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La phénologie rythme les échanges de carbone entre la végétation caducifoliée et l’atmosphère : l’apparition des feuilles marque le début potentiel de la photosynthèse, et toute variation dans la date de cette apparition peut affecter la production primaire brute annuelle via l’allongement ou le raccourcissement de la saison de croissance. Le modèle de phénologie présenté ci-dessous a été intégré dans le modèle dynamique de végétation SDGVM.

3.3.1 Modèle phénologique

Picard et al. (2005) utilisent les dates de début de printemps issues de la télédétection (Delbart et al., 2005) pour étalonner un modèle de phénologie, qui simule la date de début de printemps à partir des séries annuelles des températures journalières. Ce modèle a été par ailleurs été intégré dans un modèle dynamique de la végétation.

Dans les régions boréales comme dans les régions tempérées, le principal facteur du développement du bourgeon menant au débourrement est la température de l’air au printemps. La date du débourrement est donc modélisée à partir des températures printanières. Le principe général de cette modélisation est qu’il doit faire suffisamment chaud pendant suffisamment longtemps pour que le débourrement ait lieu. Deuxièmement, pour beaucoup de modèles, la date de débourrement est d’autant plus

46 avancée que la température au printemps est élevée. Ces principes, simples, sont formalisés mathématiquement sous différentes équations (Sarvas, 1972, 1974 ; Cannell & Smith, 1983 ; Hänninen, 1990). Par ailleurs, la levée de la dormance du bourgeon, condition nécessaire au développement menant au débourrement, nécessite la vernalisation, c’est-à-dire que le bourgeon a besoin de connaître une période froide (Hänninen, 1990). Plusieurs hypothèses existent sur l’organisation entre la période de froid et la période de chaud : la période de froid doit être nécessairement intégralement antérieure à la période de températures plus élevée, ou au contraire les deux peuvent coexister, ou encore une vernalisation intense réduit le besoin de température élevées. Ces différentes hypothèses donnent lieu à formulations mathématiques différentes, qui peuvent se combiner aux formulations variées à celles évoquées précédemment. En conséquence le nombre de formes de modèles phénologiques est grand. Hänninen (1990) recense jusqu’à 96 formes de modèles, en combinant les besoins de froid et de chaud pour le débourrement. Les quatre formes présentées dans Chuine et al. (1998) ont été testées (Picard et al., 2005), c’est-à-dire étalonnés en les confrontant aux données issues de la télédétection. L’intégration de la vernalisation ne permettant pas d’améliorer l’accord entre les dates modélisées et les observations satellites, le modèle retenu est le modèle degré-jours, sans doute le modèle le plus ancien puisque proposé par De Réaumur au XVIIIème siècle. A partir du 1er janvier, si la température journalière dépasse une température de base, on retient le nombre de degrés-jours, le nombre de degrés entre la température de base et cette température de base. On additionne tous les degrés-jours retenus depuis le 1er janvier. Quand cette somme dépasse une valeur seuil, le modèle considère que les feuilles apparaissent. L’étalonnage du modèle a consisté à quantifier ces deux termes « suffisamment », c’est-à-dire à déterminer les valeurs de la température de base et du nombre de degrés-jours seuil en cherchant à maximiser l’accord entre les sorties du modèle de phénologie et les observations satellite. Ce modèle de phénologie a été validé grâce aux dates d’apparition des feuilles mesurées in situ, montrant une erreur quadratique moyenne de sept jours, sans biais. Le modèle phénologique aurait été biaisé de quinze jours s’il avait été étalonné par une méthode de télédétection ne prenant pas en compte l’effet de la neige sur le signal radiométrique.

Le modèle a été étalonné en Sibérie centrale, durant les années 1998-2002 (Picard et al., 2005). Ce modèle est néanmoins capable de reproduire les gradients spatiaux de la phénologie foliaire tels qu’observés par la télédétection en dehors de la zone d’étalonnage, et pour d’autres années que celles utilisées pour l’étalonnage (Figure 14). Il est également capable de reproduire relativement fidèlement les variations temporelles de la phénologie observée in situ pour une station située également en dehors de la région d’étalonnage (Figure 15).

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Figure 14 : Comparaison des gradients spatiaux de la phénologie observés par la télédétection et modélisés. Date de début de printemps (en haut) détectée par la méthode décrite dans Delbart et al. (2006) appliquée aux données

NOAA-AVHRR Pathfinder pour l’année 1984 (exprimée en jour de l’année), et (en bas) modélisée à partir des températures moyennes journalières données par le ERA40 ré-échantillonnées à 0,1° selon Picard et al. (2005).

Figure 15 : Evaluation des variations interannuelles de la phénologie modélisée. Date de début de printemps (en rouge) modélisée à partir des températures moyennes journalières données par le ERA40 ré-échantillonnées à 0,1°, et (en

noir) estimée in situ (Ahas et al., 2002) pour une station située dans la péninsule de Kola, Russie.

Néanmoins, la non-intégration du besoin de vernalisation, qui s’explique par le fait que sur la région d’étude ce besoin est toujours satisfait, préempte, en tout cas en théorie, l’utilisation du modèle en cas de fort réchauffement par exemple pour des simulations sous climat futur. En d’autres termes, ceci limite le domaine d’applicabilité du modèle. 3.3.2 Intérêt de l’intégration du modèle de phénologie dans le DVM

Les tests de sensibilité du DVM montrent que si le modèle de phénologie avait été étalonné à partir de résultats de télédétection ne prenant pas en compte l’effet de la neige sur le signal, le biais de 15 jours de la pousse des feuilles dans le DVM aurait entraîné une surestimation de 38% de la production primaire nette (NPP), sur l’année test 2000. Il est important de bien souligner la différence entre les résultats de ces tests de sensibilité d’un DVM aux variations d’une variable, la date d’apparition des feuilles, et l’impact réel

1960 1970 1980 1990 2000

140 150 160 170

48 que peut avoir cette variable sur le bilan de carbone. La variabilité de la date d’apparition des feuilles est une réponse aux variations interannuelles de température, et la variabilité de la température affecte la plupart des variables du modèle. Par exemple, l’analyse conjointe des données issues de la télédétection optique et micro-onde a montré qu’une fonte de neige plus tardive et qu’une plus forte épaisseur de neige en Sibérie s’accompagne d’une productivité primaire plus élevée durant l’été (Grippa et al., 2005). Plusieurs explications sont possibles. Un manteau neigeux plus épais protègerait mieux le réseau racinaire du froid durant l’hiver, une fonte tardive pourrait augmenter la disponibilité en eau durant la saison de croissance. Cette seconde hypothèse s’accorde avec les résultats de modélisation de (Sato et al., 2010), qui montrent que la productivité primaire en Sibérie de l’Est est limitée par la disponibilité en eau. Il est intéressant de lier ces résultats avec ceux présentés précédemment. On a vu qu’un printemps précoce en termes d’apparition des feuilles induisait une augmentation importante de la productivité primaire annuelle simulée par le DVM (Picard et al., 2005). On voit ici qu’une fonte de la neige tardive, et donc un printemps tardif, se traduit par un accroissement de la productivité estivale de la végétation. Ces exemples illustrent que les variations climatiques induisent des effets sur l’écosystème qui peuvent avoir des impacts opposés sur la productivité. Ainsi l’étude des variations de la phénologie n’informe en rien sur les variations interannuelles de la productivité végétale et sur le bilan de carbone si elle est conduite isolement de celles des autres variables, mais néanmoins une modélisation la plus précise possible de la phénologie est indispensable à une quantification non biaisée de la production primaire annuelle et le bilan de carbone actuel et futur.

Le développement et l’amélioration de ces modèles, qui font dialoguer les processus physiques, hydriques, biologiques identifiés comme importants pour cette simulation, sont portés par une les travaux d’une communauté de chercheurs. Ces modèles sont en quelque sorte le point de rencontre d’efforts individuels portant chacun sur un sous-ensemble de variables ou processus. La thèse de Sarah Dandec-Nédelec, soutenue le 6 mars 2017, s’insère parfaitement dans ce schéma de développement communautaire. Elle évalue et améliore une version d’ORCHIDEE résultant de développements récents par différents chercheurs, visant à améliorer le modèle pour la Sibérie en intégrant des processus d’isolation thermique du sol par la neige et ceux liés au permafrost. Elle intègre une meilleure représentation des types de végétation dans le modèle ORCHIDEE (Ottlé et al., 2013), et a identifié des variables importantes pour la simulation de variables physiques (température et humidité du sol) importantes pour la modélisation de la productivité (Dantec-Nédélec et al., 2017). Les travaux de la thèse portent aussi sur la validation d’un grand nombre de variables dont celles relatives à la dynamique saisonnière de la végétation à l’échelle de la Sibérie grâce au jeu de données de phénologie décrits dans Delbart et al. (2005) (Figure 16), la surface foliaire, ou la température de surface.

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Figure 16 : Comparaison de la date de début du printemps modélisée par ORCHIDEE et de celle issue des données de télédétection selon Delbart et al. (2005). Réalisée par S. Dantec-Nédélec.

3.4 Modélisation des gradients spatiaux de la biomasse

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