Nous pouvons maintenant utiliser notre second outil : la notion d’intégrale directe permettant de relier le calcul fonctionnel de ˆA à celui de Aˆk (cf. théorème 7.3.16) afin d’exprimer ˆE(I) en fonction de ˆEk : ˆ E(I) = Z ⊕ ˆ Ek(I) dk (7.87)
où l’espace H est alors identifié à l’intégrale directeR
Cas où I ⊂ I0
Nous voulons ici exprimer les projecteurs spectraux E(I) en fonction d’une famille modale à variables séparables de la forme (6.3) faisant intervenir les vecteurs propres et vecteurs propres généralisés ˆwλ,k,j de l’opérateur ˆAk.
De la relation (7.86) et de l’identité de Parseval-Plancherel, il découle : (E(I) U , U )H= (ˆE(I) ˆU , ˆU )H où ˆU = F (U ).
En vertu de (7.87), cette relation devient : (E(I) U , U )H=
Z
R
(ˆEk(I) ˆU (·, k), ˆU (·, k))Hˆdk.
Dans le but de réécrire le terme (ˆEk(I) ˆU (·, k), ˆU (·, k))Hˆ sous la forme diagonale (7.55), choi- sissons un élément U ∈ D(R2) × D(R2) × D(R2
+) × D(R2+), ce qui implique en particulier que la fonction ˆU (·, k) ∈ ˆH↓. On a alors : (E(I) U , U )H= Z R Z R X j∈Jλ,k 1I(λ) D ˆ U (·, k), ˆwλ,k,j E ˆ H 2 dmk(λ) dk. (7.88)
En utilisant alors le fait que
ˆ U (x, k) = 1 2 π Z R U (x, y) e−i k y dy,
il vient (avec le théorème de Fubini pour intervertir le crochet de dualité et l’intégrale en y) :
D ˆ U (·, k), ˆwλ,k,j E ˆ H = hU , wλ, k, jiH où wλ, k, j(x, y) = ˆwλ,k,j(x) ei k y 2π . (7.89)
A l’instar de h·, ·iHˆ, la notation h·, ·iH désigne ici un crochet de dualité entre un espace :
H↑ = L2−s(R2) × L 2 −s(R 2) × L2 −s(R2+) × L 2 −s(R 2 +), avec s > 1 (7.90) contenant H et son dual H↓
H↓ = L2s(R2) × L2s(R2) × L2s(R2+) × L2s(R2+), (7.91)
dense dans H où les espaces L2s(O) et L2s(O) sont définis pour s ∈ R et pour O = R2+ où R2 par : L2s(O) =nu | (1 + x2 + y2)s2 u ∈ L2 s(O) o et L2s(O) =nu | (1 + x2+ y2)s2 u ∈ L2 s(O) o .
Les fonctions wλ, k, j étant bornées sur R2, elles appartiennent naturellement à l’espace H↑ pour
s > 1. Ce sont en fait des vecteurs propres généralisés de l’opérateur A s’exprimant (cf. (6.3))
comme le produit d’un vecteur propre ou vecteur propre généralisé de ˆAk par une exponentielle ei k y (la constante 1/(2π) étant un facteur de renormalisation).
En revenant à l’expression (7.88), nous obtenons : (E(I) U , U )H= Z R Z R 1I(λ) X j∈Jλ,k hU , wλ, k, jiH 2 dmk(λ) dk
7.2. Théorie spectrale de l’opérateur de Schrödinger 149
qui se prolonge13 (par densité de D(R2) × D(R2) × D(R2
+) × D(R2+) dans H↓) à tout U ∈ H↓. Finalement, par identité de polarisation, nous trouvons une décomposition modale des projecteurs spectraux : (E(I) U , V )H = Z R Z R1 I(λ) X j∈Jλ,k hU , wλ, k, jiH hV , wλ, k, jiHdmk(λ) dk, ∀U , V ∈ H↓. (7.92)
Explicitons maintenant la variation de la mesure spectrale de l’opérateur A sur des intervalles
I contenus dans I0. En effet, A et ˆA étant unitairement équivalent, leurs mesures spectrales vérifient :
d(EλU , V )H = d(ˆEλU , ˆˆ V )H, ∀U , V ∈ H. De plus, par la relation (7.115) du théorème 7.3.16, nous avons :
d(ˆEλU , ˆˆ V )H =
Z
k∈R
d(ˆEk,λU (·, k), ˆˆ V (·, k)) dk.
Or nous avons (cf. (7.56) et (7.89)) que pour des fonctions U et V ∈ H↓ :
d(ˆEk,λU (·, k), ˆˆ V (·, k))Hˆ =
X
j∈Jλ,k
hU , wλ, k, jiH hV , wλ, k, jiHdmk(λ).
Ainsi, il vient finalement : d(EλU , V )H = Z R X j∈Jλ,k hU , wλ, k, jiH hV , wλ, k, jiHdmk(λ) dk, ∀U , V ∈ H↓. (7.93)
Remarque 7.2.1 Effectuons quelques petits commentaires sur l’expression des projecteurs
spectraux (7.92). Il est aisé de constater que
– Si Ωe 6= Ωm, E({λ}) = 0 pour tout λ ∈ I0. Ainsi, l’opérateur A ne possède pas de valeurs
propres dans I0. Cette conclusion peut être également tirée du théorème 7.3.16 appliqué
à ˆA et donc à A (car comme A et A sont unitairement équivalents, leurs spectres sontˆ égaux et admettent la même décomposition (7.103) en terme de spectre continu et spectre ponctuel). Ce théorème stipule d’une part que λ ∈ σ(A) si et seulement si pour tout > 0,
µ({k | σ( ˆAk)∩]λ − , λ + [6= ∅}) > 0, et d’autre part que λ ∈ σp(A) si et seulement si
µ({k | λ ∈ σp( ˆAk)}) > 0
(µ étant ici la mesure de Lebesgue). Ainsi, les valeurs propres de ˆAk : ±λp(k) qui sont strictement monotones en k (cf. figures 6.3 et 6.5) appartiennent au spectre continu de A. – Si Ωm = Ωe, il existe deux valeurs de λ ∈ I0 : ±λp = ±Ωm/
√
2 pour lesquelles E({λ}) 6= 0.
En effet, (E({±λp}) U , V )H= Z |k|>kc D U , w±λp, k, 1 E H D V , w±λp, k, 1 E Hdk, (7.94)
13. Il suffit de montrer ce prolongement par densité sur des intervalles I bornés ne contenant pas ±λc. Le
car les courbes ±λp(k) = ±Ωm/
√
2 sont ici constantes14 sur |k| > k
c. Ainsi, ±λp ap- partient à σp(A). Il serait alors facile de démontrer que ±λp est une valeur propre de multiplicité infinie. En effet, en utilisant l’équation (7.67), il est aisé de prouver que la fonction ˆV définie par
ˆ
V (x, k) = ˆf (k) ˆw±λp,k,1(x), ∀ ˆf ∈ D({|k| > kc})
appartient à H et est un vecteur propre de ˆA pour la valeur propre ±λp (car pour tout k > |kc|, ˆw±λp,k,1 est un vecteur propre de ˆAk). Ainsi, toutes les fonctions V = F
−1( ˆV )
sont des vecteurs propres de A associés à la valeur propre λp. Les sous-espaces propres
Ker(A ± λp)contiennent donc clairement un sous-espace de dimension infinie.
Cas où I ⊂ {−Ωm, 0, Ωm}
L’opérateur réduit ˆAk possédant pour tout k ∈ R une valeur propre en 0 et ±Ωm, nous savons
par le théorème 7.3.16 que ces points sont aussi des valeurs propres de ˆA et donc de A, qui lui est unitairement équivalent. Les projecteurs E({0}) et E({±Ωm}) ne sont donc pas nuls.
Contentons nous, tout comme dans le cas de l’opérateur réduit, de décrire leur image avec le
Lemme 7.2.2 Le noyau de l’opérateur A et les espaces propres Ker(A ∓ Ωm) sont décrits res- pectivement par : Ker(A) = {(0,fΠ ∇φ, 0, 0)>, φ ∈ H1 0(R 2 −)} et Ker(A ∓ Ωm) = 0, Π ∇φ, 0, ±i∇φ Ωm !> , φ ∈ H01(R2+) ,
où fΠ et Π sont respectivement les applications de prolongement par 0 sur R2+ et R2−.
Preuve.
U ∈ Ker(A) ⇐⇒ F−1A F U = 0 ⇐⇒ˆ A ˆˆU = 0.
En utilisant, le fait que ˆA est décomposable, cette expression est encore équivalente à
ˆ
U (·, k) ∈ Ker( ˆAk), ∀k ∈ R.
et donc d’après (6.9) à
ˆ
U (·, k) = (0,Π ∇f kφ(·, k), 0, 0)ˆ > où ˆφ(·, k) ∈ H01(R−), ∀k ∈ R.
Ce qui se réécrit par transformation de Fourier inverse
U = (0,Π ∇φ, 0, 0)f > où φ ∈ H1
0(R 2 −).
En utilisant la relation (6.13), on prouverait de la même manière la caractérisation des espaces propres Ker(A ∓ Ωm).
14. Nous utiliserons désormais la même notation pour la fonction constante λpdéfinie sur |k| > kcet sa valeur λp= Ωm/
√ 2.
7.2. Théorie spectrale de l’opérateur de Schrödinger 151
On définit alors l’espace H0 par
H0 = Ker(A) ⊥
⊕ Ker(A − Ωm)
⊥
⊕ Ker(A + Ωm). (7.95)
Son orthogonal, l’image du projecteur E(I0), est alors déterminé par le lemme suivant
Lemme 7.2.3 L’espace H⊥0 est caractérisé de la façon suivante
H⊥ 0 = n U = (uE, uH, uP, uM) ∈ H | div uH|R2 − = 0, div uH|R2+ = 0 et div uM = 0 o
où l’opérateur div est défini au sens des distributions par div u = ∂ux
∂x +
∂uy ∂y .
Preuve. La preuve de ce lemme est similaire à celle du lemme 7.1.18.
Remarque 7.2.4 Notons que l’on retrouve ici le résultat connu qui affirme qu’éliminer les
champs statiques (correspondant à la valeur propre nulle) dans un diélectrique consiste à imposer une condition de divergence nulle dans ce milieu. Pour le matériau de Drude, on obtient le même type de condition lorsqu’on élimine les vecteurs propres correspondant aux valeurs propres ±Ωm.
Il découle alors de cette étude le corollaire suivant.
Corollaire 7.2.5 Le spectre de l’opérateur A est σ(A) = R. Par contre, sa structure dépend
des paramètres Ωe et Ωm : – Lorsque Ωe6= Ωm,
σp(A) = {−Ωm, 0, Ωm} et σc(A) = R \ {−Ωm, 0, Ωm} ,
où les valeurs propres −Ωm, 0 et Ωm sont de multiplicité infinie. De plus, en terme de mesure, il admet la décomposition suivante :
σpp(A) = {−Ωm, 0, Ωm} , σac(A) = R et σsc(A) = ∅.
Cette dernière relation permet alors de décomposer l’espace de Hilbert H de la manière suivante :
H = Hpp
⊥
⊕ Hac avec Hac = H⊥0 et Hpp= H0, (7.96)
où les espaces H0 et H⊥0 ont été respectivement définis dans les lemmes 7.2.2 et 7.2.3.
– Lorsque Ωe= Ωm,
σp(A) = {−Ωm, , −λp, 0, λp, Ωm} et σc(A) = R \ {−Ωm, , −λp, 0, λp, Ωm} ,
où les valeurs propres −Ωm, −λp, 0, λp et Ωm sont encore de multiplicité infinie. Ici, nous avons :
σpp(A) = {−Ωm, −λp, 0, λp, Ωm} , σac(A) = R et σsc(A) = ∅. Ce qui se traduit par la décomposition suivante :
H = Hpp ⊥ ⊕ Hac, où Hac = Im(E(I0\ {−λp, λp})) et Hpp = H0 ⊥ ⊕ Im(E({λp}) ⊥ ⊕ Im(E({−λp}). Notons enfin que l’espace H⊥0 = Im(E(I0)) se réécrit donc sous la forme :
H⊥0 = Hac
⊥
⊕ Im(E({λp})
⊥